Le Club académique des juristes comoriens de l’Université de Comores a organisé le 12 mai dernier à la grande salle du CASM une conférence dont l’invité était le juriste Mohamed Rafsandjani.
Par Hachim Mohamed
La rencontre initiée par le Club académique des Juristes comoriens au CASM (Moroni) le 12 mai avait pour invité Mohamed Rafsandjani. Le thème abordé par le juriste était « la théorie générale de la justice constitutionnelle ». Présenté comme enseignant-chercheur à l’Université de Rouen, Mohamed Rafsandjani est aussi co-fondateur du mouvement Ngo’shawo et président du nouveau-né des partis politiques aux Comores, USHE.

Le constitutionnaliste a abordé, dans un premier temps, les origines de la justice constitutionnelle, pour comprendre les fondements théoriques et la légitimité du juge constitutionnel.
Pour la présidente de l’association Rayhane Ben Ali, modératrice de la conférence, « C’est un sujet fondamental dans la mesure où au sommet de la hiérarchie des normes, il y a la Constitution et pour veiller sur elle, un juge pas comme les autres : le juge constitutionnel ».
Elle ajoute que la justice constitutionnelle est cette branche du droit qui permet de garantir que toutes les autres règles – lois, règlements, actes administratifs – soient conformes à la Constitution, la fameuse norme des normes.
Mohamed Radsandjani a lancé des tirades sur le contrôle de la loi, notamment la constitution qui garantit du point de vue des citoyens une situation juridique stable, mais également les libertés fondamentales. C’est ainsi qu’il a montré combien il est important de mettre en place des mécanismes de protection de la constitution.
Personne morale dépositaire de la légitimité.
Sur la base du principe d’indélébilité de la loi (un texte doit être absolument compris, sinon il est irrecevable, écarté…) et avec cette propension de la part de nos compatriotes à prendre une chose pour un autre, prenons garde, estime Mohamed Rafsandjani de ne pas nous méprendre sur la signification d’un mot.
« Qu’on ne se méprenne pas ici sur le sens et sur la portée du mot « anticonstitutionnel » (en opposition avec la constitution ou qui renie carrément la constitution) et celui de « inconstitutionnel » (qui ne respecte pas la constitution, qui est contraire à ses principes) », a recadré le constitutionnaliste.
Ensuite, il a expliqué le fonctionnement de la justice constitutionnelle à travers le monde, en explorant les différentes tendances et modèles existants.
Devant les règles de droit qui proviennent de différentes sources, hiérarchisées entre elles et qui plongent ses racines dans beaucoup d’instruments juridiques comme la Constitution, les traités internationaux, le droit européen, la loi, les règlements, la jurisprudence, la coutume et la doctrine, le contrat, Mohamed Rafsandjani s’est d’abord arrêté sur le contrôle de la loi qui est une théorie complexe, notamment de la désignation de la personne incontestée et incontestable dont les compétences et la légitimité sont unanimement reconnues. Partant du raisonnement selon lequel toute norme et toute culture de contrôle de la loi ne sont, en dernière analyse, compréhensibles, valides, conformes que référées à une autre norme, le conférencier a posé la question de savoir quelle est la personne morale ou physique dépositaire de cette légitimité rare.
Sur le rapport de validité et de conformité à la loi faut-il confier le contrôle de la constitutionnalité au peuple qui représente l’ensemble des choix réalisés par tous les citoyens, ou au parlement (avec un risque de conflit d’intérêt puisque les députés élaborant les lois pourraient être juges et parties selon Rafsandjani) ?
Le juriste conclut que la Cour suprême semble la mieux indiquée pour être dépositaire de la légitimité nécessaire au juge constitutionnel.
« Modèle américain », le modèle des modèles
Sur le contrôle de constitutionnalité des lois, Mohamed Rafsandjani a présenté deux modèles de justice constitutionnelle : les modèles américain et européen. Le modèle américain a la préférence du juriste. C’est à ses yeux le modèle des modèles. Chaque juge américain est compétent pour apprécier la constitutionnalité de la loi, sous le contrôle de la cour suprême. La saisine du juge est ouverte à tous et donne lieu à un contrôle qui revêt l’autorité de la chose jugée.
De façon concrète, dans nos sociétés, le contrôle de constitutionnalité selon ce modèle est un contrôle par « voie d’exception », jugement revêtu de l’autorité relative de la chose jugée, qui n’est pas application à tous. Il consiste, entre autres, à se défendre contre une loi que l’on pense inconstitutionnelle, dans le cadre d’un procès.
QPC dans la justice constitutionnelle.
Lors d’un procès, si vous estimez qu’une loi est contraire aux droits et libertés garantis par la Constitution, vous pouvez poser une QPC avant que l’affaire ne soit jugée.
QPC fait allusion en droit français à la question prioritaire de constitutionalité, concrètement une procédure de contrôle de constitutionalité sur les lois déjà promulguées.
La QPC sera d’abord examinée par la juridiction devant laquelle le procès est en cours. Selon la complexité de l’affaire, le juge, saisi du litige, doit donc poser à la Cour constitutionnelle une question préjudicielle, c’est-à-dire lui transmettre cette question et sursoir sa décision en attendant la réponse.