Par Houdheïf Mdziani
La méditerranée est dans l’histoire du monde un lieu de rencontre entre des civilisations. Elle est devenue aujourd’hui un cimetière dans lequel des Africains fuyant la misère et les conflits dans leurs pays respectifs meurent tous les jours sous l’indifférence de leurs dirigeants et des Occidentaux. Parmi ces Africains, on y trouve ces dernières années des étudiants comoriens.
La tragédie est inlassablement la même : des étudiants qui viennent au Maroc pour faire leurs études supérieures et puis dans l’espoir de rejoindre leurs rêves idéalisés par la France finissent au fond de la mer méditerranéenne. La communauté pleure, s’attriste, prie ou enterre quand la mer veut bien recracher les corps et attend dans l’infinie faiblesse qui la saisit et l’envahit que d’autres drames se fassent pour plonger à nouveau, désespérément dans le deuil.
Selon les derniers chiffres du ministère espagnol de l’Intérieur, en 2021, ce sont plus de 4000 migrants, soit deux fois plus que l’année précédente, en grande partie en provenance du Maroc qui sont morts ou ont disparu en pleine mer en tentant de rejoindre l’Espagne continentale ainsi que les archipels des Baléares et des Canaries. Ce terrible et effroyable bilan fait de l’année 2021, la plus meurtrière depuis 2015.
Une complicité à travers les bourses
Parmi les disparus, il y a de nombreux étudiants comoriens. Mais, le gouvernement comorien est dans l’insouciance et l’incapacité de communiquer le nombre exact des Comoriens qui périssent régulièrement en tentant de traverser la méditerranée. Dans cette traversée de la mort, où l’espoir d’une vie meilleure et florissante est souvent vain, l’aventure quoiqu’elle soit dangereuse, risquée et parsemée d’embûches semble irrévocable à cause de la perspective du chômage, des salaires misérables, de la précarité de la vie et le désespoir qui rongent notre pays. Toute flamme qui pourrait raviver les rêves de cette jeunesse est éteinte, et devient un motif de départ.
Il est triste de constater que l’aventure se prépare désespérément aux Comores. Et cette complicité inouïe de ceux qui leur octroient fallacieusement des bourses, à ceux qui leur facilitent les inscriptions dans les écoles privées au Maroc dans l’intérêt de toucher des sommes faramineuses est déplorable. C’est à cause de cette corruption silencieuse que cette tragédie naît, croît, grandit.
Certains n’hésitant pas à brûler les frontières africaines sans visa, vont jusqu’à parcourir, pour la plupart à pied, le désert ensoleillé du Sahara avec une étape plus décisive que celle de traverser les vagues de la mer méditerranéenne : rejoindre le Maroc. D’autres choisissent d’emprunter un autre chemin plus risqué en falsifiant leurs identités et en adoptant d’autres nationalités, donc en jouissant des nouveaux passeports. Une fois arrivés au Maroc, bien qu’une lueur de joie se dessine dans leurs yeux illuminés de rêves et d’espoirs, ils se rendent compte que la vie dans ce pays est bien loin de leurs espérances, plus difficile et rude.
La fin des illusions
Ils découvrent les innombrables traques effectuées par la police marocaine, les courses dans la fraîcheur hivernale et la famine au milieu de la nuit en pleine forêt, parfois pieds nus. Les agressions, les vols, les tortures et les règlements de comptes sans scrupule des passeurs. Ce sont des nuits à tenter, à espérer et à courir. Et puis, vient le moment, après avoir versé une somme allant jusqu’à 3000 euros aux passeurs, ils obtiennent des places à bord des zodiacs ou des simples modestes bateaux de pêche. Les corps entremêlés s’entassent, la promiscuité, la peur, l’obscurité, l’ondulation des vagues qui s’écrasent, l’eau qui s’invite à bord, les visages attristés des inconnus et la mort qui les frôle. Tels sont les souvenirs d’une traversée clandestine.
Et ceci, malgré ces risques imminents et la sensibilité diplomatique entre les Comores et le Maroc qui risquaient de se fragiliser, dès lors qu’un incident se faisait, ce sont les représentants de l’Association des Comoriens Étudiant au Maroc (ACEM) qui intervenaient pour tenter de régler la situation.
Aujourd’hui, avec l’ouverture de l’ambassade et du consulat comorien au Maroc, on attend que le gouvernement comorien puisse s’impliquer et qu’il prenne des décisions drastiques permettant de limiter ces drames et dans leur obligation de transparence, de communiquer officiellement les chiffres exacts dès que le deuil s’abattra.