Le premier tour des élections législatives aux Comores s’est déroulé ce dimanche, globalement dans le calme, mais comme à l’accoutumée depuis 2018, le scrutin a été marqué par les bourrages d’urnes et les fraudes massives.
Par MiB
Dès dimanche soir, sur une place publique à Moroni, en présence du chef de l’État Azali Assoumani, la CRC (Convention pour le Renouveau des Comores) a paradé et a annoncé sa victoire quasi totale, dès le premier tour des élections législatives. Le fameux « Gwadzima » (« un seul coup ») a encore vaincu toute l’opposition. Y compris dans des circonscriptions où il semblait que même avec des fraudes, les candidats du pouvoir ne pouvaient pas passer : à Itsandra-sud (Me Fahmi Saïd Ibrahim était largement favori), Itsandra-nord (le candidat de Mouigni Baraka ne pouvait que passer face à Oumouri qui, autrefois admettait que sans ce même Mouigni Baraka, il n’était rien politiquement), dans le Hamahame (où Karihila, l’ancien Secrétaire général de la CRC partait très favori face à l’inexpérimenté ministre des Affaires étrangères) ou encore dans le Mbadjini (où Me Ibrahim Mzimba est finalement en ballotage favorable, malgré des irrégularités et l’intervention de l’armée pour chasser les membres du bureau de vote).

Le scénario des élections que nous joue le clan Azali depuis 2018 est resté identique, à quelques détails près.
L’opposition qui se chamaille pour savoir si elle participera à ce qu’elle sait n’être qu’une mascarade ou pas, et qui finit par se diviser.
L’intervention de la communauté internationale qui reçoit les divers candidats et leaders de l’opposition et qui leur assure qu’elle veillera à la régularité stricte des opérations de vote. L’installation à l’hôtel Golden ou Le Moroni des « observateurs » ou plutôt des invités du gouvernement, qui arrivent avec leur communiqué final déjà quasiment rédigé, tant il ne varie pas d’élection en élection.
Les changements de dernières minutes opérées par la CENI pour faciliter les irrégularités, notamment le dévoilement des listes des membres des bureaux, quasiment tous affiliés à la CRC.
Le scrutin qui se déroule plutôt bien dans la matinée, le temps que les premières images d’un processus régulier et celles du chef de l’État constatant que tout se passe normalement partent dans les médias.
Puis, les interventions de l’armée dans les bureaux de vote pour expulser manu militari soit des membres du bureau, soit des assesseurs qui ne veulent pas collaborer avec les représentants du gouvernement et de la CRC. En cela, l’intervention des militaires pour sortir violemment du bureau de vote d’Ouzioini 4, Samira Ismaili, la secrétaire, après l’expulsion du président du même bureau de vote, sans aucune note les relevant de leurs fonctions, sans même un ordre officiel, est assez symbolique.
Et en début d’après-midi, tous les barrages sautent. Dans un audio intercepté pendant les présidentielles de 2024, on entendait le fils du chef de l’État, Nour el Fath, demander à ses partisans pourquoi ils attendaient midi et il leur permettait d’entamer les bourrages d’urnes dès 10 heures. Cette fois, on avait la sensation qu’ils avaient du retard sur l’ensemble de leurs opérations de fraudes (bourrages avant ouverture du bureau dans certaines localités, expulsions d’assesseurs, fausses procurations préremplies, bulletins précochés sur le nom du candidat CRC découverts…). Mais, la CENI leur a rajouté deux heures à la fin du processus, en prétextant les pluies, et alors que le chef de l’État avait déclaré dans la matinée, après avoir voté : pluie ou pas, ceux qui voudront aller voter iront.
Dimanche soir, tandis que les candidats du parti CRC proclament leurs « victoires » écrasantes, les candidats de l’opposition reprennent leur rôle de pleureuses et, les larmes aux yeux, font semblant d’avoir cru qu’ils pouvaient gagner contre les candidats d’Azali Assoumani ou contre l’armée nationale. Comme si le chef de l’État, qui est conscient de s’être placé sur un point de non-retour, peut admettre un jour avoir perdu des élections.
Pour Azali Assoumani, contrairement à ses opposants, les élections sont une question de vie ou de mort. Perdre, c’est comme s’il fournissait les menottes à ses opposants pour l’enfermer, lui, sa famille engagée en politique et ses partisans.
Il n’y a que Papa Mohamed Soulé, un cadre du parti Juwa, candidat dans la circonscription de Moroni-Nord, qui a après avoir dénoncé les nombreuses fraudes dans le pays a dit clairement : je ne pensais pas que le pouvoir me laisserait gagner, je voulais juste mettre à nu la nature du gouvernement des Comores.
Mohamed Daoud dit Kiki, ancien ministre de l’Intérieur et chef du parti Orange, le seul opposant qui a envoyé un candidat à Mwali n’a tout simplement pas fait campagne, il n’a pas mis les moyens financiers pour ses candidats, conscients que ce serait de l’argent perdu. Et de l’argent a beaucoup coulé dans les meetings du parti au pouvoir, notamment pour les goodies ou pour mieux convaincre les participants aux rassemblements, alors que ceux de l’opposition, à part deux ou trois ténors, n’avaient pas les moyens.
Il y a quand même eu une innovation dans la fraude. Celle que le candidat du parti RDCE, Mohamed Daoud a dénoncée avant de déclarer qu’il se retirait des élections. La CENI a envoyé un nombre très limité de bulletins de vote dans les localités, comme Ntsudjini où son parti a de nombreux partisans et un nombre suffisant dans les localités où son opposant a les siens.
On a pu enfin remarquer que les vidéos des partisans du pouvoir pris en train de bourrer les urnes ont été rares. Certaines circulent quand même. Les membres des bureaux de vote, quasiment tous adhérents de la CRC ont fait plus attention cette fois. La plupart du temps, ils ont gardé les portes des bureaux fermés pendant ces opérations illicites. Toutefois, comme les militaires, sur quelques vidéos, on les voit menacer même les journalistes accrédités qui filmaient, par peur de se retrouver dénoncés dans les réseaux. Encore une fois, les journalistes et même tout citoyen ont le droit de filmer ou photographier une scène qui est sur un lieu public. Il n’y a pas de droit à l’image sur un lieu public, si l’image n’a pas été déformée ou si elle n’est pas accompagnée d’une légende qui porte atteinte à la personne. Et les alentours d’un bureau de vote, c’est un lieu public. Le mieux pour ne pas apparaitre sur une photo ou une vidéo est de rester chez soi quand des événements, comme une élection, se déroulent.