Dimanche 13 avril, l’île d’Anjouan a vibré au rythme du football avec un derby tant attendu opposant deux clubs de Mirontsi Ngazi Sport et l’Étoile d’Or. Un match qui a tenu toutes ses promesses en matière d’intensité, de ferveur et, malheureusement, de débordements.
Par Anoir Ahamadi
La rencontre de la 15e journée du championnat régional de la Ligue de Ndzuani opposait le 13 avril dernier deux clubs de Mirontsi, Ngazi Sport et L’Étoile d’Or. Le match se jouait au stade de Hombo, un lieu mythique où l’engouement populaire pour le ballon rond se manifeste à chaque grande affiche. Ce derby, entre deux clubs issus de la même localité, a dépassé le cadre d’un simple match de football. Il s’est mué en un véritable événement social, attirant des spectateurs venus des quatre coins de l’île.

Une ambiance électrique dès les premières heures
Le public a répondu présent bien avant le coup d’envoi. Hommes, femmes, jeunes et anciens ont afflué, arborant fièrement les couleurs de leurs équipes respectives. L’ambiance était électrique, rythmée par des chants, des sifflets, des cris de ralliement et des tambours improvisés. La passion des supporters anjouanais n’est plus à démontrer, et ce 13 avril, elle a atteint un sommet.
Une telle intensité justifiait la présence d’un trio arbitral de haut niveau. Le match a été officié par des arbitres internationaux comoriens reconnus par la FIFA : Mbuchi, originaire de Mohéli, en tant qu’arbitre central, assisté de Amaldine de Patsy et de Saïd Omar Chebli de Ouani. Ce choix traduisait la volonté de garantir l’impartialité et la rigueur dans une confrontation connue pour sa tension constante. Par ailleurs, les forces de l’ordre étaient déployées autour et à l’intérieur du stade afin d’assurer la sécurité, témoignant de la sensibilité particulière de ce type de rencontres.
Une ferveur exceptionnelle
Dans les tribunes, les témoignages recueillis montrent à quel point ce match était important dans la vie des Anjouanais. Abdou Ali, venu spécialement de Patsy, explique : « J’ai quitté tôt le matin pour faire le déplacement jusqu’à Mutsamudu. Ce derby, c’est plus qu’un match. C’est un spectacle, une fierté, un moment fort de notre calendrier sportif. » Ousseni, un passionné venu de Sima, renchérit : « Le sport, surtout le football, reste ce qui unit nos esprits dans un monde si divisé. »
Rachmi, supportrice engagée de Ngazi Sport, ne voulait manquer cette rencontre sous aucun prétexte. Elle nous confie avec un grand sourire : « L’ambiance d’avant-match à Mirontsi était déjà électrique. C’était impensable pour moi de ne pas venir. »
Une première mi-temps sans but, mais tendue
Dès le coup d’envoi, les deux équipes ont montré un engagement total. Ngazi Sport et Étoile d’Or se sont livrés à un duel physique, stratégique et mental. Le ballon circulait vite, les duels étaient musclés, les occasions rares, mais réelles. Cependant, aucune des deux formations n’a réussi à faire trembler les filets durant la première période. La mi-temps a ainsi été sifflée sur un score nul et vierge de 0-0.
Mais ce score ne reflétait pas l’intensité du jeu. Les occasions manquées, les fautes tactiques et les gestes techniques ont maintenu les supporters dans une tension constante. Il ne faisait aucun doute que le second acte allait être décisif.
Des rebondissements en fin de match
Il a fallu attendre la 80e minute pour que le match bascule enfin. L’Étoile d’Or de Mirontsi, dans un sursaut d’orgueil, parvient à ouvrir le score, déclenchant une vague d’euphorie dans une partie des gradins. Mais l’illusion n’aura duré que cinq minutes. Ngazi Sport, vêtu de jaune pour l’occasion, égalise à la 85e minute, ramenant les deux équipes à égalité et relançant totalement la rencontre.
