Le 6 juillet 2025, les Comores ont célébré les cinquante ans de leur indépendance, un événement symbolique, porteur de souvenirs et de discours enflammés. Mais dès le lendemain, le contraste avec la réalité quotidienne était saisissant.
Par Anoir Ahamadi
Les Comoriens ont célébré le cinquantenaire de l’indépendance ce 6 juillet dans une ambiance assez contrastée. En dehors des cérémonies officielles restreintes, beaucoup de citoyens, notamment à Anjouan, sont restés indifférents ou amers, confrontés à un quotidien marqué par la précarité, les attentes trahies et l’absence d’un véritable projet national.

Un demi-siècle d’indépendance… et autant de désillusions ?
L’indépendance acquise en 1975 portait en elle des promesses d’émancipation, de dignité retrouvée et de développement national. Mais, ce rêve a été malmené par les coups d’État successifs, la fragmentation politique, la centralisation du pouvoir et une économie toujours sous perfusion. Les alternances, souvent forcées, n’ont que rarement abouti à des réformes structurelles.
Cinquante ans plus tard, le bilan est amer. Et ce sont les jeunes, pourtant censés incarner l’avenir de cette souveraineté chèrement acquise, qui paient le prix d’un État en panne.
Une jeunesse à la dérive
La jeunesse comorienne, nombreuse et instruite, grandit dans un environnement marqué par le chômage massif, le manque d’opportunités et l’absence de perspectives. Pour beaucoup, le seul horizon reste l’exil. Mayotte, la Réunion ou la France métropolitaine apparaissent comme les seuls refuges possibles, même si cela implique de risquer sa vie en mer.
L’indépendance, pour cette génération, semble vide de sens. Comment croire en un État souverain quand les jeunes n’ont ni emploi, ni avenir, ni reconnaissance ?
À Anjouan, les hôpitaux sont presque à l’abandon. Le manque de matériel, de médicaments, et de personnel formé en fait un système de santé à bout de souffle. Ceux qui le peuvent se tournent vers les soins privés ou espèrent un transfert vers Ngazidja. Ceux qui n’ont pas les moyens… attendent. Ou renoncent.
L’échec d’un projet national
Sur le terrain, la défiance est totale. Pour de nombreux jeunes, les paroles ne suffisent plus. Les élites sont perçues comme déconnectées, occupées à préserver leurs privilèges pendant que le peuple lutte au quotidien.
L’école, pilier supposé du développement, n’échappe pas au marasme. Classes surchargées, enseignants démotivés, résultats en baisse… Même les diplômés se sentent trahis par un système qui ne garantit aucun débouché.
Une énergie neuve, mais sans soutien
Malgré tout, une jeunesse se bat. Discrètement, mais avec détermination. Des initiatives locales émergent : sensibilisation à l’environnement, création de petites entreprises, projets culturels, entraide communautaire… Cette énergie existe. Elle est là. Elle attend simplement d’être reconnue et soutenue.
Mais elle ne peut pas grandir seule. Sans accompagnement, sans cadre politique sincère, elle risque de s’essouffler comme tant d’autres tentatives dans le passé.
Après la fête, le réveil
Le cinquantenaire est désormais derrière nous. Les drapeaux sont repliés, les micros rangés, et les discours oubliés. Reste une jeunesse lucide, en colère, mais encore debout. C’est cette jeunesse qu’il faut écouter, et non pas seulement instrumentaliser.
Il ne suffit plus de proclamer l’indépendance : il faut la construire réellement. La souveraineté ne se limite pas à un chant ou à une date dans le calendrier. Elle se mesure à la qualité de vie, à l’accès aux soins, à l’éducation, à l’emploi, et surtout, à la confiance d’un peuple dans ses institutions.
Cinquante ans après 1975, il est temps de passer des slogans aux actes. Et cela commence par rendre à la jeunesse sa place, sa voix, et son avenir.















