La France ne rate jamais une occasion pour s’enorgueillir de son histoire glorieuse de par ses conquêtes et son avant-gardisme tant vanté notamment en matière de droits humains. Il convient de noter effectivement que l’Hexagone compte parmi ses enfants, les philosophes des Lumières et les concepteurs de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Mais qu’en est-il réellement sur le terrain ? Par Mounawar Ibrahim
Commençons par dire que contrairement à ce qu’on entend ici et là, la France n’est pas l’un des plus mauvais élèves de l’Europe en matière de droits humains. La Russie avec plus de 200 condamnations européennes en rapport avec les droits humains surclasse tous les pays du vieux continent.
Mais, il est vrai que la France n’a pas bonne réputation en la matière en Europe. Il est difficile de faire un rapprochement avec les pires élèves d’Europe de l’Est, d’Amérique du Sud et d’Afrique. Néanmoins, par rapport à ses pairs donneurs de leçons, siégeant à la table des dénonciations et des critiques, le pays de Diderot est très mal classé.
Des réfugiés abandonnés
Le cas spécifique de Mayotte est intéressant en l’espèce. L’île de Mayotte, qui a fêté le mois dernier sa départementalisation effective depuis mars 2011 est un véritable No man’s land, un territoire où personne ne s’émeut que le droit national français ne soit appliqué que partiellement. Le droit des étrangers et surtout de la protection des réfugiés et demandeurs d’asile est particulièrement bafoué.
Le dernier coup d’éclat vient du Conseil d’État français qui, dans sa décision du 8 mars 2021, a interpellé le gouvernement français pour l’obliger à respecter les droits relatifs à l’asile conformément à la législation européenne.
En effet, Mme M de nationalité burundaise, a saisi pour elle et son fils, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte sur ses droits liés à son statut de demandeur d’asile, en particulier sur le fait qu’elle était dans la rue avec son enfant et sans revenus lui permettant de vivre et entretenir son enfant correctement. Par une ordonnance n° 2001610 du 25 janvier 2020, le juge des référés a rejeté sa demande. Elle a ainsi saisi le Conseil d’État pour l’annulation de cette ordonnance, entre autres. Par sa décision N°448453, la haute juridiction administrative française a annulé ladite ordonnance (Article 2 de la décision) du juge des référés de Mayotte. Il a expressément ordonné à l’État français de prendre en charge la requérante et son fils jusqu’à la décision définitive sur sa demande d’asile. «Il est enjoint à l’État français d’accorder sans délai, à Mme M., jusqu’à qu’il soit définitivement statué sur sa demande d’asile, les aides de nature à lui assurer ainsi qu’à son fils un niveau de vie qui garantisse leur subsistance et protège leur santé physique et mentale, en prenant en compte la circonstance qu’il ne leur est pas proposé d’hébergement » (article 3). Cette décision a eu un grand retentissement dans le milieu associatif qui l’a considérée comme une grande victoire pour le respect des droits humains relatifs aux migrants.
L’intervention de l’association CIMADE
La CIMADE a soutenu le dossier de Mme M. Le Conseil d’État a trouvé justifiée son intervention (Article 1er). L’association s’est dit satisfaite de la décision rendue par le Conseil d’État dans un communiqué sans pour autant épargner l’État français dans sa gestion désastreuse de la question épineuse de l’asile. « Il existe 105 places d’hébergement à Mayotte pour environ 3000 demandes en instance », affirme l’association. Elle ajoute : « Si la situation à Mayotte est la plus critique, dans les autres départements d’outre-mer, les conditions d’accueil sont également insuffisantes ». À noter que la CIMADE n’est pas la seule association française à dénoncer le déséquilibre territorial de la prise en charge de la demande d’asile entre la métropole et l’outre-mer. Cinq autres associations sont également en première ligne dans cette lutte pour le respect des droits des réfugiés.
Une situation aussi observable en Métropole
Bien que moins urgente qu’à Mayotte et dans les territoires d’outre-mer français, la situation en France métropolitaine amène parfois à des condamnations de celle-ci. Ainsi, en juillet 2020, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France pour traitements dégradants envers des migrants. En effet, trois migrants, un Afghan (27ans), un Russe (33ans) et un Iranien (46 ans), demandeurs d’asile vivant dans la rue ont saisi la CEDH en raison de leurs conditions d’existence inhumaine. La CEDH a condamné la France en considérant leur situation comme un manque de respect pour leur dignité.
Des situations similaires sur tout le territoire français continuent à écorcher l’image de la France aux yeux du monde.