Achmet Saïd Mohamed a débuté une grève de la faim depuis une semaine, au cinquième jour son avocat et des proches ont donné de ses nouvelles.
Par Hachim Mohamed
Au cinquième jour de l’entame de la grève de la faim décidée par Achmet Said Mohamed, son avocat Djamal el-dine Bacar, accompagné par sa mère, par l’opposant Ibrahim Abdourazak alias Razida et des proches, a organisé une conférence de presse pour tirer la sonnette d’alarme sur la situation de son client en danger de mort.

Après avoir livré dans sa « plaidoirie » une synthèse des faits et ses arguments sur la procédure émaillée de plusieurs entorses, du mépris de la loi, l’avocat a averti le gouvernement qu’il serait « responsable du risque encouru dans les prochains jours » des suites de la grève de la faim qu’observe son client depuis le lundi 20 janvier.
Ce vendredi 24 janvier fut l’occasion pour ces personnalités de revenir sur l’histoire de cet opposant au régime enlevé le 9 janvier 2024 après avoir déposé ses enfants à l’école et gardé captif dans une « cave terrible », gorgée d’eau et dépourvue de lumière par ses ravisseurs encagoulés.
C’est un récit poignant qui décrit un homme brisé, maintenu en captivité dans des conditions très strictes et inhumaines.
Une séquestration de 2 à 3 jours
Me Djamal el-dine Bacar a raconté au détail près ce qui s’est passé sur cette affaire où les « ravisseurs encagoulés » sont passibles d’accusations d’enlèvement, de voies de fait, d’agression armée et de séquestration.
Me Djamal el-dine Bacar parle d’enlèvement illégal d’une personnalité dans la mesure où aucune convocation ne lui avait pas été notifiée. Une procédure qui s’effectue en deux étapes avant d’utiliser la manière forte, via une assignation qui aurait enjoint Achmet Said Mohamed à comparaître devant un tribunal.
L’avocat a aussi fait état, entre autres, de la possibilité de son client de disposer d’un médecin, d’appeler ses proches pour leur dire ce qui lui est arrivé.
Au-delà du piétinement des textes qui caractérise l’interpellation d’Achmet Saïd Mohamed, après son rapt, personne ne savait où il se trouvait. Pire, installé sur une chaise, il a subi un interrogatoire musclé, source de souffrances et de persécutions. Pendant cette séquestration qui a duré deux à trois jours, du matin au soir, ses ravisseurs l’ont harcelé, revenant à la charge à plusieurs reprises, même la nuit, alors qu’il était fatigué et endormi.
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Liberté d’office après huit mois d’enquête
S’agissant de la mesure privative de liberté, l’avocat pense que « les ravisseurs encagoulés » n’avaient que faire de la procédure judiciaire.
Il a fallu attendre 15 jours pour connaître l’ordonnance du juge, ce qui est déjà une entorse à la loi, ensuite le mandat de dépôt où son client a été mis en examen et placé en détention provisoire.
Pour s’attaquer à la séquestration de 15 jours, Me Djamal el-dine Bacar a rappelé la loi sur la garde à vue et a rappelé aussi qu’en pratique le gardé à vue est présenté au juge des libertés et de la détention après 48 heures.
La personne peut être incarcérée plus longtemps pour les besoins de l’enquête, mais Me Djamal el-dine Bacar s’est rendu compte que la durée de placement en détention provisoire de son client a dépassé la limité des huit mois. Après ce délai, il n’y a plus aucune autre décision à prendre de la part du juge, si ce n’est d’ordonner la liberté d’office de son client.
Parlant de l’état de santé d’Achmet Saïd Mohamed, Me Djamal el-dine Bacar s’est étalé longuement sur la pathologie, le lumbago (mal de dos ou tour de rein) dont il souffre suite à une chute dans la jeunesse. Cela s’est développé en une hernie discale.
« Comment on peut être aussi cruel avec un malade ? », s’est écrié l’opposant Ibrahim Abdourazak Razida qui a livré une violente et longue diatribe contre le gouvernement et son chef.
Lire : Achmet débute une grève de la faim (Masiwa n°515 du 20/01/2025)
Sur la situation alarmante de son client, l’avocat a notifié au parquet toutes les anomalies de la procédure. Il a saisi par courrier le procureur, mais à sa grande surprise ce dernier a lancé à Achmet Said Mohamed lors d’une visite en prison : « Je ne savais pas que tu es malade ». Ces propos sont d’autant plus choquants que l’état de santé de l’homme politique est inquiétant et qu’il souffre depuis son enlèvement par des ravisseurs encagoulés, puis sa détention dans un sous-sol. Il s’agit d’une pièce souterraine qui ne comporte que peu de fenêtres, voire pas du tout et où l’air circule difficilement et où les murs en contact avec la terre sont des points froids.
De plus, pour s’allonger et se reposer, il devait se relayer avec son geôlier sur un réduit obscur, fétide et humide.
Les abonnés absents quand il fallait agir
De tous les piétinements des droits de la défense, présentés par Me Djamal, les journalistes se sont arrêtés sur le rôle des acteurs des Droits de l’Homme aux Comores, perçus comme des juges auxquels on peut faire appel, notamment en prenant pour référence l’arrêté du ministre de l’Intérieur qui a servi d’appât pour attirer Achmet Saïd Mohamed aux Comores.
« Nous avons saisi à deux ou trois reprises la présidente du Conseil national des Droits de l’Homme et des Libertés (NDLR : Sittou Raghadat Mohamed) aux Comores. Pas d’avancée dans le dossier, si ce n’est une déclaration lapidaire comme quoi on va remonter l’information. Il n’y a eu au finish aucun impact », s’est offusqué Me Djamal el-dine qui répondait à une question.
Pendant toute la conférence de presse, chacun pouvait lire le chagrin de la mère d’Achmet Saïd Mohamed, Amina Djohar qui, dans l’épreuve de son fils, a essuyé les coups de ses ennemis, les souffrances, les inquiétudes et surtout le déni de justice.