L’Alliance franco-comorienne de Moroni qui vient de relancer le « Mois des écrivains » a accueilli ce samedi 14 juin Oubeidillah Maeva Dhoimiri, originaire de Mkazi-Bambao (Ngazidja).
Par Hachim Mohamed
L’auteur comorien, Oubeidillah Maeva Dhoimiri, a partagé avec le public de l’Alliance franche comorienne son parcours, ses sources d’inspiration et les thèmes de ses ouvrages. La première publication d’Oubeidillah Maeva Dhoimiri, qui selon certains lui vaut une certaine notoriété s’intitule « Un amour qui miaule ».

En mars 2025, il publie son deuxième ouvrage « Les Trésors des îles au parfum ». Cette fois, il s’agit d’un recueil de contes et nouvelles mettant en lumière la culture et les traditions des Comores.
Pendant la présentation, le public a eu droit à une belle aventure humaine qui, au fil de la verve et la prestance livrées pour la « pédagogie de ces deux ouvrages », ressemble presque à un inoubliable aller et retour dans les labyrinthes du narratif.
Grandir en s’amusant
À première vue, « Un amour qui miaule » était un livre simple destiné à la jeunesse, mais toute réflexion faite Oubeidillah Maeva Dhoimiri a utilisé le symbole du chat (Mange-tout, petit chat adoré de Naeline) pour transmettre des messages sur le bien et le mal.
La particularité du personnage principal, explique Oubeidillah Maeva Dhoimiri, c’est son amour pour les chats, un attachement inconditionnel. Elle est allée jusqu’à croire qu’un jour les chats auront les mêmes facultés que les hommes, et notamment celle de parler. Ce rêve de voir un « chat humain » est devenu réalité dans la deuxième partie de l’histoire. Mais, à sa grande surprise, en jouissant des mêmes facultés que les hommes, les chats ont réduit les hommes en esclavage.
Interrogé sur les ficelles pour mieux écrire un conte, Oubeidillah Maeva Dhoimiri répond qu’« Un amour qui miaule » est un récit imaginaire, qui mêle amour pour les chats, humour et aventure. Mais, on y trouve aussi l’opposé, c’est-à-dire la haine, la cruauté. Naeline découvrira que les chats, objets de son immense affection, sont d’une grande cruauté. Mise devant les faits, elle fera preuve de courage, de maturité, de responsabilité pour pouvoir s’en sortir.
De cela, poursuit Oubeidillah Maeva Dhoimiri, on peut tirer un message, celui de l’enfant qui grandit en s’amusant, qui devient responsable. Le message subliminal du conte se lit à travers le cheminement d’un personnage vers la maturité, la connaissance de soi, ou la réalisation de son potentiel, mais aussi dans l’habilité à influencer les émotions, les pensées, ou le comportement de la jeunesse.
Ibunaswia rappelé à notre bon souvenir des contes comoriens
Le deuxième ouvrage, « Les trésors des îles aux parfums », est un recueil qui présente plusieurs histoires riches en symboles, inspirées et ancrées dans la tradition orale et la culture des Comores. Chacune est une leçon de morale, un parcours initiatique. Les thèmes de la justice, de la ruse, du courage, de la vengeance, de la sagesse et de la résilience sont omniprésents.
On y retrouve aussi l’idée que dans un conte, il y a plusieurs strates allant de l’apparent au plus caché, du littéral au spirituel. C’est comme si Oubeidillah Maeva Dhoimiri par l’alchimie de son narratif nous met devant une toile qui s’anime.
Dans le premier conte, Oubeidillah Maeva Dhoimiri met en lumière le cheminement de Loulou vers l’humilité, la véritable richesse qu’est l’amitié. Voilà un garçon capricieux, un enfant gâté (Loulou) qui veut décrocher la lune. Ses parents se transforment en oiseaux en essayant d’exaucer son souhait. Trompé par son esclave et déchu de son statut, Loulou finit par comprendre la valeur de l’amitié sincère et devient plus humble.
Oubeidillah Maeva Dhoimiri a évoqué également Ibunaswia, le personnage rusé des contes comoriens. Il a choisi le conte dans lequel des villageois ont volé le bœuf d’Ibunaswia. Celui-ci les ridiculise avec ruse à plusieurs reprises, allant jusqu’à les pousser à des actes absurdes comme brûler leurs propres grands-mères ou se jeter à la mer. Grâce à son esprit vif, il finit chef du village. Ceux qui ont été bercés par ces contes dans leur enfance auront un coup de nostalgie.
Dans le troisième conte présenté, Oubeidillah Maeva Dhoimiri au-delà d’exprimer le ressenti de la société comorienne sur le viol, nous met devant les faits qui représentent des vérités universelles sur la nature humaine, des leçons de vie, ou des aspects plus profonds de la psyché.
L’auteur a livré un récit tragique sur un jeune élève (Elihadj, personnage et narrateur) admirant profondément un shaykh respecté (Cheikh Hassane), nonobstant qu’il est accusé d’agressions sexuelles. L’histoire abandonne rapidement les rives de l’imaginaire pour s’immerger dans l’indécence de révélations qui choquent.
Le pouvoir de l’amour familial
Oubeidillah Maeva Dhoimiri livre dans les contes 4, 5 et 6 un panorama sur la place de la femme dans la société comorienne.
Ce jeune auteur peint un tableau coloré et vivant des valeurs et des croyances des Comores. Il se fait un point d’honneur de mettre en valeur de leçons de vie sur la justice, la bravoure, l’humilité, la ruse, l’importance des liens familiaux.
Sur ce point, c’est tout compte fait un bel hommage à la femme, plus précisément à son pouvoir de l’amour familial, à sa résilience.
Raconté par le narrateur Chabane, le quatrième récit porte sur le cyclone Kenneth. Pendant cette tempête, une mère (Mariama), veuve, protège ses enfants avec un courage impressionnant. Sa force morale permet à la famille de survivre et de reconstruire sa vie. Elle incarne cette capacité maternelle à faire face à la catastrophe naturelle.
Dans « Bahati ou le chemin de la liberté » (cinquième récit), une jeune femme comorienne affronte les agressions et le sexisme ambiant. Grâce à sa détermination, elle refuse les compromis douteux et finit par obtenir une bourse pour étudier au Japon, trouvant ainsi sa liberté.
Pour ce personnage Oubeidillah Maeva Dhoimiri met en lumière la lutte pour l’émancipation, le courage de surmonter des obstacles sociaux.
La bravoure de la femme est magnifiée avec brio aussi dans le sixième récit. Titré « Les Monstres de nuit ou la femme à l’immense bravoure », il évoque un village frappé par d’étranges vols et où une femme courageuse (pas de nom) affronte seule des créatures monstrueuses liées à l’esprit d’un homme rancunier (Ustadh Maele). Elle triomphe, sauve le village et devient cheffe. Par la manière dont elle a tenu tête à la sorcellerie de Ustadh Maele, ce personnage incarne la vaillance féminine.