Sur les quatre législatives partielles qui ont eu lieu jeudi dernier aux Comores, le parti au pouvoir a cédé une seule circonscription, à un candidat indépendant dans le Nyumakele, selon les résultats provisoires présentés par la CENI. Les soupçons d’arrangements des résultats demeurent.
Par MiB
Au vu des fraudes massives et des irrégularités commises par le parti au pouvoir, la Cour Suprême avait concédé que des élections devaient être réorganisées, mais uniquement dans les circonscriptions d’Itsandra-sud, Domoni 1, Domoni 3 et Nyumakele 3.

Selon la logique « Gwadzima » (« un seul coup ») portée par les partisans du chef de l’État, Azali Assoumani, il n’y aura pas de deuxième tour dans aucune de ces quatre circonscriptions. Il n’ay aura d’ailleurs aucun deuxième tour dans aucune des 33 circonscriptions du pays. Le parti au pouvoir, la Convention pour le Renouveau des Comores, a tout de même laissé une circonscription, celle de Nyumakele 3 à un candidat indépendant, Soultoine Ali. Les trois autres circonscriptions, même Domoni 3 où le candidat indépendant l’avait remporté avec plus de 80%, ont été remportées par la CRC. Au total, la CRC compte donc 31 élus sur 33. La composition de l’Assemblée de l’Union ne devrait donc pas changer d’un iota, puisque dans l’Assemblée précédente, il y avait aussi deux élus Orange et 31 CRC. L’Assemblée de l’Union demeure donc au service du chef de l’État, ce qui renforce les rumeurs d’une volonté de modification de la Constitution pour pouvoir transmettre le pouvoir à l’un de ses fils, comme il l’a récemment déclaré à Mwali.
Une forte baisse de la participation
Il y a quand même des différences notables dans les résultats des partielles présentés par la CENI. On peut remarquer que les taux de participation ont été largement revus à la baisse. Dans ces quatre circonscriptions, lors du scrutin du 12 janvier, les taux de participation variaient entre 44,33% (à Domoni 1) et 65,52% (à Itsandra-Sud). Dans le scrutin du 30 janvier, les taux de participation varient de 26,21% (à Domoni 3) à 36,98% (à Itsandra Sud). Dans trois des quatre circonscriptions (Domoni 3, Nyumakele 3 et Itsandra Sud), ce taux a même été divisé par deux. À Domoni, même si le taux de participation n’est pas réduit de moitié, il baisse significativement en passant de 44,33% à 33,34% soit exactement moins 10 points. Dans l’Itsandra Sud, alors que le nombre d’inscrits est d’environ 12 000 électeurs, près de 3500 se sont évaporés entre les deux scrutins. En reprenant, la plaisanterie du candidat Fahmi Saïd Ibrahim à Itsandra Sud, on pourrait penser que le président de la CENI a réussi à maintenir les morts dans leurs tombes, ce qui explique cette baisse phénoménale du taux de participation.
Il est aussi probable que la population, lassée par les fraudes et les irrégularités dans toutes les élections depuis 2018 n’ont pas jugé utile de se rendre dans les bureaux de vote. D’autant que l’opposition dans sa grande majorité avait appelé à boycotter les élections. Il faut alors en conclure que lors des élections du 12 janvier les chiffres de la participation ont été exagérés par les membres des bureaux de vote monocolore désignés par la CENI. En grande partie pour camoufler les bourrages d’urnes qui ont été documentés dans plusieurs bureaux.
Des scores plus modestes
Même les résultats affectés aux vainqueurs sont plus modestes que ceux par lesquels les candidats CRC l’ont emporté dans leurs circonscriptions respectives le 12 janvier dernier. On se rappelle que plusieurs « têtes » de la CRC avaient gagné avec plus de 80% des suffrages et la plupart des candidats, même les novices en politique avec plus de 60 ou 70%.
On peut mettre de côté ceux qui concouraient contre eux-mêmes dans leurs circonscriptions (soit cinq candidats étiquetés CRC). Ils ont eu l’ensemble des suffrages, mais par une sorte de pudeur la CENI n’a pas osé leur accorder 100% et pour cela, elle a tenu compte des « votes » nuls, comme si c’était des suffrages exprimés (ce qu’elle ne fait pas pour les partielles du 30 janvier).
La palme du score le plus élevé revenait à Ahamadi Saindou (86,01% avec un taux de participation de plus de 65%), puis suivaient le président de l’Assemblée actuelle, Moustadroine Abdou (85,11% avec un taux de participation de plus de 86%), le fils du chef de l’État Nour el Fath Azali (85,07% avec un taux de participation de plus de 74%), l’enseignant Hamdani Bakar (83,80% avec un taux de participation de plus de 50%), Ali Boina Mze (83,69% avec un taux de participation de plus de 92%), le ministre Daniel Bandar (83,31 avec un taux de participation de plus de 90%), le ministre Miroidi Aboudou (83,20% avec un taux de participation de plus de plus de 74%) et le ministre Oumouri M’madi Hassani (82,76 avec un taux de participation de plus de 69%).
Pour les partielles, il semble qu’une personne hautement placée ait demandé à la CENI de mettre fin aux délires des chiffres « soviétiques ». Les quatre résultats permettent de ne pas faire de deuxième tour, mais ils sont tous plus près des 50% que des 80%. Avec une incroyable coïncidence, les trois candidats de la CRC ont obtenu le même résultat : 53% selon la CENI et le candidat indépendant l’a remporté avec 56%.
La décision de procéder à un nivellement des chiffres présentés par la CENI pour les trois circonscriptions d’Anjouan et jusqu’à l’Itsandra Sud à Ngazidja laisse planer encore une fois des doutes sur une certaine manipulation des chiffres ou sur des instructions données par l’exécutif. Me Gérard Youssouf, actuellement en exil après des menaces sur lui et sur sa famille avait confié à Masiwa que lors des opérations de comptages des présidentielles de janvier 2024, deux ministres étaient présents pour donner des instructions à la CENI.
Encore une fois, l’opposition et même les indépendants doivent comprendre que quand ils se présentent à des élections pour gagner un simple siège de président ou de député afin de représenter le peuple, d’autres jouent leurs vies. C’est pour cela que tant qu’Azali est président de l’Union, les membres de la CRC ne peuvent pas perdre une élection majeure. Ils savent qu’ils sont allés trop loin dans la gestion du pays depuis 2016, ils ne peuvent plus céder le pouvoir d’une manière démocratique. Alors, ils ont opté pour la seule solution qui se présente : la fuite en avant, avec option renouvellement des dirigeants.