Des manques d’investissements, une absence de planification urbaine, un mauvais entretien à l’endroit d’une population attractive, mais abandonnée à son sort, la périphérie de Moroni accuse dans son espace une pauvreté infrastructurelle. Par Salec Halidi Abderemane
Madjadjou, Mdjivurizé, Mbweni, Dawedju, Dashe, Buzini, Porini, Sahara, Garaji Mrikau… Ces quartiers qui prennent genèse dans l’exode rural intra et extra insulaire, constituent la périphérie de Moroni. Ils expriment également dans leur extension la pauvreté dans la capitale des Comores, une pauvreté infrastructurelle particulièrement.
Le manque d’infrastructures
La pauvreté ici est une pauvreté urbaine que nous résumons souvent uniquement en termes monétaires. Mais, celle-ci se nourrit du manque d’infrastructures pour soutenir la population périphérique. Elle constitue une contrainte majeure qui retient cette population dans une pauvreté au sens propre du terme bien qu’elle soit impliquée dans le circuit économique de la ville. Ses activités économiques dans cet espace sont au premier plan. Dans ces quartiers, on y trouve les logements des vendeurs des marchés de Moroni, les conducteurs des taxis urbains ainsi que de certains agents de l’administration publique comme les enseignants. Une triste réalité qui n’interpelle pas nos politiques alors que la densité la plus élevée de la population de Moroni se trouve localisée dans ces endroits.
De surcroît, cette forte densité qui se manifeste dans un contexte d’absence de politique infrastructurelle est fort inquiétante. En d’autres termes, cette absence de politique urbaine qui impulse en même temps un phénomène de surpopulation dans ces quartiers dits pauvres. Une anomalie urbaine s’accentue et il en résulte de fortes conditions de vie insalubres et de marginalisation qui piègent cette population dans ces endroits sans infrastructures. Cela éloigne ces quartiers de la croissance économique. C’est-à-dire que lorsqu’une population est appelée à se concentrer dans un espace géographique bien défini, la logique voudrait qu’il ait une attractivité économique dans ce dernier. Malheureusement, dans le cas des quartiers périphériques de Moroni, la surpopulation par rapport aux infrastructures, reste un goulet d’étranglement. Car ce qu’on appelle plus couramment, un déficit en infrastructures, ne permet pas à la population présente de ces espaces de vivre en harmonie au profit d’équipements publics pour pouvoir s’épanouir au moyen de leurs petites activités économiques. Ainsi ce déficit reste très élevé dans ces quartiers périphériques de Moroni et contraint tout accroissement économique.
L’eau propre
L’accès à l’eau propre, à l’assainissement amélioré et à l’électricité limitée, représentent un cas de figure très contraignant.
Les dernières statistiques en rapport avec cet équipement, l’accessibilité de l’eau propre à la Grande-Comore et à Moroni, remontent à 2006, pour une étude menée depuis 1996, malheureusement. Ces chiffres sont repris récemment dans un rapport de l’Agence française pour le Développement. Ils témoignent à partir d’enquêtes menées par Dr Karen Lopez Hernandez, d’une appréciation nationale alarmante. Ce qui nous ramène à croire que la question d’une eau propre et plus accessible aux Comores, plus particulièrement à Moroni la capitale, ne relève d’aucune priorité pour l’état. Il se dit dans ce document par lequel nous avons essayé d’interpréter qu’une étude de Said Hassani et Said Ahmed de 2006 souligne qu’à la Grande-Comore, plus de la moitié des ménages (54,8%) ont recours aux citernes et aux puits construits dans leurs habitations, soit 20,9 % dans les milieux urbains incluant Moroni. Quant à l’approvisionnement dans les bornes-fontaines, 28% des ménages s’approvisionnent en eau dans les fontaines publiques, soit 34,9% en milieu urbain. Ils concluent à partir de leurs statistiques que l’eau courante à domicile reste une troisième source d’approvisionnement utilisée. La moyenne nationale est de 38,8% en milieu urbain. Ce qui montre que c’est uniquement une petite minorité qui a accès à ce que nous pouvons qualifier comme eau potable.
Néanmoins si nous choisissons de dire « eau propre » au lieu de « eau potable », c’est pour la distinction de celle puisée dans le sous-sol ou celle retenue lors des tombées de pluie dans les citernes et par laquelle reste la plus utilisée et souvent mal entretenue. Surtout dans ces quartiers où une portion très réduite de ménages en dispose dans leurs habitations. Les autres ménages ont recours aux bornes fontaines publiques et le phénomène de surpopulation qui s’accompagne d’une extension de la ville, oblige plusieurs d’entre eux à effectuer de longs déplacements pour pouvoir s’en procurer. Ces derniers sont souvent dans l’obligation de la payer plus chère en raison de leur localisation éloignée par rapport aux autres qui se trouvent à proximité. Ils font recours à des moyens de transport pour pouvoir l’acheminer jusqu’à leurs domiciles.
L’énergie électrique
Ce qui se résume par un coût élevé d’accessibilité à l’eau qui s’associe à un manque total de système d’assainissement : dans ces quartiers, mis à part le fait de bouillir l’eau dans la cuisine traditionnelle si l’on n’a les ressources financières pour l’acheter et la transporter, les ménages ne bénéficient pas de matériaux pour la rendre plus accessible.
En matière de l’électricité, nous retenons que presque la totalité des ménages est connectée, mais cette dernière reste très limitée. En 2015, dans un rapport signé par Leo Isidro Heileman, Coordonnateur résident du Programme des Nations unies pour le Développement en Union des Comores, il se rapportait qu’il y a à peine plus de 5 heures d’électricité par jour. Cela alors qu’au quotidien beaucoup d’habitants de Moroni, la capitale, vivaient et vivent de l’électricité. Le coordonnateur continua ses arguments en démontrant qu’un taux d’accès à l’électricité ne dépassant pas 50% est une triste réalité.
À partir de nos investigations, nous arrivons facilement à rapprocher nos analyses avec celles de ce dernier. Et de ce fait, son institution qui reste parmi les rares qui fournissent des vraies statistiques dans ce pays, témoigne une absence de volonté politique de la part de l’État malgré les programmes établis. Cependant depuis 2016, avec l’arrivée du Président Azali Assoumani au pouvoir, plusieurs tentatives de rétablir l’énergie de Moroni d’un côté, et pour le pays d’un autre, n’ont pas cessé d’être à la lune de plusieurs quotidiens nationaux, voire même un des piliers de son programme Comores Émergents.
Pourtant dans ces quartiers périphériques, il se produit plusieurs activités économiques de la ville. Des activités de soudure en passant par l’artisanat et la charpenterie, plusieurs activités de services comme les cybercafés et les petites structures commerciales qui soutiennent un développement anarchique de nombreuses écoles qui s’influencent du phénomène de surpopulation dans ces lieux.