Rozette Yssouf est docteure en psychologie et écrivaine maoraise. Elle sort cette semaine, aux éditions Coelacanthe, un roman (Angie, le combat d’une mère) dans lequel elle aborde les souffrances d’une mère abandonnée par le père de son enfant, avant même la naissance de celui-ci.
Propos recueillis par Mahmoud Ibrahime
Masiwa – Rozette Yssouf que raconte votre livre, Angie ?
Rozette Yssouf – C’est une histoire d’une jeune femme qui voulait vivre un grand amour de façon simple et naïve, mais qui finalement s’est retrouvée enceinte et abandonnée par le père de son enfant.
Au début elle voulait garder de l’espoir en trouvant des prétextes à cet abandon et en se disant que « de toute façon chez nous ce sont les femmes qui s’occupent des enfants, il faut accepter cela » ou encore : « Je n’ai pas fait les choses comme il le fallait, me marier vierge et tomber enceinte dans de bonnes conditions, ainsi j’ai été puni par Dieu », tout cela pour éviter de voir la vraie réalité, celle de faire un bébé toute seule, pas biologiquement, mais psychologiquement, elle était la seule à avoir cette grande responsabilité durant toute sa vie. Et se rendre compte de cela lui a fait terriblement souffrir et gâcher ces rêves de prince charmant qui vous aime et vous soutient « éternellement ».
En réalisant ce qu’elle allait vivre, elle a ressenti un « tsunami émotionnel », toutes ces croyances sur le grand amour se sont effondrées. Un homme peut ne pas t’aimer et coucher juste avec toi. Et si tu tombes enceinte, il peut s’enfuir et abandonner ton bébé et toi avec ces raisons qui lui appartiennent et pire encore il peut réapparaître dans ta vie et te tuer psychiquement alors que tu essaies d’élever ton enfant et lui assurer un meilleur avenir. Même avec tous les sacrifices que tu peux faire, il peut t’assommer en te maltraitant psychologiquement, verbalement afin que tu arrives jusqu’à douter de ton utilité dans ce bas monde et jusqu’à développer des idées noires et vouloir en finir avec ta vie.
Masiwa – Est-ce une histoire vraie ?
Rozette Yssouf – Oui, c’est une histoire inspirée de faits réels. Il y a des choses qui ont été imaginées, mais c’est une vraie histoire et les souffrances d’Angie sont réelles, ce sont de vrais ressentis émotionnels. Cette mère célibataire a intensément souffert au point de s’effondrer totalement.
Masiwa – Les hommes sont-ils aussi insensibles que dans cette histoire ?
Rozette Yssouf – Dans cette histoire, le géniteur de son enfant semble atrocement insensible. Mais ce qui ressort en plus c’est la souffrance de l’enfant qui va devenir adulte. L’abandon précoce est une des souffrances psychiques les plus dures à apaiser. C’est un père abandonnique dès les premières années et après il revient pour se battre pour avoir des droits paternels en faisant souffrir la mère qui s’est débrouillée seule pour élever son enfant, c’est là peut-être le drame de cette histoire : comment aide-t-on ces mères à ne pas se laisser maltraiter par leurs géniteurs ? Que fait la justice ? Que fait la société pour les protéger de ces profils d’hommes « insensibles » et « maltraitants » ?
On ne peut pas généraliser et stigmatiser les pères ou les hommes d’être insensibles, ce genre de personne existe, et il faut en être conscient. Et heureusement que tous les hommes ne sont pas comme cela. Il y a très certainement de bons époux et de bons pères.
Il reste à savoir comment on peut éviter des fins tragiques, comme dans cette histoire, en ne banalisant pas les souffrances maternelles de ces mères qui se battent au quotidien pour leurs enfants et qu’un seul être arrive à anéantir les efforts en un temps record.
Masiwa – Quel message voulez-vous passer avec ce roman ?
Rozette Yssouf – Le message que je souhaite passer c’est qu’une femme est un être humain exceptionnel, car elle porte de lourdes responsabilités, d’abord celle de donner la vie et assurer le bien-être de ses enfants. C’est une pièce maîtresse dans la vie sociétale, et il devient plus qu’urgent qu’on soit à son écoute et qu’on ne banalise pas ses souffrances. Elle se bat parfois seule contre tous. Soyons à son écoute et ne laissons pas certains hommes la maltraiter et la rabaisser. Elle est un pilier important, soutenons-là et ne la laissons plus seule. Surtout nous les enfants qui avons été élevés par les mères célibataires et avons été témoins de leurs souffrances quotidiennes, on ne peut que les remercier et leur en être reconnaissants à vie pour leur courage et leur dévotion maternelle. Ne les oublions pas et reconnaissons leur valeur et leur place dans la société.
À lire également :
- Deux femmes harcelées au travail racontent (Masiwa n°355, 22/11/21)
- Violences contre les enfants et les femmes (Masiwa n°355, 22/11/21)