Depuis mon retour aux Comores, un constat me hante et me tourmente. Un mal insidieux ronge le tissu même de notre société : la marginalisation des jeunes cadres, ces espoirs brillants, ces âmes assoiffées de transformation, qui se voient condamnées à l’invisibilité. Ce phénomène, silencieux, mais lourd de sens, relève d’une injustice criante. Ceux qui ont parcouru les sentiers ardus de l’université, qui ont sacrifié des années de leur jeunesse à la quête du savoir, se retrouvent rejetés dans l’ombre, leurs compétences ignorées, leurs talents non reconnus.
Par Mouayad Ahmed
La réalité est dure, amère, et pourtant trop souvent tuée dans l’œuf par ceux qui détiennent les rênes du pouvoir. Car, de manière paradoxale, ce sont ces mêmes dirigeants qui semblent craindre l’émergence de nouvelles voix, de nouveaux regards. Ils redoutent la lumière qui viendrait éclairer leurs zones d’ombre. Cette peur de la relève, de la compétition, engendre un système dans lequel seuls les anciens occupants des postes sont valorisés, réduisant ainsi les jeunes diplômés à des spectateurs d’un spectacle dont ils n’ont pas le droit de jouer le rôle principal.

Cela ne saurait durer. Car cette situation, si elle n’est pas rapidement redressée, deviendra une bombe à retardement. Ces jeunes, dont le potentiel est gigantesque, ne resteront pas indéfiniment dans l’ombre. L’exode, la fuite des cerveaux, est un phénomène inévitable si ce climat persiste. Le pays verra s’échapper ses meilleures forces vives, attirées par des horizons où l’on reconnaît leur valeur, où on leur donne une chance d’épanouissement, de réalisation. Cette fuite n’est pas qu’une perte pour les jeunes ; c’est une perte pour toute la nation, un sacrifice irréparable pour l’avenir du pays.
Il est grand temps de briser ce cycle de peur et de paralysie. Il est temps de remettre l’homme, l’intellect, l’ambition au centre de la scène. Les dirigeants doivent comprendre que la prospérité d’une nation ne réside pas dans le maintien d’un statu quo où les anciennes générations exercent un pouvoir figé, mais dans l’acceptation de la relève, la valorisation des jeunes talents, la transmission d’un savoir qui se nourrit de la richesse de l’expérience et de la nouveauté.
L’appel est lancé : qu’un nouveau vent souffle sur nos institutions, qu’un espace soit donné aux jeunes pour bâtir et déconstruire, pour innover et créer. Que la jeunesse, loin d’être un problème à gérer, devienne un pilier de la transformation, un vecteur d’espoir. Car si nous continuons à ignorer ce potentiel, si nous persistons à le dévaloriser, alors il ne faudra pas nous étonner le jour où cette jeunesse choisira de fuir, et avec elle, tout ce qu’elle aurait pu apporter à la patrie.
Le temps est venu pour un engagement collectif, un engagement pour l’avenir, pour un pays qui saura écouter ses jeunes et les porter avec fierté. Parce qu’en leur donnant leur juste place, c’est tout un pays que nous faisons grandir.