La nouvelle pénurie de riz qui a touché Anjouan pendant le mois de ramadan a pris fin le 27 avril avec l’arrivée d’une cargaison dans l’île.
Par Naenmati Ibrahim
C’est durant la nuit de jeudi 27 avril que le soulagement a embrassé l’île d’Anjouan. La cargaison de riz ayant été dépotée, la population en finissait avec la nouvelle pénurie de ce produit de consommation courante, dont l’absence, sinon la rareté, voire la pénurie, avaient encore plongé les ménages dans les méandres de la crise alimentaire… Encore une fois.
Une pénurie de plus, même en plein mois de ramadan
Une fois encore, l’île d’Anjouan s’était retrouvée face à une pénurie de riz. Cette pénurie avait frappé en plein mois de ramadan ; ce qui a rendu impossible l’utilisation du riz pour l’octroi de la Zakat El-Fitr, l’aumône obligatoire du jour de l’Aïd El-Fitr, marquant la fin du ramadan. Les plus aisés ont ainsi offert de l’argent à la place du riz.
Rappelons que le riz est l’aliment de base chez la majorité des Comoriens. Or, depuis quelques années, il est souvent difficile de s’en procurer, surtout à Anjouan. Cela impacte les ménages en ce sens qu’on apprend à avoir de nouvelles habitudes alimentaires. Le riz populaire de l’Office national d’Importation et de Commercialisation du Riz (ONICOR) est un produit de première nécessité dont l’État détient le monopole. Son coût, abordable pour la population, compte tenu de son prix, 400 francs comoriens (KMF), rend ce produit indispensable, face au riz de luxe comme le basmati, un produit inaccessible, au regard de son prix de vente, 1.000 KMF (2 euros) le kilo. Encore faut-il tenir compte du fait que les foyers sont composés de familles nombreuses à Anjouan. C’est donc le riz ordinaire qui convient aux ménages.
À Anjouan, le cycle de la pénurie du riz
Cette répétition des pénuries du riz inquiète beaucoup les Anjouanais. De fait, les familles s’obligent à dépenser toutes leurs économies pour faire des stocks de riz en quantité. Certaines en achètent jusqu’à une tonne à chaque arrivage pour ne pas souffrir, si une éventuelle crise venait à frapper l’île, et quand elles en ont les moyens. C’est dire combien l’année dernière a laissé un traumatisme. La population a connu plusieurs mois de disette, enlevant par la même occasion toute confiance envers les capacités de l’État à mieux gérer l’import et la commercialisation de ce produit de première nécessité. Beaucoup de Comoriens ne sont pas rassurés. En même temps que la pénurie du riz vécue sur l’île, en 2022, d’autres produits et denrées alimentaires peuvent être rares à Anjouan et sur les autres îles. Cependant, Anjouan était l’île la plus secouée par la crise. En Grande Comore, la situation était moins grave parce que sa population ne consomme pas beaucoup de riz de l’ONICOR. Quand ils en ont les moyens, les Grands-Comoriens préfèrent manger du riz de luxe comme le basmati, notamment à la capitale. Cela fait baisser la demande du riz ordinaire pendant la majeure partie de l’année. Ce n’est que pendant la période des mariages que le riz ordinaire est le plus sollicité.
Le riz populaire, incontournable à Anjouan
À Anjouan, on préfère manger du riz ordinaire parce que la plus grande partie de la population anjouanaise vit dans une situation précaire, et n’a donc pas les moyens de se payer du riz de qualité. En plus, les Anjouanais sont habitués à manger du riz ordinaire ; ce qui fait que nombre d’entre eux n’apprécient pas le goût du riz basmati. Durant la disette de l’année 2022, certains enfants refusaient de manger le riz basmati, disant que c’étaient « des vermicelles ».
L’année 2022 a marqué les esprits de tous les Comoriens, et Anjouan était au bord de la famine. Sur l’île, tous les produits alimentaires de première nécessité avaient disparu à cause de la consommation intensive de la population qui, pour pallier le manque de riz, n’avait plus à faire la fine bouche pour se nourrir. Les gens mangeaient ce qui était comestible et à portée. Ce qui comptait c’était d’avoir quelque chose à se mettre sous la dent.
Une population encore sous le choc des pénuries de 2022
On avait dû adapter les comportements alimentaires. Il y avait des mères de famille qui faisaient bouillir des graines de fruits de jaquiers pour nourrir leurs enfants. Or, la cuisson des graines de fruits du jaquier était oubliée depuis longtemps. Avant, on préparait ces graines à cause de la pauvreté qui sévissait dans l’île. Il y avait des familles qui mangeaient des biscuits, des chips et des boissons gazeuses de bas de gamme pour survivre. D’autres consommaient du lait concentré sucré toujours de bas de gamme. Les Anjouanais se ravitaillaient en denrées alimentaires à Mayotte et en Grande-Comore, où il était possible de s’approvisionner. En ce début d’année 2023, on assiste à une flambée des prix des produits.
Plus de peur que de mal
Malgré la pénurie, la crise n’a pas été trop intense, car on est en pleine saison des fruits à pain sur toute l’île. On assiste ainsi à des modifications des habitudes alimentaires. Le poisson (bonite et thon) est aussi en abondance sur les marchés de l’île. Le repas à base de poisson et de fruits à pain est très prisé par les Comoriens, même s’il est habituellement pris au milieu de la journée, alors que le riz est souvent consommé le soir.
Le pays s’achemine également vers la saison de récolte des pois d’Angole. Cela va donner du souffle à la population anjouanaise, surtout celle de la campagne, pour qui cet aliment est source de revenus supplémentaires. Mais, cela n’aura d’impact positif que pour la paysannerie étant donné que ce n’est pas toute la population anjouanaise qui cultive les pois d’Angole. Le riz est et reste le seul aliment accessible à tout le monde.
En fin de compte, il y a eu du positif dans les pénuries des produits de première nécessité, surtout du riz, comme il y a eu du négatif. Il y a eu du bien parce que depuis 2022, la population rurale a retrouvé le goût de la terre qu’il avait voulu abandonner en raison de l’urbanisation. Les gens se mettent à cultiver de plus en plus la terre pour ne plus revivre la crise alimentaire de 2022.