Après Chido, la réouverture des écoles est l’indicateur d’un retour progressif à la normale pour Mayotte. Les enseignants sont bien là, ils n’ont pas fui et les élèves n’ont pas été ensevelis sous les tôles comme certains le prévoyaient.
Par MiB
À Mayotte, un mois après la reprise des cours, élèves et professeurs sont en vacances depuis ce lundi. Comme cela se passait avant le cyclone Chido, la semaine qui a précédé les vacances a été émaillée par de nombreux incidents, des bagarres entre jeunes aux abords de certains lycées, des caillassages de bus, l’introduction d’armes blanches dans des établissements… Et malheureusement, ces violences ont conduit à la mort d’un adolescent. On pourrait presque dire que l’île est revenue à la normale, mais après tant de discours des élus et des ministres, on pouvait s’attendre à une amélioration de la situation de violence.

Le calendrier scolaire de l’île avait prévu une semaine de vacances, finalement, le ministère a décidé que ce serait deux semaines. Cela donnera un peu plus de repos à des enseignants dont certains sont toujours à la recherche d’une solution de relogement, mais surtout permettra au Rectorat de réparer ce qui reste à réparer dans les écoles.
Des vacances qui arrivent au bon moment
En effet, la reprise des cours avait été prévue le 13 janvier 2025, les deux cyclones ont contraint le ministère de l’Éducation à fixer la rentrée des élèves le 27 janvier. Elle s’est faite d’une manière progressive et avec souplesse pour permettre aux professeurs de revenir peu à peu de leurs vacances après l’épreuve qu’a représenté Chido. « Le Rectorat et le ministère ont plutôt fait preuve de compréhension », affirme un professeur présent dans l’île depuis plus de dix ans.
Le cyclone Chido était arrivé le week-end pendant lequel la grande majorité des professeurs avaient prévu de quitter l’île de Mayotte pour les fêtes de fin d’année en famille. Les rares personnes qui avaient pu prendre un billet vendredi avaient quitté l’île de justesse. C’est de la France métropolitaine ou de la Réunion qu’ils ont suivi le drame subi par l’île, la perte de leurs toits ou simplement de leurs affaires.
Mais, la plupart des enseignants et des fonctionnaires de l’État, abusivement désignés par le terme « expatriés » et leurs familles ont donc vécu, avec beaucoup d’angoisse, la tempête sur place, souvent terrés toute la journée dans une pièce supportant pendant des heures les rafales de vent et parfois même l’envahissement de l’eau dans les maisons et les appartements. Ils sont sortis de cette épreuve démoralisés et beaucoup ont souhaité quand même prendre quelques jours de vacances.
Dès que l’aéroport a été ouvert, d’abord aux avions de ravitaillement venant de la Réunion, plusieurs fonctionnaires dont des enseignants, encore en vacances, ont souhaité quitter l’île, amener leurs enfants, qui ont aussi subi le choc du cyclone, retrouver un peu de sérénité auprès de leurs familles à l’occasion des fêtes de fin d’année. Les départs progressifs avec les avions-cargos apportant l’aide humanitaire ont été perçus par certains Maorais comme une fuite de l’île. Certains sont allés jusqu’à supposer qu’ils ne reviendraient pas au moment de la réouverture des écoles.
Des enseignants à leurs postes
C’est sans doute cette crainte d’une fuite massive des enseignants, mais surtout les nombreuses destructions d’écoles qui ont poussé la députée Estelle Youssouffa à faire une proposition insolite au gouvernement français, à savoir déroger à toutes les lois sur la scolarisation des enfants et notamment à certains articles de la Convention internationale des droits de l’enfant (articles 2, 3 et 28) et ne plus scolariser les enfants dont les parents n’auraient pas de papiers. En effet, dans une lettre datée du 4 janvier 2025, adressée au Premier ministre, elle a demandé « la suspension de la scolarisation obligatoire pour les élèves étrangers en situation irrégulière ». Non seulement le Premier ministre n’a pas daigné répondre à une telle proposition, mais celle-ci n’a eu aucun écho dans le débat politique en France.
Les professeurs sont partis en vacances comme prévu avant le cyclone et après avoir encaissé le choc, ils sont déjà presque tous revenus. D’autres devraient reprendre le travail dans quinze jours seulement, mais ils reviendront. Beaucoup d’entre eux ont tout perdu, comme ce jeune professeur d’histoire géographie, Youssouf Alihamidi dont la vidéo était devenue virale sur internet au plus fort de la tempête. En plein cyclone et alors que le toit de sa maison s’était envolé, il apprenait à ses amis qu’il avait tout perdu. Par suite, il a été hébergé et faute de moyens, il n’a pu partir quelques jours à Moroni qu’au début du mois de janvier. Il a fait la reprise en février dernier. Il a trouvé un nouveau logement uniquement à la mi-janvier, un logement qu’il a fallu rééquiper, tout en rachetant le matériel de travail emporté par Chido. La prime de 2000 euros versée par le ministère de l’Éducation nationale, assez rapidement, lui a permis de tenir le coup face aux dépenses qui se présentaient pour reconstruire un mode de vie disparu en quelques heures.
Les 2000 euros de la colère
Mais, le ministère a provoqué la colère de la plus grande partie des enseignants après avoir distribué un fonds de secours de 2000 euros à ceux qui sont les moins bien payés. Beaucoup n’ont pas compris le geste, estimant que Chido avait frappé tout le monde et que certains étaient plus touchés que d’autres. Soutenus par les syndicats, ils ont demandé qu’ils puissent tous bénéficier de cette somme, ou du moins qu’on élargisse les critères notamment sur les dégâts causés aux logements. Le ministère a accepté de reconsidérer ces réclamations et a confié à la Mutuelle Générale de l’Éducation nationale (MGEN) le soin de faire un nouveau tri.
Un enseignant qui a requis l’anonymat et qui a dû racheter un nouveau toit nous confie son incompréhension : « L’État doit mener des enquêtes avant de prendre des décisions partielles qui risquent d’aggraver la santé des personnes qui sont déjà malades ». Les conditions de travail qui n’étaient pas les meilleures avant Chido sont encore plus dégradées.
Il est vrai que certains sont toujours affectés par la catastrophe du 14 décembre. Ils ne sont pas bien psychologiquement. Mais, ils font de leur mieux pour accompagner leurs élèves qui ont eux aussi vécu terriblement le cyclone. Certes, le Rectorat de Mayotte a très rapidement mis en place des cellules d’écoute constituées de psychologues pour les enseignants et pour les élèves, mais il faudra encore du temps. Même Youssouf Alihamidi laisse comprendre qu’il n’est pas encore pleinement sorti des « troubles de stress » dus aux dégâts causés par Chido. Et pour lui, « cette situation n’épargne ni les enseignants ni les élèves qui ont quasiment perdu toutes leurs affaires et ont assisté à des scènes violentes. »
Le Rectorat a également distribué des fournitures scolaires aux élèves. Les examens ont été aménagés pour tenir compte de l’état mental des élèves et de tout le temps perdu. Ainsi, les épreuves orales du Brevet des collèges et du Bac de Français pour élèves de Première ont été supprimées. Pour le Bac professionnel, les périodes de formation en entreprise nécessaires ont été diminuées. Dans tous les examens, le contrôle continu sera privilégié. Cela n’a pas manqué de rappeler à certains professionnels de l’Éducation nationale à Mayotte, l’organisation des examens après la période covid.