Diaspora Comorienne. Un droit de vote en suspens, un peuple en attente
Par Khaled Simba
Dans quelques mois se tiendront les élections présidentielles aux Comores. Des élections qui, hélas, ne suscitent guère d’intérêt véritable, car le vainqueur est déjà connu depuis le dernier coup d’État. Le colonel Azali, marionnette de la Françafrique, déploiera son arsenal habituel : manipulations, magouilles et stratagèmes pour demeurer au pouvoir. Toutes les aspirations au changement seront alors noyées dans l’effort vain de ceux qui espéraient une transformation. Dans ce climat préélectoral, où les manœuvres battent leur plein, le citoyen comorien semble, comme toujours, relégué au second plan. Mais, au-delà de ces préoccupations, que peut-on dire du droit fondamental de vote de la diaspora comorienne ?
Quelque part, dans un petit coin de l’océan Indien, l’océan bleu azur se mêle aux plages de sable, et la richesse culturelle se reflète dans les sourires chaleureux des habitants de l’archipel. Mais derrière cette façade idyllique, une réalité insensée persiste : les Comoriens de la diaspora n’ont pas le droit de vote. Oui, vous avez bien lu. Ce droit fondamental, pilier de la démocratie, fait défaut. Tels des citoyens de seconde zone, nous n’en bénéficions pas. Et pourquoi donc ? Les excuses s’accumulent comme des coquillages sur le rivage. Manque de ressources, difficultés techniques… Mais nous savons tous que derrière ces excuses se cache une vérité plus amère : un manque de volonté politique.
Le droit de vote est réclamé depuis l’élection de feu Mohamed Taki Abdoulkarim, une loi a été votée en octobre 2005 sous la présidence du colonel Azali. Il aura fallu attendre 2015 pour que cette loi soit enfin promulguée. Cet élément d’un passé récent vient nous taquiner comme une brise marine légère. En effet, sous le président Ikililou DHOININE, le processus était en marche. Les détails techniques étaient prêts à être mis en action. Le citoyen de la diaspora allait voter pour la première fois. Et puis, pouf ! Comme par magie, la volonté politique s’est évanouie, comme une promesse brisée. Mais, pardonnez-moi, il semble que j’aie oublié l’éléphant dans la pièce : la crainte.
La diaspora comorienne, vous voyez, n’est pas seulement dispersée dans les coins du monde. Elle est un tissu vivant de voix multiformes, de perspectives mondiales et d’expériences riches. Son potentiel à influencer, à mobiliser, à apporter des idées nouvelles et à changer le statu quo est tout simplement un fait. Alors pourquoi cette hésitation ? Msomali me dit que les caciques de la politique comorienne se sentent menacés par le poids de cet électorat. Cette frange de Comoriens difficilement manipulable et qu’ils ne peuvent pas corrompre. Pendant ce temps, la diaspora, elle, continue de briller et de porter haut les couleurs du drapeau comorien.
Elle continue de soutenir l’économie du pays avec un apport de fonds qui représente plus de 20 % du PIB du pays. Mais tel un bailleur de fonds, elle reste exclue de la sphère politique, comme un invité laissé sur le seuil de la porte. Nous méritons bien plus que cela. Nous méritons de voter et de participer activement à la direction de notre pays. Nous méritons d’être concertés, écoutés et non pas simplement perçus comme un portefeuille à exploiter. Nos revendications ne sont pas chimériques ni démesurées. Nous demandons le minimum pour les citoyens que nous sommes.
En 1994, au moment de voter, Nelson Mandela rappela que le simple fait de permettre à tout le monde de voter était un acte unificateur, permettant aux citoyens de se sentir tous égaux et de se tenir la main pour construire ensemble un avenir prospère pour leur pays : « Nous espérons sincèrement que le simple fait de voter se traduira par un résultat qui donnera de l’espoir à tous les Sud-Africains et qu’il fera prendre conscience à tous les Sud-Africains que l’Afrique du Sud est notre pays. Nous formons une seule nation » (N. Mandela).
Mais il ne faut pas se méprendre, personne ne nous amènera sur un plateau d’argent le droit de vote. Nous devons aller le chercher. Il a fallu 150 ans de mobilisation civique en France et un demi-siècle aux États-Unis, pour que les femmes acquièrent ce même droit. La diaspora doit se battre et utiliser toutes les dispositions légales et citoyennes à sa disposition pour enfin se faire entendre. Les droits civiques s’acquièrent toujours par le combat et notre combat premier devrait prendre racine ici.
Le cas de l’Afrique du Sud devrait nous inspirer. Après avoir accordé ce droit en 1994, puis révoqué en 1998, l’État a été contraint de le garantir en 2008 à la suite de l’action de militants afrikaans et de la jeunesse sis à l’étranger, notamment à Londres. En effet, l’organisation AfriForum et le forum de la jeunesse sud-africaine (SAFYA) organisent des manifestations à Londres pour protester contre l’abrogation du droit de vote de la Diaspora. La cour constitutionnelle reçoit des plaintes de Sud-Africains de la Diaspora contre le ministère des Affaires intérieures et la CEI pour violation de leur droit constitutionnel (Elizabeth Iams Wellman, Afrique contemporaine 2015/4 (n° 256)) et décide à l’unanimité que tous les Sud-Africains devaient pouvoir voter, partout où ils se trouvent.
En fin de compte, la mise en place du droit de vote pour la diaspora est une nécessité, entravée par le manque de volonté politique. Ce droit de vote n’est pas une faveur, mais un impératif démocratique. Les obstacles techniques ne sont que des défis temporaires, mais la crainte du changement et la réticence et la peur de perdre une partie du pouvoir politique sont des obstacles plus profonds à surmonter. Les élites politiques doivent reconnaître que l’implication de la diaspora ne menace pas, mais enrichit le processus. C’est une opportunité pour les Comores de renforcer la démocratie, d’exploiter le potentiel de la diaspora et de tracer un avenir prometteur.
Alors, Mesdames et Messieurs au pouvoir, il est temps de sortir de l’ombre des excuses et de faire face à la réalité. De briser les chaînes de l’exclusion et d’embrasser la voix vibrante et puissante de la diaspora. Ne laissez pas cette opportunité glisser entre vos doigts comme du sable fin. La diaspora comorienne est prête, elle attend. Il est temps de l’écouter.
En attendant, soyons intègres, soyons citoyens, soyons Comoriens, et le meilleur suivra.