« Mgunanze wowana walio pvonze wase zawo warentsi hwamba ngwedao manga, mba comores nganpvo mayensha » déclare mikataba ».
Par Younoussa Hassani. Délégué, International Youth Conference (IYC) https://iycforyouth.org
Être étudiant comorien à l’étranger n’est pas un simple choix académique. C’est porter sur ses épaules le poids d’un village, d’une famille, d’une nation entière, souvent oubliée et délaissée. Chaque diplôme décroché est le fruit de sacrifices immenses, d’heures de travail acharné et de rêves suspendus à un avenir incertain. Et pourtant, un dilemme cruel se pose : rentrer chez soi et assister impuissant à l’étouffement de son propre pays… ou tenter l’aventure désespérée de traverser la Méditerranée, au risque de sa vie. Ce n’est pas la folie qui pousse tant de jeunes à prendre cette décision. C’est la lucidité face à l’absence de perspectives, à la misère, à l’oubli silencieux.

Combien de vies perdues en mer ? Combien de rêves engloutis par les flots, emportés par la quête légitime d’une vie digne ? Pendant ce temps, ailleurs dans le monde, des gouvernements luttent pour retenir leurs jeunes, créent des opportunités, ouvrent des portes et tendent la main. Et nous ? Nous fermons ces mêmes portes à notre jeunesse.
Même un diplôme, parfois, ne suffit pas à ouvrir une issue. Ceux qui rêvent d’entreprendre se heurtent à une montagne de blocages : formalités interminables, institutions rigides, idées étouffées avant même d’exister. Le problème n’est pas le manque de talents, mais le manque de volonté politique, de courage et de vision.
Tant que nos jeunes n’auront pour seuls choix que la mer ou l’agonie sociale, ce pays continuera de se vider de ses forces vives, laissant derrière lui un vide que le temps et le silence ne répareront jamais.
Le problème ne se limite pas aux choix individuels des étudiants. Il s’étend à toute une structure sociale et politique qui semble incapable de reconnaître et de valoriser ses forces vives. L’éducation, pourtant pilier du développement, devient parfois une chaîne plutôt qu’une clé. Les jeunes formés, talentueux et ambitieux, se heurtent à des administrations lentes, à des institutions rigides et à une vision à court terme qui tue l’innovation avant même qu’elle ne germe.
La fuite des cerveaux n’est pas seulement une tragédie humaine, c’est aussi une perte économique, culturelle et morale pour la nation. Chaque départ est une expertise, une énergie et un espoir que le pays laisse s’échapper. Derrière ces chiffres se cachent des vies brisées, des familles déchirées et des villages privés de leurs acteurs principaux du changement.
Pour inverser cette dynamique, il ne suffira pas de discours ou de promesses électorales. Il faut des mesures concrètes et courageuses : créer des opportunités réelles d’emploi et d’entrepreneuriat, simplifier les démarches administratives pour les projets innovants, investir dans l’infrastructure, la santé et l’éducation, et surtout reconnaître que la jeunesse est le moteur d’un développement durable.
La diaspora comorienne, souvent critiquée pour son départ, pourrait devenir un levier de transformation si elle était intégrée dans le projet national. Les expériences acquises à l’étranger, les compétences et le réseau international peuvent nourrir une dynamique de croissance et d’innovation locale. Mais pour cela, il faut des portes ouvertes et un État prêt à écouter et à collaborer.
Le temps presse. Chaque année qui passe sans réponse claire est une année où le pays se prive de ses esprits les plus brillants. Chaque jeune qui part laisse derrière lui un vide difficile à combler. Si les Comores veulent éviter de voir leur jeunesse disparaître définitivement, il faut agir maintenant, avec audace et détermination.
Car au-delà des statistiques et des discours politiques, il y a des vies. Et chaque vie perdue ou gaspillée est une promesse non tenue envers l’avenir du pays.
« Mkomore ngwanzo ndrini tsena no ngasina ra’isi yafagna mikataba itso mishashi ndena chine na marecani » (« Que veut de plus le Comorien alors que nous avons un président qui a conclu de nombreux accords avec la Chine et les Américains »), affirme le fils de Mikataba.
Mais le peuple comorien, lui, n’a que faire de ces somptueuses apparitions et de ces poignées de main soigneusement photographiées. Ce que nous attendons, ce ne sont pas des clichés ni des voyages prestigieux, mais des preuves concrètes de progrès. Après un séjour à l’étranger, il est temps de montrer ce que vous apportez réellement à notre pays, et non pas d’exposer vos déplacements à travers des albums de photos.
Et puis, réfléchissez un instant à l’argent dépensé lors de ces voyages : des sommes qui auraient pu être investies dans des secteurs urgents, des projets capables de transformer la vie de nos communautés. Mais au lieu de cela, certains semblent perdus dans un égoïsme stérile, obsédés par le prestige et le pouvoir.
Car, trop souvent, occuper une place gouvernementale est perçu comme une opportunité de s’enrichir avant même de servir. Cette mentalité mine la confiance, freine le développement et éloigne notre jeunesse de l’espoir. Les Comores méritent mieux : des actions concrètes, des résultats tangibles, et non pas des images factices de réussite.















