Dans une époque où l’exigence morale et le devoir d’éthique devraient orienter chacune de nos actions, il est grand temps d’associer parole et acte. Certes, le devoir de réserve demeure une vertu, mais quand le silence devient complice des contradictions, il est urgent de rétablir une cohérence authentique. Il convient d’inscrire l’intégrité non seulement dans le respect des règles, mais aussi dans la constance de nos engagements.
Par SOULE HAMIDOU CHEHA, Inspecteur pédagogique
La fraude, qu’elle se manifeste dans les salles d’examen ou dans l’arène électorale, porte atteinte à notre dignité collective. Jadis, l’intégrité académique était le garant du savoir et du mérite. Pourtant, force est de constater que, sur les Comores, certains jeunes politiciens et responsables – se présentant fièrement comme les champions de la lutte contre la fraude aux examens – se parent d’un vernis moral qui se fissure dès que les urnes entrent en jeu. Ils se transforment alors, avec une désinvolture presque théâtrale, en instigateurs de fraudes électorales et n’hésitent pas à entraver la justice pour protéger leurs proches.

L’ironie, presque burlesque, réside dans cette capacité à défendre avec véhémence une fraude académique impardonnable pour ensuite excuser, sous prétexte de « nécessité politique », des manœuvres qui trahissent les principes mêmes qu’ils prétendaient incarner. Ce double discours crée un paradoxe déconcertant : comment peut-on consigner dans le marbre l’exemplarité dans l’un des domaines tout en s’y adonnant de manière complice dans l’autre ?
Plus troublant encore est le sort réservé à certains élèves. Ceux qui, dans le sanctuaire de l’école, se voient empêchés de tricher et se doivent de respecter des règles strictes, se retrouvent souvent, par la suite, sollicités pour servir d’outils dans la fraude électorale. Ces jeunes, habitués à subir l’exigence d’une rigueur académique, se voient enrôlés dans des opérations douteuses, devenant ainsi les instruments involontaires d’un jeu politique aux enjeux bien différents. Ce glissement, à la fois pernicieux et ironique, souligne combien l’adhésion aux règles en milieu scolaire peut être détournée pour servir des intérêts tout autres, créant ainsi une ambivalence qui bouscule les repères de l’intégrité.
Peut-être est-il temps de repenser l’enseignement de l’intégrité : non par de vains slogans, mais par une cohérence sincère entre nos discours et nos actes, afin que la vertu ne se contente plus d’être une façade, mais devienne le socle d’un engagement véritable. Comme le rappelait Jean Jaurès, « On n’enseigne pas ce que l’on sait ou ce que l’on croit savoir : on enseigne et on ne peut enseigner que ce que l’on est. » Il nous incombe dès lors de réfléchir aux valeurs que nous transmettons aux jeunes, pour qu’elles soient le reflet d’une éthique solide et non le masque d’une hypocrisie délicieusement absurde.