Le Front commun des Forces vives comoriennes, une des structures de l’opposition a rendu public la semaine dernière un document intitulé « Organisation de la Transition après la chute du Colonel Azali ». La sortie de ce document a été suivie par une rencontre des cadres des mouvements qui composent le Front commun à Marseille le 8 octobre.
Par Mib
Le Front commun des Forces vives comoriennes sent-il le vent tourner pour l’actuel pouvoir installé à Moroni depuis le coup de force du 24 mars 2019 ? Comme l’ensemble des partis et organisations de la société civile à l’intérieur et à l’extérieur du pays, le Front commun n’a jamais reconnu le gouvernement d’Azali Assoumani issu d’une fraude massive des élections présidentielles de 2019. Ses membres ont participé avec d’autres organisations aux nombreuses manifestations hebdomadaires dans les grandes villes de France contre le régime autocratique de Moroni.
Le document publié la semaine dernière et intitulé « Organisation de la Transition après la chute du Colonel Azali » répond en partie aux critiques souvent faites à l’opposition de ne pas avoir de projet alternatif à la vacuité et impuissance du gouvernement d’Azali Assoumani. Le document que le Front commun publie décrit donc comment ses membres souhaitent gérer le retour à l’ordre démocratique après le départ du chef de l’État actuel. Le document original a été rédigé par le référent juridique de l’organisation, Abdou Djabir, puis soumis aux organisations et personnalités membres du Front commun.
Le rétablissement de la Constitution de 2001
L’idée principale de ce texte sur la transition est la restauration de la Constitution de 2001 et le retour à la tournante stricte de la présidence en reprenant par le tour d’Anjouan, puis celui de Mohéli.
Pour Mdama Toihir Daoud, membre du Comité de pilotage « préserver ces deux principes fondamentaux de l’Accord de Fomboni est nécessaire. C’est un pacte social entre les entités qui composent l’Union des Comores. Vouloir les remettre en cause d’une manière unilatérale c’est un risque vers le démembrement appuyé pour les intérêts de l’ancienne puissance et des multinationales ».
C’est aussi le fondement qui les oppose aux autres organisations qui, comme le COMRED, veulent élaborer une nouvelle constitution qui mettra fin à la tournante et installerait un régime parlementaire.
Mais, pour les organisations du Front commun, le rétablissement de la Constitution n’est pas si évident. Il implique la mise en place en un temps court (12 à 18 mois selon l’Accord obtenu à Marseille ce samedi) de toutes les institutions détruites par le régime actuel.
Ainsi, il faut remettre en place la Cour constitutionnelle, or la Constitution de 2001 prévoyait une nomination des membres par les instances élues : chef de l’État, Assemblée nationale, les gouverneurs… Toutes ces institutions ayant été mises en place par des fraudes massives constatées par les journalistes et des observateurs, y compris extérieurs, il est difficile de les imaginer encore en place et en fonctionnement pendant la transition. Il en est de même pour les organes chargés des élections, la CENI notamment.
Une diaspora pleinement citoyenne
Il sera donc difficile de dire qu’on remet en place la Constitution de 2001, mais on n’appliquera que quelques principes et pour le reste on fera tout par consensus. Il sera d’autant plus difficile que les organisations de l’opposition n’ont pas réussi à faire l’unité politique et qu’on y retrouve plusieurs petits partis ou associations et de nombreuses personnalités politiques avec des ambitions d’abord personnelles.
L’autre point important du document de transition du Front commun est la décision de faire enfin des membres de la diaspora des citoyens comoriens à part entière, des citoyens qui pourront voter et être candidats dans les diverses élections. C’est une ancienne promesse des hommes politiques comoriens qui ne réussit pas à prendre forme, depuis une vingtaine d’années, même si à l’initiative du député Youssouf Saïd, Vice-Président de l’Assemblée de l’Union, la loi avait prévu en 2005 le vote de la diaspora. De 2005 à aujourd’hui, les trois présidents que le pays a connus ont bloqué le vote de la diaspora. Aujourd’hui le Front commun annonce que la diaspora votera dès la fin du régime Azali. Le document de transition affirme même qu’il est facile de faire le recensement des Comoriens de l’extérieur en se basant sur les listings des cartes nationales d’identité et les passeports faits ces dernières années pour pouvoir voyager au pays.
Enfin, durant le séminaire, les participants ont décidé d’inscrire dans le plan de transition la création d’une Commission d’enquête dénommée « Vérité et Réconciliation » pour éclairer sur les crimes commis durant l’actuel régime.
Que ce soit pour les entorses à Constitution de 2001, les nominations, la création d’instances nouvelles ou encore l’organisation d’élections, les cadres du Front commun sont conscients que rien ne peut se faire sans le consensus de toutes les organisations qui se battent contre le régime autocratique. Ils insistent tous sur ce consensus. D’ailleurs, c’est par ce mot que Zilé Soilihi a ouvert le séminaire en présence de nombreuses personnalités politiques venues d’horizons différents : Chaher Ben Massonde, Said Larifou, Achrafi Saïd Hachim, Zico (qui a fait un gouvernement en exil), Soilih Mohamed Soilih, Dr Abdoulhakim (Comred)… Zilé s’est adressé à eux en prévenant : « le sujet qui nous réunit ici est la recherche de consensus » pour « passer de l’ancien temps au nouveau temps ».
Un autre problème risque de se poser avec acuité quand on voit les difficultés actuelles des sociétés d’État, déjà vidées par la corruption et les voyages des responsables politiques, à commencer par le chef de l’État. Le Front commun a inscrit dans son plan de transition la nécessité d’aller chercher l’argent des élections auprès de la communauté internationale. Ce n’est sûrement pas le meilleur des moyens pour entamer un « nouveau temps ».