Vendredi dernier, entre Mutsamudu et Ouani, en plein mois de ramadan, un homme a enlevé une enfant de 11 ans à la sortie d’une école coranique. Heureusement, il a été rapidement appréhendé par les jeunes de Ouani et remis à la gendarmerie.
Par Anoir Ahamadi
Anjouan a failli être, une fois de plus, le théâtre d’un drame effroyable. Un kidnapping en plein jour, en plein mois de ramadan, a secoué l’île et suscité une onde de choc parmi la population. Si l’histoire s’est heureusement soldée par une fin moins tragique qu’elle ne le laissait craindre, elle soulève néanmoins des questions cruciales sur la sécurité des enfants et la vigilance collective.

Un enlèvement en pleine journée
Il est environ 11 heures du matin, ce vendredi 7 mars 2025, lorsque des adolescents quittent leur établissement scolaire pour rentrer chez eux. La scène se déroule à Mwa-Mwa, un village de la région de Mutsamudu. Sur le chemin, un motard s’arrête à leur hauteur et leur propose de monter avec lui. En cette période de ramadan, où l’esprit de solidarité et de bienveillance est censé primer, ce geste peut paraître anodin. Himidati Maanrouf, une fillette de 11 ans, épuisée par la chaleur et la fatigue du jeûne, accepte. Mais au lieu de la ramener directement au village, l’homme prend une tout autre direction.
L’angoisse s’installe dès que ses camarades réalisent que quelque chose ne va pas. Le motard s’éloigne en direction de Mutsamudu, au lieu de prendre le chemin habituel. Pris de panique, les jeunes informent immédiatement les habitants. La nouvelle se répand et un avis de recherche est diffusé sur les réseaux sociaux.
Une mobilisation immédiate
La famille de Himidati vit dans l’angoisse. Les heures passent sans aucune nouvelle. Le ramadan, censé être une période de sérénité et de prière, se transforme en cauchemar pour eux. Leurs pensées sont accaparées par l’incertitude et la peur.
Pendant ce temps, l’alerte lancée sur les réseaux sociaux fait son effet. Partagée massivement, elle atteint de nombreuses personnes à travers l’île. La description de la fillette et du motard est diffusée, et des habitants de différentes localités se mettent à scruter les environs.
Il faut attendre la tombée de la nuit pour qu’un groupe de jeunes de Ouani, ville voisine de Mutsamudu, repèrent la fillette et son ravisseur devant une boutique. L’homme, âgé d’environ 35 ans, semble vouloir acheter quelque chose. Mais un détail intrigue les jeunes : la petite Himidati semble silencieuse, comme paralysée. Ils font immédiatement le lien avec l’avis de recherche.
L’interpellation du ravisseur
La réaction des jeunes de Ouani est rapide. Sans attendre, ils interpellent l’homme, lui bloquent la route et s’assurent qu’il ne puisse pas s’échapper. L’un d’eux, Anyas Antoy, lycéen, explique :
« Nous avons tout de suite compris que c’était lui. Nous ne pouvions pas le laisser partir. Ce qu’il a fait est inacceptable, il fallait qu’il réponde de ses actes. »
Le kidnappeur n’oppose pas de résistance notable. Peut-être est-il pris de court, peut-être réalise-t-il que la foule commence à grossir et que toute tentative de fuite serait vaine.
Daniel Youssouf, un autre membre du groupe qui a participé à l’interpellation, témoigne également : « La fillette ne disait rien. C’était comme si elle avait été contrainte au silence. Elle avait l’air sous le choc. »
Ils conduisent alors immédiatement l’homme à la brigade de Ouani, où il est remis entre les mains des forces de l’ordre.
Un père sous le choc
Le lendemain matin, samedi 8 mars 2025, la famille de Himidati prend la parole. Son père, Maanrouf, relate avec émotion l’état dans lequel sa fille a été retrouvée. Il décrit une mâchoire gonflée et des marques suspectes au niveau du cou, laissant penser qu’elle a subi des violences ou une tentative d’étranglement.
Il évoque également une hypothèse qui circule dans certaines régions des Comores : l’usage de pratiques occultes par certains ravisseurs pour manipuler ou tétaniser leurs victimes.
« Nous savons que certains utilisent des gris-gris ou d’autres moyens pour atteindre leurs objectifs. Nous ne pouvons pas exclure cette possibilité. »
Une analyse médicale doit être effectuée pour évaluer son état et vérifier si d’autres formes d’agression ont eu lieu.
Un acte qui choque la population
Ce fait divers suscite une vive indignation à Anjouan. Le kidnapping, phénomène rarement évoqué publiquement sur l’île, refait surface d’une manière brutale. La population exprime son inquiétude quant à la sécurité des enfants et exige des mesures plus strictes pour éviter de telles situations.
Cette tentative d’enlèvement a réveillé le souvenir de la petite Roukaya Mohamed qui n’avait que trois ans, qui a été enlevée et dont le corps a été retrouvé cinq jours plus tard à Mutsamudu. C’était en juin 2016.
Cette fois les réseaux sociaux ont joué un rôle central dans cette mobilisation et ont permis de retrouver la jeune fille assez rapidement. De nombreux internautes ont salué le courage des jeunes de Ouani et dénoncent fermement l’acte du ravisseur.
La nécessité d’une vigilance accrue
Ce triste événement soulève des questions essentielles : comment renforcer la sécurité des enfants sur le chemin de l’école ? Quelle place accorder à la sensibilisation sur les dangers liés aux inconnus ?
L’implication rapide des jeunes de Ouani démontre une chose cruciale : la vigilance et la solidarité peuvent faire la différence. Grâce à eux, Himidati a pu être retrouvée saine et sauve, et son ravisseur arrêté avant que l’irréparable ne se produise.
Toutefois, cette affaire rappelle également l’importance d’un encadrement plus strict. Si les autorités locales ont pris les choses en main après l’arrestation, certains s’interrogent sur les mesures préventives qui pourraient être mises en place.
Il ne fait aucun doute que cette tentative de kidnapping marque un tournant dans la prise de conscience collective. L’opinion publique attend désormais des réponses claires. Qui est cet homme ? Quel était son mobile ? A-t-il des complices ?
Des voix s’élèvent pour demander un renforcement de la surveillance aux abords des écoles et une sensibilisation accrue des enfants et des parents. Certains réclament également des sanctions exemplaires pour dissuader d’autres individus mal intentionnés.
Une leçon à retenir
L’affaire Himidati Maanrouf est un électrochoc. Ce drame évité de justesse aurait pu connaître une issue tragique. Mais il rappelle avant tout que la vigilance doit être permanente.
La mobilisation citoyenne a joué un rôle clé dans cette affaire. Grâce à la réactivité des jeunes de Ouani et à la puissance des réseaux sociaux, une vie a été sauvée. Il appartient désormais aux autorités de tirer les leçons de cet incident et de mettre en place des stratégies pour garantir la sécurité des plus vulnérables.
En attendant, la population d’Anjouan reste sous le choc, espérant que de tels événements ne se reproduiront plus jamais.