Les élections législatives récentes aux Comores, marquées par une victoire écrasante du parti au pouvoir dès le premier tour, ont laissé place à une série de questions cruciales.
Par Anoir Ahamadi
Si le parti au pouvoir célèbre ce qu’il considère comme un « GwaNdzima » (victoire totale), il est temps de faire le bilan, de dépasser les slogans électoraux et de réfléchir sur les enjeux réels qui façonnent le paysage politique comorien. En effet, derrière les triomphes électoraux se cachent des dynamiques sociales et politiques complexes, où la jeunesse, pourtant considérée comme un levier essentiel pour le futur, se retrouve souvent manipulée, divisée et marginalisée.

La jeunesse comorienne : une priorité dans les discours, mais pas dans les actes
Aux Comores, la jeunesse est systématiquement placée au centre des discours politiques. À chaque élection, les politiques multiplient les promesses pour cette frange de la population, lui faisant miroiter un avenir meilleur. Cependant, cette notion de « jeunesse » semble de plus en plus élastique, sans réelle consistance ni impact. Derrière les paroles enjôleuses se cachent des pratiques politiques qui, au lieu d’émanciper les jeunes, les enferment dans une spirale de désillusions et de dépendances.
L’île d’Anjouan, et plus particulièrement la ville de Ouani, illustre bien cette réalité. Pendant un temps, certains jeunes avaient suscité l’espoir d’un changement, d’une révolution politique basée sur la prise de conscience et l’intégrité. Cependant, ces espoirs se sont rapidement évanouis face aux manipulations et aux promesses politiques éphémères. Certains jeunes, au lieu de s’unir pour un objectif commun, se retrouvent divisés, changent fréquemment de clans, tels des caméléons, en quête de gains personnels.
Pourquoi cette désunion ? Aux Comores, et plus particulièrement à Anjouan, il est courant de voir des jeunes être influencés par des « gros bras », des figures politiques ou économiques qui profitent de leur précarité pour les enrôler. Ces dynamiques créent un climat de méfiance dans lequel la solidarité et la sincérité sont sacrifiées sur l’autel des intérêts individuels.
Des promesses politiques sans suite
Les promesses adressées aux jeunes comoriens se heurtent à une réalité dure : les mêmes figures politiques, souvent qualifiées de « dinosaures », continuent de tirer les ficelles du pouvoir. Le renouvellement de la classe politique, si nécessaire pour un véritable changement, semble être un mirage. Ainsi, la jeunesse reste un outil au service des ambitions personnelles des leaders, plutôt qu’un acteur clé de transformation sociale.
Cette situation est aggravée par un manque de vision politique claire pour la jeunesse. À chaque élection, les politiciens répètent les mêmes promesses, mais sans jamais poser de véritables bases pour des réformes structurelles. Une question fondamentale s’impose alors : quand la jeunesse comorienne prendra-t-elle véritablement sa place dans le processus de décision politique ?
Les enjeux d’une jeunesse soudée et consciente
Pourtant, tout espoir n’est pas perdu. À Anjouan, une jeunesse plus consciente et plus soudée pourrait devenir le moteur d’un changement profond. Mais pour cela, il faut briser le cercle vicieux de la manipulation et de la division.
Cette prise de conscience doit s’accompagner d’un effort collectif pour dépasser les logiques de clans et de court terme. Les jeunes comoriens, et en particulier les Anjouanais, doivent comprendre que leur force réside dans leur capacité à s’unir autour d’un projet commun. Il s’agit de construire une vision politique fondée sur des valeurs telles que l’honnêteté, l’intégrité et la solidarité, plutôt que sur des promesses vides ou des alliances opportunistes.
Une responsabilité partagée
La responsabilité de ce changement ne repose pas uniquement sur les jeunes. Les figures politiques, les leaders communautaires et les institutions doivent également jouer leur rôle. Cela implique de créer des espaces de dialogue où la jeunesse peut s’exprimer librement, de promouvoir des initiatives qui valorisent leurs compétences, et de garantir que leurs voix soient prises en compte dans les processus de décision.
En fin de compte, le véritable enjeu pour les Comores est de réconcilier le pays avec sa jeunesse. Cela passe par une réforme profonde des pratiques politiques, mais aussi par un changement de mentalité au sein de la population. Les jeunes doivent comprendre que leur avenir ne peut pas être construit sur des promesses éphémères, mais sur une action collective et concertée.
Le climat politique aux Comores, marqué par les récents événements électoraux, reflète des dynamiques complexes où la jeunesse joue un rôle central, mais souvent passif. Entre manipulations, divisions et désillusions, les jeunes comoriens, et particulièrement ceux d’Anjouan, se retrouvent à un tournant historique.
Face à une classe politique qui semble plus préoccupée par ses intérêts que par le bien commun, il est urgent que la jeunesse prenne conscience de son rôle crucial dans la construction d’un avenir meilleur. Ce défi ne sera pas facile à relever, mais il est essentiel pour garantir que les Comores puissent enfin rompre avec les pratiques politiques du passé et entrer dans une nouvelle ère de progrès et de justice.