Le port de Mutsamudu, principal poumon économique de l’île d’Anjouan en particulier et des Comores en général, est en train de se transformer en une véritable arme silencieuse contre la population. Chaque jour, des nuages épais de poussière s’élèvent de la terre pleine du port, s’infiltrant dans les maisons, les écoles, les commerces et surtout dans les poumons des habitants.
Par F.S
Les allées du port de Mutsamudu sont recouvertes d’une poussière dont personne ne fait attention depuis de nombreuses années. Une poussière si dense qu’elle rivalise avec un sac de farine renversé en pleine tempête. À cela s’ajoutent les émanations toxiques des moteurs usés des engins de manutention, créant un cocktail mortel qui empoisonne lentement mais sûrement les travailleurs et la population environnante.

Depuis le début des années 2000, le concessionnaire ASC (Anjouan Steve Doring), chargé de l’exploitation du port, ferme les yeux sur ce scandale sanitaire. Le dallage promis depuis des décennies pour limiter la poussière n’a jamais vu le jour. Pourtant, ce projet est inscrit noir sur blanc dans la concession comme une obligation incontournable. Mais l’ASC continue de profiter des richesses générées par l’activité portuaire sans assumer ses responsabilités, avec la complicité tacite des gouvernements successifs.
Une santé publique sacrifiée
Le constat est accablant : cancers pulmonaires, maladies respiratoires chroniques, allergies sévères, toux persistantes et essoufflements deviennent monnaie courante chez les usagers et riverains du port. La poussière, riche en particules fines, s’installe profondément dans les bronches et détruit progressivement les organes respiratoires. Les habitants de Mutsamudu n’ont même plus besoin de se rendre au port pour en souffrir : un simple vent suffit à transporter ces nuages de mort jusque dans leurs salons, leurs chambres et jusque sur leurs assiettes.
Une vidéo diffusée par la Société Comorienne des Ports (SCP) sur sa page Facebook illustre l’ampleur du désastre : les camions et engins de manutention soulèvent des nappes de poussière qui se répandent sur toute la ville comme un brouillard toxique. Et malgré ce témoignage accablant, le silence officiel demeure assourdissant.
Un État complice par son inaction
Le président du Conseil d’administration de la SCP, Raoul Ivon-Delapeyere, a tiré la sonnette d’alarme lors d’une visite de travail, rappelant avec insistance que « le concessionnaire doit rapidement finir avec le projet de dallage du port de Mutsamudu ». Mais derrière ce cri d’alerte, se cache une triste réalité : les décisions politiques sont paralysées par la corruption et les arrangements entre amis.
Le gouvernement Azali, au pouvoir depuis 2016, n’a rien fait pour protéger les citoyens d’Anjouan de ce fléau. Au contraire, il a laissé prospérer l’inertie du concessionnaire ASC. Des contrats de concession bidon ont été signés et renouvelés sans contrôle rigoureux, au détriment de la santé publique et de la durabilité de l’infrastructure portuaire. Le dragage du port, récemment confié au même concessionnaire, a été exécuté à la va-vite, sans expertise indépendante, provoquant déjà des conséquences graves sur la navigation. Rappelons qu’en 2025, un porte-conteneurs s’est retrouvé coincé au port, conséquence directe de ces travaux bâclés.
Qui profite du crime ?
Une minorité bien placée profite de la situation. Il est probable que ce sont des soutiens solides en haut lieu qui permettent à ASC de continuer son exploitation sans crainte de sanctions. Pendant que les gouvernants « sucent leur biberon » et détournent l’attention du peuple, les citoyens inhalent chaque jour des particules qui écourtent leur espérance de vie. Dans le dernier contrat signé, le dallage est mentionné en gras. Mais, plusieurs observateurs augurent que « La compagnie ASC de Mounib El-had, directeur général, ne fera quasiment rien. L’image de notre gouvernement reflète les jonglages de l’ASC pour l’intérêt étranger ».
L’affaire du port de Mutsamudu est révélatrice d’une gouvernance défaillante, où l’intérêt public est sacrifié sur l’autel de la corruption et de l’irresponsabilité. Les habitants d’Anjouan, eux, paient le prix fort : leur santé, leur environnement et leur avenir.
Un appel urgent à la responsabilité
Ce scandale ne peut plus être tu. Il est urgent que la SCP impose à ASC l’exécution immédiate du dallage du port et engage des travaux de dépollution. Les organisations de la société civile, les associations de santé publique et les notables de l’île doivent hausser le ton et exiger des comptes. Sans pression populaire, le gouvernement Azali continuera à protéger ses alliés économiques, au détriment de la vie de ses citoyens.
Le port de Mutsamudu, au lieu d’être un moteur de développement, est devenu une poudrière sanitaire à ciel ouvert. Si rien n’est fait, les générations futures hériteront non seulement d’une infrastructure en ruine, mais aussi d’un lourd héritage de maladies et de décès prématurés.
Le contrat de concession se termine en 2027. Le gouvernement Azali va-t-il le renouveler ?















