Dans l’imaginaire comorien, le mot diaspora renvoie à la diaspora comorienne installée en France. Je voudrais lever un coin de voile sur une diaspora qui n’est pas assez connue des historiens, la diaspora comorienne de Zanzibar. Les Comoriens de cette île qui, aujourd’hui, fait partie de la Tanzanie et autrefois était un joyau du Sultanat d’Oman, sont affectueusement surnommés les « Comrad », du terme anglais qui veut dire « camarades »
Par Fahmy Nassor
Tous les Comoriens de Zanzibar sont communément appelés « Wangazija », alors qu’on y trouve des Comoriens de tout l’archipel. Ils sont conservateurs ou révolutionnaires. Cette fois, je vais vous présenter un conservateur d’origine comorienne, membre du gouvernement du sultanat avant la révolution de 1964, il s’agit de Maulid Mshangama.

En parcourant la composition du gouvernement du Sultan Jamshid qui célèbre l’indépendance de Zanzibar en décembre 1963, le curieux peut être attiré par un nom qui fait très terroir comorien : Maulid Mshangama Haj.
Cet homme est né à Zanzibar. Il fait ses études primaires à la Comorian School (« school ya wa Ngazija »). Il poursuit ses études secondaires à la Governement Secondary School. Il s’inscrit pour ses études supérieures à Kampala, en Ouganda, à l’Université Makerere en Histoire et littérature. Cette université avait un partenariat avec l’Université de Londres. Par conséquent, les diplômes qui y étaient délivrés avaient l’équivalence des diplômes de sa très gracieuse majesté.
À son retour à Zanzibar, encore sous colonisation, il travaille dans l’administration anglaise. Ses supérieurs anglais veulent l’utiliser comme « mouchard » au sein des associations arabes qui se forment et demandent l’indépendance de l’île. Ils veulent qu’il leur fasse des rapports sur tout ce qui se dit et se fait. Il refuse et est sanctionné par une mutation sur l’île de Pemba. Comme aux Comores, sous les différents régimes, où on sanctionne les fonctionnaires en les mutant sur une île qui n’est pas leur île d’origine.
Il travaille ensuite dans le wilaya de l’île de Pemba, dans la collectivité.
En 1961, membre influent, il est également l’un des porte-parole du parti ZNP (Zanzibar National Party), parti nationaliste arabe d’Ali Muhsin. C’est le parti qui gouverne l’ile jusqu’au renversement du pouvoir du Sultan Jamshid.
L’année suivante, il se marie avec la fille adoptive du Sultan de Zanzibar, Sultan Saïd Khalifa Bin Harub, la Princesse Salma.
En décembre 1963, l’Angleterre accorde l’indépendance à l’ile de Zanzibar tout en la gardant dans le Commonwealth. Avant cette indépendance, pendant l’autonomie interne (internal self government), Maulid Mshangama était ministre de l’Agriculture. Il conserve le même ministère après l’indépendance.
Mais, après la révolution de janvier 1964, Maulid Mshangama est emprisonné. Il reste en prison pendant 10 ans sans jugement. Il est libéré en 1974 et peut partir en exil deux ans après en Arabie Saoudite avec sa famille.
En 1978, il déménage à Oman où il travaille pour l’Université Qaboos.
Maulid Mshangama est l’auteur de plusieurs ouvrages dont « Sowing the wings » qui évoque la vie à Zanzibar avant la révolution de Karume. Il y aborde aussi l’importance stratégique de l’île pour les Anglais. Son autre ouvrage « Zanzibar, the last years of the protectorate » est un livre sur la vie politique et administrative avant la révolution.
Maulid Mshangama Haj décède en 2021 pendant le COVID.
Il était originaire de Moroni où ses trois nièces étaient venues rejoindre et s’installer avec un autre de leur oncle.