À l’approche du mois de ramadan, le gouvernement a de nouveau montré qu’il a mis des moyens financiers pour mettre fin à la crise énergétique qui rend l’activité économique et la vie quotidienne très difficile, surtout dans la capitale.
Par Hachim Mohamed
Avec l’arrivée de nouveaux groupes électrogènes le 11 février dernier, le gouvernement voudrait montrer qu’il entend régler le problème des longs délestages qui sévissent dans le pays depuis plusieurs mois, accompagnés d’une crise de distribution de l’eau et le retour des bidons et des camions-citernes dans la capitale. Le gouvernement a annoncé l’arrivée de dix groupes, et il a ressorti le terme de « fonds propres » pour dire à la population que six d’entre eux ont été achetés sans avoir recours à l’emprunt, alors qu’on sait que la Société nationale d’électricité (SONELEC) n’a aucun moyen à investir. Le gouvernement aurait cette fois avancé deux milliards de francs.

SONELEC : un cimetière de groupes électrogènes
Depuis 2016, la SONELEC a bénéficié de plusieurs milliards de subventions prélevés sur le budget de l’État pour un résultat médiocre, puisque ni la population, ni les entreprises, ni même l’administration n’ont jamais pu bénéficier de l’électricité d’une manière permanente. Au total, avec les nouveaux moteurs, depuis 2016, la SONELEC a acheté près de 35 moteurs, soit plus de trois moteurs par an. En 2016, neuf moteurs ont été achetés sans appel d’offres, en évoquant l’urgence de la situation et depuis le gouvernement continue dans sa lancée. En 2018, de nouveaux groupes sont achetés, l’année suivante c’est sans doute encore neuf autres qui arrivent, financés par des fonds Abu Dhabi. Cela ne résout pas le problème puisqu’en 2022, le gouvernement comorien doit encore mettre la main à la poche pour acheter de nouveaux groupes. Cette spirale des achats de groupes électrogènes n’en finit pas. À chaque arrivée le ministre et le Directeur de la société annoncent avoir mis fin au problème de l’électricité dans le pays et pourtant, la SONELEC n’arrive pas à résoudre ce problème, malgré le turn-over et le fait qu’elle soit en situation de monopole.
À l’échelle de la clientèle de la boîte, que ce soit à Moroni ou au-delà de la capitale, on ne compte plus les scènes d’exacerbation des tensions marquées par l’épuisement et par l’aggravation des fréquences des coupures de courant en cristallisant des « évènements dramatiques ».
Les nerfs de la population mis à rude épreuve
En effet, les conséquences d’une panne de courant sont lourdes et multiples. Il faut prendre en compte les perturbations dans les communications, dans l’approvisionnement en eau, mais aussi dans les transports ou la détérioration des aliments et la contamination de l’eau. Les commerces de détail comme les ventes de produits carnés sont obligés de fermer. Il y a également un arrêt du fonctionnement des stations-service, des distributeurs automatiques, en gros de tous les services qui ont besoin de l’électricité.
Lorsque la coupure de courant ne dure que quelques heures, tout est encore rattrapable. Mais, lorsque la coupure dure pendant une ou deux semaines, voire des mois, travailler devient quasiment impossible. C’est ainsi que la population et les entreprises à Moroni et au-delà s’est retrouvée dans l’obligation de se lancer dans une véritable bataille pour la survie en attendant des temps meilleurs.
De la ville d’Iconi à celle de Mdé, en passant par les quartiers d’Iroungoudjani, de Mtsangani, Hadoudja, Coulée… jusqu’à la ville d’Itsandra, les restrictions de courant, de plus en plus fréquentes, mettent les nerfs de la population à rude épreuve.
En interrogeant les habitants de cette zone géographique, on s’aperçoit qu’à part les habitants de la ville d’Itsandra et ceux du quartier de Djomani, des coupures de courant jugées discriminatoires sont infligées à tous les abonnés.
« Je sais qu’il y a des quartiers de la capitale qui n’ont pas plus « goûté » depuis le jour du miradji. Par contre nous, à Djomani, ce ne sont pas des journées, mais quelques heures. Alhamdulillah. Il peut y avoir une coupure de 17 heures jusqu’à 23 heures ou parfois vers minuit », affirme Youssouf M’saidié qui ne comprend pas la médiatisation et le tintamarre autour de l’arrivée des nouveaux groupes électrogènes.
Ali, habitant d’Itsandra, soutient que sa ville n’a pas de problème de l’électricité en général, mais vu le problème qui frappe le pays, ils connaissent de petites coupures de quelques minutes par jour plus, et plus particulièrement le dimanche.
Dans la plupart des quartiers de la capitale, c’est un tout autre son de cloche que l’on entend. Les gens évoquent le black-out et disent subir et souffrir des affres des coupures d’électricité interminables. « Ici à la Coulée, depuis le dimanche, on nous a « bipé » juste 20 minutes l’après-midi, puis le jus a été repris et ipso facto l’obscurité s’est installée », a raconté Boxeur, un brin choqué.
La ville d’Iconi, les quartiers d’Iroungoudjani, de Hadoudja ou encore de Mtsangani constituent un « grand périmètre à part » où les abonnés du SONELEC se plaignent d’être privés en permanence d’électricité.
Après deux jours sans électricité, les habitants d’Iconi le retrouvent à présent de 10 heures à 14 heures. Mais, cela fait presque une semaine que le quartier d’Iroungoudjani est plongé dans le noir.
Démarrage des travaux dans une semaine
Après avoir constaté que le gouvernement a investi des milliards de francs pour acheter des groupes électrogènes, sans réussir à mettre fin à la crise énergétique, de nombreux spécialistes des énergies renouvelables proposent désormais des solutions hybrides, alliant panneaux solaires et groupes électrogènes, afin d’assurer un service électrique constant.
Le remplacement d’une partie de la production d’un groupe électrogène par de l’énergie solaire a permis ainsi de réduire les coûts de l’électricité, d’où l’essor actuel des mini-réseaux hybrides solaire/diesel. De ces solutions hybrides, les régions du Sud, du Nord et du Washili ont bénéficié des opportunités d’électrification généralement dictées par des contingences économiques.
À l’arrivée en fanfare des nouveaux moteurs correspond l’installation d’un nouveau Directeur général pour la société nationale, Soilahoudine Moumine. À cette occasion, le responsable de la communication de la SONELEC, Sambaouma, a livré une piste. « Rien n’a encore filtré sur ce qui va passer dans la nouvelle gestion de la boite. Il y aura un plan de restructuration du service, mais les vrais travaux commencent dans une semaine », a-t-il expliqué.
Pour mettre fin aux affres de coupure de courant, il faudra une politique hardie portée sur la prise en compte des exigences du plan de maintenance des groupes électrogènes. Or c’est toujours sur la maintenance que se joue la durée d’un moteur. La société nationale a-t-elle embarqué avec les groupes électrogènes, des ouvriers pour faire la maintenance ou a-t-elle prévu de faire la maintenance avec ses propres techniciens sur place ? Nous le saurons assez rapidement.