Le chef de l’État, Azali Assoumani a annoncé le jour des vœux à la presse, le 18 janvier dernier, avoir signé le décret promulguant la loi « portant code de l’Information et de la Communication en Union des Comores ». Par MIB
Cette loi qui a bénéficié de l’expertise de journalistes et communicants triés sur le volet a été votée par l’Assemblée de l’Union le 8 juin 2021. Bien que tous les députés sont acquis au gouvernement et obéissent au doigt et à l’œil aux injonctions venues de Beit-Salam, le président Azali n’a pas souhaité mettre en vigueur cette loi depuis plus de sept mois.
Pourtant, au-delà des annonces qui dépendent du bon vouloir de l’exécutif, cette loi n’apporte pas de changements majeurs. Le gouvernement pourra continuer à envoyer des journalistes en prison pour un « oui » ou un « non ».
Dans son titre 1, chapitre 2 (« Principes généraux »), la loi réaffirme un certain nombre de principes théoriquement déjà garantis par la Constitution : le droit à l’information, la liberté d’expression, la liberté de la presse avec énonciation des limites de ces libertés. L’article 7 annonce même la création d’un « fonds d’appui aux médias » afin de « promouvoir la liberté d’expression et d’information et l’instauration d’un paysage médiatique diversifié et pluraliste ».
La loi redéfinit le rôle du Conseil National de la Presse et de l’Audiovisuel (CNPA) qui, le moins que l’on puisse dire n’a pas brillé dans ses missions et est à présent embourbé dans un no-man-land juridique vu que le mandat de ses conseillers est arrivé à terme depuis plusieurs années. L’institution n’a jamais vraiment su trouver sa place entre les exigences du gouvernement, et même ses abus et les appels au secours des journalistes sous pression. Cette fois, l’article 111 prévoit que le « CNPA est une autorité administrative indépendante, qui jouit de la personnalité juridique et de l’autonomie financière ». Il faut espérer que ce ne soient pas uniquement des mots, car ce quatrième pouvoir est, par cette loi, concentré entre les mains de l’exécutif. Il suffirait par exemple que l’exécutif ne renouvelle pas les conseillers ou ne donne pas les finances et toute la machine sera de nouveau bloquée.
Il est à noter que l’article 113 annonce dix membres et que le décompte des désignations indique qu’il y en a 11 dont la majorité va être désignée par le régime en place : président de l’Union, ministre de l’Intérieur, président de l’Assemblée, Gouverneurs (3). Sans parler du fait que trois membres seront désignés par les médias audiovisuels dominés par l’État et qu’un juriste nommé par la Commission nationale des Droits de l’Homme (CNDHL) contrôlée par le gouvernement. Sur les 10 ou 11 membres, un seul sera désigné par le syndicat des journalistes. Autrement dit, le CNPA, censé être indépendant, sera désigné presque entièrement, non par les pairs, mais par les hommes politiques au pouvoir. Autant dire que les dés sont pipés dès le départ.
On se demande même comment de grands journalistes qui ont participé à la rédaction de cette loi ont pu fermer les yeux sur cela. Ou encore sur le fait qu’il faut le BAC ou un diplôme de journaliste pour avoir une carte de presse et un diplôme universitaire pour être membre du CNPA, ce qui élimine d’office pas mal de journalistes expérimentés.
Quand on lit les observations du seul juriste qui a donné son avis sur ce nouveau code de l’Information, l’avocat Abdoulbastoi Moudjahidi, on ne peut qu’être conscient que le Syndicat National des Journalises aux Comores, ainsi que les journalistes invités au Palais du peuple dans les séminaires sur cette loi se sont fait avoir. Me Abdoulbastoi Moudjahidi affirme sur son mur le 19 janvier : « Ce nouveau Code de l’information et de la communication, promulgué hier par Azali, est le pire que notre pays ait connu. Non seulement il ne protège ni les journalistes, ni le journalisme, mais paradoxalement il enlève aux derniers les quelques acquis intéressants qui figuraient dans les anciens codes (celui de 1994 et celui de 2010), sans innover ni s’adapter au monde d’aujourd’hui (…) ce nouveau texte n’offre aucune protection statutaire (…) Il ne les protège pas contre la censure et l’autocensure (…) Ce nouveau texte a signé l’arrêt de mort de la procédure qui obligeait le procureur, en cas de délit de presse, de citer le journaliste à comparaître devant le tribunal correctionnel après lui avoir accordé un délai de 21 jours pour préparer sa défense. