Les élections législatives 2025, tenues le 12 janvier, marquent une nouvelle étape dans le paysage politique comorien. Si le parti au pouvoir, la Convention pour le Renouveau des Comores (CRC), s’est déclaré vainqueur avec une majorité écrasante, des voix au sein de l’opposition ou parmi les indépendants dénoncent un processus électoral entaché de fraudes.
Par Anoir Ahamadi
Entre satisfaction affichée par les proches du régime et dénonciations virulentes de l’opposition, les élections législatives 2025 suscitent de vifs débats au sein de la population à Anjouan.

Un succès annoncé par la CRC
Dès la publication des résultats provisoires par la Commission Électorale Insulaire Indépendante (CEII) dans l’après-midi du 13 janvier, la CRC s’est félicitée de son triomphe. Avec ses candidats admis dès le premier tour, le parti au pouvoir consolide sa domination sur la scène politique. Le slogan “GWA NDZIMA” (un coup gagnant), récurrent dans le discours de la CRC, semble une fois de plus confirmé.
Les leaders du parti n’ont pas hésité à qualifier ces législatives de libres et transparentes, vantant l’organisation mise en place et la participation citoyenne. Ils soulignent que cette victoire reflète la confiance que la population leur accorde pour poursuivre leur programme de développement national.
Cependant, derrière cette victoire annoncée se cache une autre réalité, marquée par des contestations et un scepticisme croissant.
Fraudes dénoncées dans plusieurs localités
Dans plusieurs régions, notamment sur l’île d’Anjouan, des accusations de fraudes électorales se multiplient. Les vidéos circulant sur les réseaux sociaux et les témoignages anonymes pointent du doigt des irrégularités flagrantes. À Mutsamudu, Ouani, Bambao et Nyumakélé, des candidats indépendants et de l’opposition dénoncent ce qu’ils qualifient de « mascarade électorale ».
Un candidat malheureux de Mutsamudu, Aynoulhouda Djanfar, a crié au scandale devant les micros, affirmant que le scrutin a été manipulé pour favoriser les candidats de la CRC. À Ouani, des contestataires ont exprimé leur colère en dénonçant des pratiques qui, selon eux, violent les principes démocratiques.
Un habitant de Nyumakélé, sous couvert d’anonymat, a décrit une atmosphère tendue, marquée par des intimidations et des actes de corruption. « Ces élections n’ont rien de démocratique », a-t-il affirmé, évoquant des vidéos montrant des mauvaises pratiques, contraires aux principes d’une élection libre et démocratique. Entre autres, des bulletins de vote précochés, des pots de vin à certains pour garder les yeux fermés, les votants plus nombreux que le nombre d’inscrits…
Le rôle des observateurs internationaux remis en question
La présence des observateurs internationaux, souvent perçus comme une garantie de transparence, n’a pas suffi à apaiser les tensions. Plusieurs témoignages anonymes s’interrogent sur leur efficacité. « Ont-ils vraiment les moyens et la volonté d’observer les fraudes ? », se demande un citoyen.
Cette méfiance envers les observateurs reflète un sentiment plus large de désillusion envers les institutions censées encadrer le processus électoral. Beaucoup estiment que la CENI et même la Cour suprême sont influencées par le régime en place, ce qui réduit la confiance dans leurs décisions.
Un climat politique polarisé
Ces élections s’inscrivent dans un contexte de polarisation extrême entre le pouvoir et l’opposition. Depuis les dernières élections présidentielles, marquées par des accusations similaires, le scepticisme électoral s’est enraciné, notamment à Anjouan.
Pour les leaders de l’opposition, les législatives 2025 ne sont qu’une répétition des pratiques anti-démocratiques précédentes. Ils dénoncent une instrumentalisation des institutions publiques et une volonté de museler toute voix discordante.
En revanche, les partisans de la CRC rejettent ces accusations, qu’ils qualifient de stratagèmes pour discréditer leur victoire. Ils insistent sur la légitimité de leur succès et appellent à respecter le choix des urnes.
Les défis pour la suite
Alors que la CENI doit confirmer les résultats et que la Cour suprême pourrait être saisie par les candidats contestataires, les regards se tournent vers le mois de février, initialement prévu pour un second tour. Cependant, avec les tendances actuelles, ce second tour semble compromis.
Cette situation soulève plusieurs interrogations. Comment réagiront les opposants si leurs plaintes ne sont pas prises en compte ? Les tensions politiques pourraient-elles dégénérer en manifestations plus larges ? La communauté internationale interviendra-t-elle pour exiger plus de transparence ?
Un avenir incertain
Pour la population comorienne, en particulier les jeunes, ces élections reflètent une crise démocratique profonde. Les espoirs d’un processus électoral juste et transparent s’amenuisent face aux scandales récurrents.
Le slogan « GWA NDZIMA », censé symboliser une victoire éclatante, est désormais perçu par certains comme une provocation. « C’est comme si on nous disait que tout est joué d’avance », commente un habitant de Bambao.
Et effectivement, si à changer élection ce slogan est repris, cela ne traduit-il pas une marginalisation des autres partis politiques, relégués au rôle de simples figurants ? La domination de la CRC à l’Assemblée Nationale pourrait permettre à ce parti d’imposer ses priorités, voire de préparer une nouvelle révision constitutionnelle. Certains Anjouanais, déjà tournés vers l’échéance de 2030 qui doit marquer leur retour au palais présidentiel de Beit Salam, redoutent que ces élections renforcent un régime centralisé au détriment de la gouvernance tournante.
Au-delà des chiffres et des discours officiels, ces élections révèlent un malaise plus profond, celui d’une démocratie qui peine à convaincre. Si le régime en place se félicite de ses succès, il devra également répondre aux critiques croissantes pour éviter une crise de légitimité.
Une élection sous tension
Les législatives 2025 resteront sans doute dans les mémoires comme un moment charnière pour les Comores. Entre triomphe revendiqué par la CRC et contestations multiples, elles reflètent les défis d’un pays en quête d’une véritable démocratie.
Alors que la Cour suprême s’apprête à examiner les plaintes et que la population attend des réponses claires, une question persiste : les Comores peuvent-elles surmonter ces divisions et bâtir un avenir politique plus inclusif ?
Ce dossier reste ouvert, avec des enjeux cruciaux pour l’ensemble de la nation.