Les comportements des autorités à l’égard des journalistes sont contraires aux principes de la liberté de la presse. Les cas de pressions exercées sur les journalistes sur le terrain pour qu’ils ne publient pas certains contenus ou pour qu’ils adoptent une certaine perspective sont de plus en plus le lot des journalistes à Ngazidja.
Pa Hachim Mohamed
Ce jour-là au tribunal, le juge a pu limiter l’accès à la salle d’audience, même si l’audience n’était pas à huis clos. En réalité, ce n’était pas nouveau. Les journalistes n’ont systématiquement pas leurs places aux audiences.

« On n’avance pas. Vous ne pouvez pas entrer dans la salle. Allez plus loin », ont lancé les militaires armés postés aux entrées de chaque côté de la grande salle.
Les entraves à l’exercice du métier de journaliste limitent non seulement le droit des citoyens à être informés, mais reflètent aussi ostensiblement le mépris pour la carte de presse.
Dans le contexte des procès très attendus au tribunal de Moroni pendant lesquels le juge devait statuer sur trois dossiers (dont celle de Nasserdine Ahmada dit Micro), les journalistes se sont encore une fois heurtés à des barrières pour pouvoir couvrir l’événement, comme s’il s’agissait d’une « zone de non-information » dans laquelle la vérité devait être étouffée.
À son arrivée au palais de justice, un photographe d’Al-Watwan était étonné de voir son collègue assis dehors à tapoter sur son téléphone. « Comment tu auras de la matière dans ces conditions ! Tu n’auras rien à écrire », s’est-il exclamé un brin dépité.
Il est vrai que le mégaprocès a attiré un public très nombreux, remplissant ainsi entièrement la grande salle du palais. Mais, est-ce que faire salle comble signifie que les journalistes n’ont pas droit à un « compartiment spécial presse » et qu’ils doivent suivre la séance du tribunal comme tout le monde ?
Un des rares de la corporation qui a eu la chance de trouver une place était le cameraman de l’ORTC, mais en quittant la salle pour régler un petit détail il s’est vu, à sa grande surprise, refuser l’accès à la salle. Une autre personne avait pris sa place.
Les journalistes, parqués à l’extérieur du tribunal par cette désorganisation kafkaïenne, se demandaient à quoi servait la carte de presse. En effet, aux Comores, comme dans certains pays, la carte de presse est une condition pour exercer le métier de journaliste. Et ce n’est pas un hasard si la carte de presse s’appelle de son nom complet la « carte d’identité des journalistes professionnels ». Force est de constater que la carte de presse est encore loin de faciliter l’accréditation pour l’accès aux lieux et aux événements où cette formalité est nécessaire, notamment pendant les audiences très médiatisées.
Pour les premiers journalistes détenteurs de ce sésame, la cérémonie de remise de la carte de presse avait été organisée avec une grande envergure au Retaj le 15 mars 2025 en présence du ministre de l’Information, Fatima Ahamada, du ministre de l’Intérieur de l’époque Mahmoud Fakridine et du Chargé de la défense, Youssouf Mohamed Ali. Cependant, en regardant la manière dont les journalistes comoriens rencontrent de nombreux obstacles dans l’exercice de leur métier, allant entre autres de l’intimidation aux entraves à la couverture médiatique, c’est de bon droit de s’interroger sur l’utilité du document.
L’enjeu ici n’est pas de livrer à des railleries couvertes, des plaintes détournées, des reproches indirects envers les autorités, mais de chercher les voies et les moyens pour mettre fin à ce cirque d’entraves qui n’a que faire d’une profession réglementée.















