Le corps sans vie d’un nourrisson a été retrouvé dans la rivière Mroni à Mutsamudu (Anjouan).
Par Anoir Ahamadi
Lundi 5 mai 2025, dans la matinée, un acte de barbarie a secoué la ville de Mutsamudu, capitale économique et administrative de l’île d’Anjouan. Le corps sans vie d’un nourrisson a été retrouvé dans la rivière Mroni à Mutsamudu, l’une des plus grandes rivières de la ville, par un groupe d’individus qui extrayaient quotidiennement du sable sur les bords. Cette découverte a plongé la communauté locale dans un état de choc et d’indignation, faisant naître des larmes parmi ceux qui, souvent, peinent à avoir un enfant.

Dès la diffusion de l’information, l’endroit est devenu un lieu de rassemblement. Les habitants, saisis par l’horreur, se sont précipités sur les lieux pour observer ce qui ressemble à une tragédie indicible. Il ne s’agit pas d’un simple fait divers : c’est un drame humain qui interpelle toute une population, en particulier ceux qui vivent la difficile quête de la parentalité. Pour eux, cet acte dépasse le simple cadre de l’abandon d’un enfant ; il s’apparente à une agression contre les valeurs humaines les plus profondes.
Une rupture avec les valeurs fondamentales du pays
Parmi les voix qui se sont élevées pour dénoncer cet acte, Wattara Ahmed, un habitant de Mutsamudu, a exprimé une profonde réprobation. « C’est une tragédie que nous ne pouvons pas accepter », a-t-il affirmé, les yeux pleins de colère. « Comment peut-on porter une grossesse pendant 9 mois, pour finalement tuer cet enfant innocent ? » Pour lui, cet acte est une rupture avec les valeurs fondamentales du pays, celles qui se fondent sur le respect de la vie et sur les principes religieux partagés par une grande majorité des Comoriens.
En l’occurrence, il fait référence à ce qui pourrait être les conséquences d’une grossesse non désirée ou d’une aventure illégale, mais cela ne justifie en rien le meurtre de l’enfant. Dans un pays où la famille et les enfants occupent une place centrale, une telle action frappe de plein fouet les consciences. « Pourquoi ne pas chercher des solutions alternatives comme celles proposées par des structures humanitaires locales ? » a ajouté Wattara, en appelant fermement à ce que justice soit rendue.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que de tels faits macabres viennent choquer les habitants de l’île. Il y a seulement deux mois, à Ouani, un autre nourrisson avait été découvert enterré dans le sable, dans des conditions similaires. Ce fait tragique avait également provoqué une vive émotion parmi les habitants, soulevant une question importante : pourquoi ces actes de cruauté semblent se multiplier dans la région ?
Pourtant des structures existent pour les enfants
Fatima Ahmed Oussene, une vendeuse ambulante à Mutsamudu, a partagé son dégoût de manière poignante. « C’est écœurant et inhumain cet acte », a-t-elle déclaré, les yeux embués de larmes. « Pendant que des femmes partent à travers le monde à la recherche d’un enfant, d’autres se permettent de tuer des nourrissons. C’est une honte », a-t-elle ajouté. Ses propos ont résonné comme un cri du cœur face à cette cruauté.
La situation est d’autant plus révoltante qu’à Mutsamudu, des structures humanitaires comme la mission catholique et le centre Lama Yacoub à Patsy existent pour accueillir, nourrir et éduquer les enfants abandonnés. Ces structures jouent un rôle essentiel dans la prise en charge des enfants orphelins ou maltraités, leur offrant un cadre stable et un avenir, même face à la douleur de la séparation. Pourtant, malgré l’existence de ces solutions, des drames comme celui-ci continuent de se produire.
Les citoyens de Mutsamudu se demandent comment de tels actes peuvent survenir dans une société où des alternatives sont pourtant accessibles. Il semble qu’il y ait un écart abyssal entre la volonté de certains de créer la vie et les gestes cruels de ceux qui l’anéantissent. C’est un contraste difficile à accepter, surtout lorsque des ressources existent pour prendre en charge les enfants vulnérables.
Le rôle crucial des autorités
Si la découverte du corps a été rapidement prise en charge par les forces de l’ordre, il convient de noter que la gestion de l’événement a été relativement discrète. Le corps du nourrisson a été rapidement enterré, sans qu’une autopsie n’ait été réalisée ni qu’une enquête publique n’ait été lancée. Pourquoi aucune communication officielle n’a été émise par les autorités locales concernant l’ouverture d’une enquête ?
Les autorités compétentes, qu’elles soient judiciaires ou administratives, enquêteront-elles sur ce crime ? Ou un tel acte ne sera encore traité que comme un simple fait divers ? Si la réaction des forces de l’ordre a permis d’éviter un spectacle public macabre en enterrant rapidement le corps, cette gestion soulève des interrogations légitimes parmi la population. Pourquoi aucune procédure judiciaire n’est-elle visible ? La transparence des autorités dans la gestion de cet événement est primordiale pour que la confiance en la justice et en l’État soit préservée.
Bien que les autorités n’aient pas encore communiqué officiellement, il est de leur responsabilité d’assurer que ce genre de crime ne se perpétue en menant des enquêtes approfondies et en punissant les responsables. L’absence de telles démarches pourrait laisser place à la spéculation et à l’inquiétude, créant ainsi un sentiment de frustration et d’abandon parmi les citoyens. La population attend une réponse claire et ferme de la part des autorités judiciaires pour que justice soit rendue.
Sensibilisation et prévention
Ce tragique événement doit aussi servir de catalyseur pour des actions de prévention. Il est indispensable de mettre en place des campagnes de sensibilisation régulières sur les droits des enfants et sur la protection des femmes enceintes, notamment en cas de grossesse non désirée. De telles initiatives pourraient non seulement éviter des drames comme celui-ci, mais aussi contribuer à une meilleure prise en charge des femmes en situation de vulnérabilité.
En parallèle, les autorités locales devraient renforcer les programmes d’accompagnement pour les femmes enceintes en difficulté, afin qu’elles puissent se tourner vers des structures d’accueil au lieu de recourir à des solutions aussi extrêmes. Il est impératif que des solutions humanitaires soient accessibles à toutes les femmes, pour qu’elles ne se retrouvent jamais face à un dilemme aussi insoutenable.
Une responsabilité collective
Enfin, cet événement tragique soulève une réflexion sur la responsabilité collective. Chacun, à son niveau, doit se poser la question de savoir comment il peut contribuer à la lutte contre de telles atrocités. Les autorités, bien sûr, doivent assumer pleinement leur rôle dans la protection de la vie humaine. Mais la société civile, les parents, les institutions éducatives doivent également prendre part à la réflexion sur la manière de protéger les plus vulnérables et d’offrir des alternatives aux femmes en détresse.
Les Comores, un pays profondément ancré dans des valeurs de solidarité et de fraternité, doivent se montrer intransigeantes face à de telles tragédies. Si la justice ne s’attaque pas à ce fléau avec toute la fermeté nécessaire, alors qui le fera ?
Cet acte doit marquer un tournant. Il doit être l’occasion d’une prise de conscience collective pour que de tels drames ne se reproduisent plus.