Dr Yacine Mohamed Saïdi est pédiatre, elle a lancé il y a une semaine une alerte qui a été très diffusée dans les réseaux sociaux pour faire prendre conscience aux parents et au-delà que le choléra était réellement présent aux Comores, au moment où certains pensaient que c’était une manœuvre du gouvernement pour faire oublier les fraudes massives aux élections.
Propos recueillis par Hachim Mohamed
Masiwa – Quelles sont les difficultés que le pédiatre que vous êtes rencontre depuis le début du choléra aux Comores ?
Yacine Mohamed Saïdi – Au niveau du site de l’hôpital d’El-Maarouf, avant la venue chaque enfant, mon collègue ou moi recevons un appel. Une personne de l’équipe de pédiatrie peut se déplacer vers le site et procéder à l’évaluation de l’enfant et donner la décision de la conduite à suivre, c’est-à-dire poser un sérum ou faire d’abord le test de dépistage rapide. Jusque-là, il n’y a pas de problème. À mon niveau, et au niveau du service pédiatrique, je ne vois pas de problème. Au niveau de l’hôpital de Samba, quand il y a un souci, on nous appelle, on coordonne correctement avec le médecin de Samba.
Du côté de la pédiatrie, nous gérons avec les infirmiers. S’il y a un cas positif, l’équipe du Croissant rouge se déplace vers la personne qui est détectée positif afin de mener la désinfection.
Pour la pathologie, le manque d’eau est aussi un problème sérieux. Médecins et personnel soignant, il nous faut aussi de l’eau pour laver les mains notamment. La rareté de l’eau pour les pauvres, qui ne peuvent en avoir assez… c’est difficile de répondre, mais j’ai toujours dit de faire l’impossible pour avoir l’eau, car le choléra tue, ça tue quand on ne s’applique pas, quand on n’adhère pas sur la prévention.
Masiwa – Comment vous parvenez à faire passer le message aux malades et aux familles ?
Yacine Mohamed Saidi – Jusque-là, on n’a pas arrêté, on sensibilise, on essaie de parler même si la discussion tourne mal, mais on essaie de leur dire, de leur expliquer à chaque fois que c’est possible. Ceux qui sont atteints, ils sont beaucoup plus compréhensifs par la suite. Alors qu’au départ certains niaient, ils ne voulaient pas entendre parler. Je peux vous donner un exemple. Une fois, on a dû trouver le choléra chez un enfant, mais le papa a refusé l’hospitalisation. Quand c’est comme ça, on va parler, on va essayer de sensibiliser les parents.
Quel que soit le refus, on va essayer de maximiser la sensibilisation. Sinon, si on est dépassé, on va appeler la surveillante qui va se déplacer avec son équipe pour expliquer, sensibiliser, pourquoi l’enfant doit être hospitalisé. Et si ça ne passe pas encore et que les parents sont récalcitrants, on fait appel aux forces de l’ordre. Et quand eux ils viennent, on a le résultat, il y a quelques cas rares où on fait appel à la police dans ce processus de pédagogie pour faire accepter les choses aux parents.
Masiwa – Est-ce que vous avez suffisamment de professionnels de santé pour faire face à l’afflux de patients dans les sites de traitement ?
Yacine Mohamed Saidi – Nous, à la pédiatrie, nous n’allons au niveau du site que quand on nous appelle. Nous n’avons pas de soucis. On a un planning de travail. On le gère avec l’équipe du site. L’équipe qui est au niveau du site, elle, va exécuter et après on appelle l’ambulance si on a un résultat positif pour le transférer à Samba. Après, on appelle l’équipe de santé.
Masiwa – Logistiquement, qu’est-ce qui manque pour venir rapidement à bout de la maladie ?
Yacine Mohamed Saidi – Je ne sais pas. Difficile pour moi de vous répondre dans la mesure où je ne gère que les soins et la prévention. Logistiquement, je trouve peut-être que l’espace, au niveau du site, n’est pas aussi grand. Personnellement, je n’ai pas besoin de beaucoup de choses quand on m’appelle au niveau du site. J’ai déjà ce qu’il me faut c’est-à-dire la combinaison que je porte pour aller voir le malade. Quand le malade doit être piqué, l’infirmière vient. Quand le malade est diagnostiqué, au bout de 20 minutes, j’ai le résultat et l’ambulance arrive et ramène le malade à Samba. Donc, tout est organisé. Le gros problème en ma qualité de soignant, c’est la sensibilisation. Par exemple, quand j’ai besoin de me désinfecter, le produit est toujours là. Pour les médicaments, il y a toujours un stock : les médicaments de première nécessité, la perfusion, les seringues, un carter pour faire passer le sérum, les antibiotiques.
Masiwa – Comment se passe la gestion de la pathologie dans les deux autres îles, Ndzuani et Mwali ?
Yacine Mohamed Saidi – Au niveau des autres îles, il n’y a pas de cas quand on suit le résumé de la surveillance épidémiologique. Au niveau des autres îles, ils font de la prévention au cas où, il y aurait des cas importés, de Ngazidja vers les autres îles, puisqu’il y a les déplacements par bateau et par avion. C’est pourquoi on doit redoubler de vigilance par rapport à la sensibilisation. Je pense qu’on doit mettre le paquet sur la sensibilisation, on n’a que ça, c’est notre seule force. Surtout en tenant compte de la situation sociale et économique aux Comores.
On doit autant que possible parler de la prévention. Je pense qu’au niveau des îles, ils se sont préparés par rapport à la riposte dans ce sens. Je pense que jusque-là il n’y a pas eu de cas. Mais, ils s’organisent parce que j’ai suivi dans les informations à Mohéli, à Anjouan, ils en parlent à la population pour la prévention.
Masiwa – Approximativement, vous avez les statistiques sur les malades et les guéris au niveau des enfants ?
Yacine Mohamed Saidi – Je trouve que les questions sont beaucoup plus à poser à un niveau plus élevé : la Direction, le ministère… Moi, je ne gère que les soins. Avec mon personnel, on fonctionne en ce sens, par rapport à la gestion des enfants qui arrivent au niveau du site.