Ce but a été accueilli avec ferveur par les supporters de Ngazi Sport, mais a provoqué de vives tensions dans les rangs de l’Étoile d’Or. Subitement, des jets de pierres ont fusé depuis les tribunes vers la pelouse, interrompant le match. Des scènes regrettables, malheureusement trop fréquentes dans les derbys à haute intensité.
Une situation qui dégénère momentanément
La tension était palpable. Les forces de l’ordre ont dû intervenir rapidement pour empêcher la situation de dégénérer davantage. Le terrain était jonché de projectiles, et les joueurs, ainsi que les officiels, ont été contraints de suspendre la partie pendant plusieurs minutes.
Un spectateur, sous anonymat, a évoqué l’idée d’un acte prémédité : « Comment se fait-il que des pierres viennent de partout ? Il aurait fallu une fouille systématique à l’entrée. Sinon, comment expliquer la présence de ces projectiles à l’intérieur du stade ? » Ces propos soulèvent la question de l’organisation et de la sécurité dans ce genre de rencontres.
Malgré tout, après plusieurs minutes d’interruption et de nettoyage du terrain, les arbitres ont décidé de faire reprendre le match. Le score final restera figé à 1-1.
On pourrait être tenté de croire que ce résultat nul satisfaisait les deux camps, ce n’était pas tout à fait le cas du côté de Ngazi Sport. Rahada, une supportrice fidèle de l’équipe, nous confie sa frustration : « Ce match, on devait le gagner. On est en tête du championnat avec 23 points, juste devant le deuxième avec 22 points. Ce point nous maintient en tête, certes, mais il fallait en prendre trois pour creuser l’écart et asseoir notre statut de favori. »
En effet, cette égalisation maintient Ngazi Sport en tête, mais avec seulement deux petits points d’avance désormais. Une victoire leur aurait permis de créer un fossé plus confortable, de quoi se positionner sérieusement comme prétendant au titre de champion régional pour l’année 2025.
Du moins, c’était le raisonnement avant les sanctions disciplinaires décidées par la Commission d’homologation.
Des sanctions lourdes qui redistribuent les cartes
Suite à l’analyse approfondie des incidents survenus, celle-ci a tranché : les deux équipes sont tenues responsables des violences ayant perturbé la fin de la rencontre.
Selon le rapport officiel, le geste provocateur du buteur de Ngazi Sport, Ihiwani, à l’égard des supporters d’Étoile d’Or, après son but égalisateur, aurait mis le feu aux poudres. En réaction, une partie du public aurait riposté par des jets de pierres, entraînant l’interruption temporaire du match. En conséquence, la commission a infligé des sanctions sévères aux deux clubs : une amende d’un million de francs comoriens chacun, ainsi qu’un retrait de sept points au classement.
C’est une décision qui bouleverse totalement les ambitions de Ngazi, jusqu’ici considéré comme un favori sérieux pour le titre de champion d’Anjouan 2025. Bien que des recours soient possibles, ces mesures disciplinaires suscitent un débat : permettront-elles réellement d’instaurer un climat de responsabilité dans les stades, ou ne seront-elles qu’une simple formalité ignorée par les protagonistes habitués à l’impunité ?
L’avenir du football anjouanais en dépend, comme semblent l’indiquer les réactions des amoureux du football, à l’image de Ben Cheik, supporter de Nkondroni. « Désormais, j’hésiterai à me déplacer pour ce genre de matchs. Il y a trop de tension. À chaque fois, ça risque de dégénérer. Cela peut nuire à l’image du football anjouanais. » Il met ainsi en lumière un aspect préoccupant : si les débordements deviennent récurrents, les supporters, les familles et même les sponsors pourraient tourner le dos à ce sport pourtant si rassembleur.
Ce match nul, au-delà de son importance sportive, invite les acteurs du football comorien à une réflexion profonde sur l’encadrement des grands événements. Entre passion, rivalité et sécurité, l’équilibre est fragile.