La tragique affaire du meurtre de Mme Hikima Himidi, survenu le 31 janvier 2025 alors qu’elle sortait d’une banque, a profondément touché la nation comorienne. À la suite de cet acte horrible, certaines voix religieuses et l’opinion publique réclament l’application de la peine de mort, arguant d’une lecture littérale des textes coraniques.
Par Nakidine Mattoir
Je comprends parfaitement et légitimement cette vive émotion pour un acte criminel.

Cependant, à mon humble avis, cette réponse va à l’encontre des principes de la justice musulmane et des valeurs humanistes qui devraient guider notre société.
Mon refus de la peine capitale n’est ni un angélisme ni une faiblesse. Ce refus constitue un appel à une justice ambitieuse et réparatrice qui s’attaque aux racines du mal.
Deux versets coraniques consolident cette préférence à la clémence, voire à la miséricorde.
Allah ar Rahim préfère toujours le pardon à l’exécution capitale, conformément à l’esprit de ce verset coranique : « La récompense d’une mauvaise action est une mauvaise action [équivalente]. Mais quiconque pardonne et réforme, son salaire incombe à Dieu » (Sourate Ash-Shûra, 42:40).
À ce titre, le Coran encourage explicitement la grâce au-delà de la stricte réciprocité, par conséquent la clémence à la loi du Talion.
Puis, la clémence divine constitue toujours la norme suprême : « Si Dieu sanctionnait les hommes pour leurs injustices, Il ne laisserait sur terre aucun être vivant. » (Sourate An-Nahl, 16:61). Ce verset rappelle que la miséricorde d’Allah (Ar-Rahman) prime sur Son châtiment.
L’inefficacité de la peine de mort a été démontrée de manière tragique à travers l’histoire judiciaire mondiale.
Aucun pays n’a pu prouver que cette sentence dissuadait les crimes les plus odieux. Dans les nations musulmanes où la peine de mort est en vigueur, les crimes horribles continuent d’être commis, plaçant des pays comme l’Arabie saoudite ou l’Iran parmi les plus grands exécuteurs au monde. Les récidives et les violences persistent là où cette peine est appliquée, frappant surtout les plus démunis et marginalisés. La peine de mort, loin d’apporter une réparation, ne fait que substituer une mort légale à une mort criminelle.
Le Coran met en avant la préservation de la vie comme un principe sacré.
Le verset qui mentionne que tuer une personne revient à tuer toute l’humanité souligne l’importance de la vie dans les valeurs islamiques. Ainsi, enlever une vie est un acte condamnable, et le reproduire au nom de la justice constitue une double faute, à la fois éthique et spirituelle.
La peine de mort nie la primauté de la miséricorde (rahmah) et de la réhabilitation (islâh) au cœur de notre foi.
Trois piliers coraniques renforcent cette vision : la clémence divine comme norme suprême, la préférence pour le pardon et l’interdiction de l’autodestruction. La peine de mort, telle qu’elle est appliquée aux Comores, va à l’encontre des principes coraniques en frappant les plus vulnérables dans des systèmes judiciaires corrompus.
Plutôt que de se tourner vers la peine de mort, nous devons promouvoir une justice sociale et réparatrice. Une justice égalitaire, une éducation et une réinsertion sociale en prison, ainsi que la lutte contre les inégalités qui engendrent la violence, sont des pistes à explorer pour construire une société plus juste et compatissante.
Ce crime doit être l’opportunité de repenser notre politique publique de prévention de la délinquance et de la récidive en mettant en avant notre action publique sur le changement de paradigme profond afin de concilier éducation, prévention, répression et réinsertion. Dans cette dynamique, il faudra également renforcer et valoriser la formation professionnelle pour combattre la déscolarisation forcée des jeunes en échec en primaire ou au collège, un accompagnement éducatif et professionnel des détenus dans et hors les murs.
En fin de compte, la peine de mort, dans le cadre comorien actuel, est moralement inacceptable et politiquement stérile. Nous devons œuvrer pour une société fondée sur la miséricorde et la justice sociale, en honorant la vie et en sauvant les vivants.
La peine de mort n’est pas la marque d’une société forte et pieuse, mais l’aveu d’un échec collectif à incarner la miséricorde (rahmah) et la justice sociale (‘adl) au cœur de l’Islam.















