Pouvait-on espérer un changement dans le déroulement des élections législatives et communales aux Comores en reconduisant en tant que président le même Saïd Idrissa qui a orchestré les fraudes des présidentielles de 2024 à la tête de la CENI ? Les résultats provisoires viennent nous confirmer que non.
Par MiB
L’annonce des résultats provisoires par la CENI (Commission électorale nationale indépendante) mardi soir a connu un retard de plusieurs heures, journalistes et officiels ont attendu longtemps, certains ont même quitté la salle. Les simples citoyens ont conclu que le retard était dû à des manigances de dernière heure dont l’institution les a habitués depuis le temps du défunt Djaza (dont le corps a été retrouvé sans vie et avec des traces de coups dans son cabinet en 2020).

Des résultats qui ne sont pas crédibles
Mais, avant l’annonce des résultats par la CENI, un média proche du gouvernement a diffusé des résultats estampillés « Résultats CENI » ou « Résultats CEII » (Commission électorale indépendante de l’Ile) qui ont créé des confusions avec des erreurs grossières, modifiées plusieurs fois et qui, finalement n’ont pas tous, loin de là, été confirmés par la CENI.
Malheureusement, les résultats finalement présentés par la CENI mardi soir ne sont pas non plus crédibles, dans la mesure où celle-ci refuse de prendre en compte les fraudes qu’elle semble avoir elle-même organisées ou du moins permises. Ainsi, dans son point de presse, Saïd Idrissa, le président de la CENI affirme avec fierté que partout où des gens se sont substitués aux membres du bureau de vote désigné, il n’a pas pris en compte les résultats. Mais, il a oublié d’expliquer pourquoi il continue à désigner des membres du Bureau monocolore, pratiquement tous proches de la CRC (Convention pour le Renouveau des Comores), des gens qu’on voit dans certaines vidéos continuer à bourrer les urnes, des gens qui refusent que les assesseurs des candidats, quand ils n’ont pas été expulsés des bureaux par l’armée, contrôlent les procurations… Il n’explique pas comment et pourquoi des bulletins dont il a la responsabilité de l’impression se retrouvent entre les mains des militants de la CRC précochés en faveur de leurs candidats.
Les résultats, c’est que les journalistes constatent que les bureaux de vote ne sont pas envahis, qu’il y a peu de votants, mais les taux de participations sont très élevés partout. C’est comme si ces élections avaient provoqué un sursaut ou un engouement et que quasiment tous les Comoriens valides s’étaient donné comme devoir patriotique d’aller voter. Or c’est loin d’être le cas et presque nulle part, il n’y a eu une grande affluence devant les bureaux de vote.
Les revirements
La CRC avait annoncé, devant le chef de l’État, avoir gagné partout sauf dans le Ngwengwe où il y avait ballotage du candidat CRC, Dini Ibrahim contre Me Ibrahim Mzimba. Mais, face au tollé de l’opposition dénonçant encore une fois de nombreuses fraudes, et annonçant qu’elle se retirait des élections communales, il semble que l’exécutif a rectifié quelque peu le tir. Ce fléchissement a profité à Me Ibrahim Mzimba qui finalement l’emporte, malgré les fraudes, les interventions de l’armée en faveur de son opposant, avec 58% des suffrages.
L’autre surprise arrive de l’Itsandra-sud. La CRC avait annoncé la victoire de son candidat Saïd Houssein dès le premier tour avec un score élevé, alors que tout le monde s’attendait à une victoire facile de Me Fahmi Saïd Ibrahim dans son fief. La CENI avait d’abord concédé un ballotage opposant Saïd Housseini à Attoumani Abdou Dia (RDCE). Quelques minutes après cette annonce, la CENI a plaidé une erreur et a finalement remplacé ce dernier par Me Fahmi Saïd Ibrahim, tout en gardant les mêmes chiffres. Si ce dernier continue le combat en maintenant sa candidature, la campagne risque d’être très intense dans l’Itsandra-sud.
À Anjouan, il y a également une victoire d’un candidat non-CRC et un ballotage. En effet, dans la circonscription de Domoni 3, après avoir été annoncé comme vaincu, Ibrahim Mohamed Hanif (Indépendant) a été déclaré vainqueur avec un score très élevé (86%). C’est dans la circonscription de Nyumakele qu’il y a ballotage entre Soultoine Ali, candidat indépendant (47%) et Assani Houmadi, candidat CRC (42%).
Dans les listes des résultats fournis par la CENI, on peut noter les chiffres très élevés des vainqueurs, des chiffres qu’on n’avait jamais vus avant le retour d’Azali au pouvoir en 2016. À Ngazidja, les vainqueurs l’emportent largement entre 54,98% (Maoulida Bacar dans le Mboinkou) et 85,07 % (Nour el Fath Azali dans le Hambou).
Des chiffres dignes des dictatures
À Anjouan, il y avait un seul candidat dans la circonscription de Domoni 2 (Dayane Ridhoine) et à Mwali il y en avait quatre sur cinq seuls dans leurs circonscriptions respectives : Dewa (Aboubacar Saïd Chanfi), Msoutrouni (Aboubacar Saïd Anli), Djando (Milissane Hamdia Mhoma) et Mledjele (Ousmane Bouchrane). Ces cinq candidats ont engrangé l’ensemble des suffrages dans leurs circonscriptions respectives. Pourtant, par une sorte de pudeur, la CENI refuse de leur accorder les 100%. Elle leur attribue dans l’ordre : 98,76%, 96,03%, 98,50%, 96,35% et 94,95%. À quels autres candidats ont été attribués les restes des points permettant d’arriver à 100%, alors qu’ils n’avaient pas d’adversaires ? La CENI ne donne aucune explication, mais on peut penser que faute d’autres candidats, ils ont pris en compte les bulletins nuls, ce qui n’a jamais été fait ailleurs et qui n’a pas été fait dans les autres circonscriptions. En réalité, ces candidats ont 100%, comme le candidat Azali Assoumani a eu 100% lors des présidentielles de 2002, après le retrait de ses deux adversaires pour dénoncer les fraudes, déjà.
À Anjouan, les vainqueurs ont des scores qui, globalement, sont plus élevés qu’à Ngazidja. Ils varient de 60,67% à 100%. Ces dernières années, chacun a pu constater que les bourrages d’urnes et les interventions de l’armée sont plus importants dans cette île que dans les deux autres. Le président actuel de l’Assemblée nationale, Moustadroine Abdou avait deux adversaires, il sort quand même vainqueur dès le premier tour avec plus de 85% des suffrages.
À Mwali, l’opposition a réussi son coup en faisant respecter un boycott clair et net. Dans la seule circonscription (Mombassa-Mwambao) dans laquelle il y avait un adversaire de l’opposition, Mikidache Madoune (Orange), le candidat CRC, Dhoianfa Ali Attoumane l’emporte avec plus de 85%.
Si lors des présidentielles de 2024, le chiffre de la participation présenté par la CENI (15%) avait fini de démontrer les magouilles de cette institution, cette fois, on peut dire qu’elle se ridiculise avec des chiffres attribués aux vainqueurs dignes des grandes dictatures. Mais, peut-être que là aussi, la section administrative de la Cour Suprême va atténuer le ridicule.