Embarquement pour le royaume mystérieux du rêve avec le premier album enchanteur du Parolier du Karthala, Rahim El Had. L’artiste était au spectacle de slam musical à l’Alliance franco-comorienne de Moroni, le 22 avril.
Par Hachim Mohamed
Intitulé « Selebeyoon », l’opus qui est sorti le 13 septembre 2024, a été enregistré et arrangé aux Comores, mixé et mastérisé au Sénégal.

Si d’emblée, à l’écoute, c’est moins abordable pour les novices, pour un premier album, c’est impressionnant de maturité dans la mesure où chaque titre est une étape de parcours de l’artiste, et chaque collaboration présente sur l’album témoigne d’une amitié artistique forgée au fil des années.
Après 10 ans de scènes et de créations poétiques, Rahim El Had nous joue du slam musical. Dans les oreilles des mélomanes bien installés dans la salle du spectacle de l’Alliance franco-comorienne vibrait un album teinté du « Mawulida » avec un côté renversant et époustouflant. Ce fut une symbiose réussie entre la musique et les sons de plusieurs langues (français, wokof, shihomori). Le résultat a donné ce que Rahim El Had appelle « un carrefour vibrant de couleurs, d’histoires et de mots ».
Avec cet opus de huit chansons, les mélomanes ont droit à une atmosphère étrange et enveloppante, une douceur sensible et touchante sur des textes profonds et fouillés en plus d’un régal qui a fait guincher toute la salle. Né sur une terre qui depuis toujours fut le carrefour des cultures, des hommes et des échanges, Rahim El Had produit une œuvre qui développe une musique riche et communicative en racontant l’histoire d’un artiste ayant emprunté de multiples chemins, exploré des sonorités variées et tissées des liens forts au sein de la communauté slam.
Du groove, du plaisir absolument imparable
Loin des rôles de faire-valoir, force est de constater que sur scène Rahim El Had arbore toujours un look à la fois trash (une tenue à la sénégalaise) et un côté « poète provoc » qui fascine
A la première écoute du style de l’album qui est linéaire au possible, il est quasiment impossible de distinguer les chansons les unes des autres, nonobstant le fait que l’album contient d’excellents titres tels que « Lettre à », « Djendo », « Idumbio » et « Africatey », « Selebeyoon », « Mes adieux » ou encore « Viens ».
Est-ce ce côté trash de la production qui réussit ce tour de force de l’album ? Pour magnifier la qualité rythmique de ces sons pas comme les autres, « Selebeyoon » est conçu comme le point de rencontre de tout le « Djendo » (les pérégrinations que Rahim El Had a eu à faire dans le monde). Ce sont des mots, des textes explorant une multitude de thèmes, d’émotions, avec pour point commun le vivre-ensemble dans un monde aux couleurs de l’arc-en-ciel, une humanité unifiée.
Outre le charme qui opère dès le début de ce premier album introspectif et complètement planant, les titres comme « Mes adieux », « Viens », livrent aux oreilles de ces riffs et mélodies qui sont de toute beauté sans compter le calme puis la fureur dégagée par le slameur debout.
Sur la qualité rythmique du son, c’est du groove absolument imparable. Du pur et vrai plaisir. Voilà de quoi ravir tous les fans qui assistent à l’alchimie, transformant du slam en musique inédite.
Scène composée de ses compagnons de route
Mais au-delà de ses thèmes accrocheurs, l’album se démarque surtout par une audace tant sur le fond que sur la forme. Une créativité, une fraicheur de son, une référence du genre où chaque pièce de ce « carrefour des cultures, des hommes et des échanges » était jouée dans un tempo atypique.
Avec son naturel pêchu, Rahim El Had s’est toujours fait un devoir de s’entourer d’artistes ou slameurs qui ont été ses compagnons de route, ceux avec qui il a partagé scènes, textes et inspirations à l’image du guitariste Nourdine alias John ou des musiciens Fahar drums et Rubis.
Durant la scène à l’Alliance, les yeux ont apprécié les prestations de Faraz, Bacar Nawiya, Slk et une démonstration de la fougueuse Naila’S. L’album plonge l’auditeur dans un univers où chaque mot qui résonne avec profondeur fait entrer dans la grande salle son intimité, une correspondance poétique entre l’artiste et ses inspirations.
Pour nos compatriotes portés à chercher ce qui peut détendre l’atmosphère, résoudre les tensions ou simplement insuffler un esprit positif grâce à la musique, ils se sont trouvés au bon endroit.
Les mélomanes ont retrouvé dans l’ambiance cette teinte particulière de la scène qui se traduit par la manière d’écouter la chanson, de « se trémousser » assis ou debout, de communiquer avec le public conquis, de fêter le « premier bébé album ».
Son universel
Rahim El Had est un habitué des festivals, des scènes slam, il a, maintes fois représenté les Comores à des journées nationaux et internationaux un peu partout dans le monde (Sénégal, Côte d’Ivoire, Mali, Canada, Belgique, France…). Il ne cesse de faire vibrer les spectateurs avec ces textes poignants et la puissance avec laquelle il les déclame.