« L’affaire Bachar » deviendra-t-elle la nouvelle affaire qui sera jugée par l’illégale Cour de Sûreté de l’État ? C’est bien parti pour. Le gouvernement est en train de faire monter une simple affaire de diffamation pour en faire une affaire d’État, et même de sûreté de l’État. Sans réussir pour le moment à convaincre sur la gravité des faits. De l’affaire du Miraculé Moustadrane dont la voiture aurait été mitraillée et atteinte par 17 balles sans qu’aucune d’elles ne touche un des trois occupants jusqu’à l’assassinat de Fanou en passant par l’amputation de la main d’un gendarme et l’arrestation du gouverneur Salami, entre autres, il est incontestable que le montage de faux complots est le domaine dans lequel les hommes au service d’Azali Assoumani ont le mieux réussi. Pourquoi l’affaire Bachar ne deviendrait-elle pas une affaire d’État qui permettrait de se débarrasser de certains hommes politiques ?
Par MiB
Il ne s’agit pas pour nous de défendre le dénommé Nourdine Mparti dit Bachar dont nous réprouvons les méthodes qui se prétendent journalistiques et qui en sont aux antipodes. Même si dans certains audios diffusés sur whatsapp quelques semaines avant son arrestation, il affirme que la plupart des journalistes les plus médiatiques font la même chose que lui, et même réclament aux victimes plus d’argent que lui-même.

Mais tout de même ! De quoi, il s’agit ? Un influenceur a diffusé dans les réseaux sociaux des insultes et parfois des accusations adressées à des personnalités du régime Azali telles que le Président, sa femme, son fils, Secrétaire général du Gouvernement, Nour el Fath Azali, l’ancien ministre de l’Agriculture, Houmed Msaidié, l’ancien ministre de l’Intérieur, Fakri Mradabi, la commissaire au Plan Najda Saïd Abdallah et la liste n’est pas exhaustive.
L’influenceur a été expulsé de Tanzanie il y a quelques jours. Il n’était pas en règle, clament les proches du gouvernement comorien, dont le message est qu’ils n’ont pas demandé cette expulsion et qu’il ne s’agit pas d’une extradition puisqu’il n’y a aucun accord dans ce domaine entre les deux pays. Mais, qui peut croire que l’expulsion de Bachar est un hasard et qu’il n’est pas le résultat de demandes pressantes du gouvernement comorien ? On peut regretter que la Tanzanie n’ait pas tenu compte du fait que les Comores d’Azali pratiquent depuis 2018 la torture et que celle-ci a conduit à la mort de plusieurs personnes dont le major Hakim Bapale (2021), Ayman Nordine (24 ans, père de deux enfants, en 2023) ou le jeune Ahmed Abdou dit Fanou (24 ans en 2024) pour ne citer que ceux-là.
Curieusement, dans ces affaires de tortures jusqu’à la mort ou d’exécutions sommaires, les juges comoriens se sont montrés moins empressés de connaître la vérité. Aucune de ces affaires de tortures et d’assassinats n’a abouti au jugement des coupables.
Pour l’affaire qui agite les Comoriens et surtout le gouvernement Azali et les proches du régime depuis quelques jours, un document provenant de la Justice a fuité dans les réseaux. Ce document de mise en accusation de Bachar et de ses supposés complices est bourré de fautes, y compris sur les noms des mis en cause. Dans un premier temps, il semble être un faux. Mais, selon des sources officieuses, ce serait un document émanant de juges qui ne souhaitaient pas encore le rendre public. Sur ce document, on peut voir que Bachar est mis en cause pour trois raisons : pour avoir porté atteinte à « l’honneur et à la considération des personnalités » du pouvoir, pour dénonciations calomnieuses et pour injures.
En somme, des accusations qui, dans une démocratie, aboutiraient sans doute à une amende et certainement pas à une peine de prison, encore moins à des emprisonnements préventifs, comme le gouvernement l’a décidé pour le principal accusé et pour certains complices. Sans qu’on sache le degré d’implication des uns et des autres. Un ancien ministre, un fonctionnaire du ministère de l’Intérieur, un commandant de police (Renseignement)… sont déjà en prison. Et le document de mise en accusation désigne comme probables victimes de cet acharnement des juges, deux anciens ministres, Fahmi Saïd Ibrahim et Hamada Madi Boléro, qui est aussi l’actuel conseiller diplomatique du chef de l’État, tous deux implicitement accusés d’avoir donné des informations à l’influenceur, voire ce qui est pire, de l’avoir payé pour attaquer des personnalités. Des audios qui circulent, on peut juste conclure que les deux hommes étaient en contact direct avec l’accusé.
La Sûreté de l’État a-t-elle été compromise ? Des secrets d’État ont-ils été transmis à Bachar par des supposés complices ? La surréaction du gouvernement avec ces arrestations peut donner cette impression. Si c’est le cas, les juges devraient vite communiquer à ce propos, et surtout transmettre l’affaire à la Cour de Sûreté de l’État, la juridiction qui a permis au pouvoir actuel de mettre en prison ou de contraindre à l’exil ses opposants les plus sérieux.
Mais, ce n’est sûrement pas avec les chefs d’accusation avancés actuellement que les juges peuvent prononcer des peines de prison, même si chacun sait que cette affaire est conduite à partir de Beit-Salam. Cela fait longtemps que les juges comoriens n’ont plus de marge de manœuvre sur les affaires politiques.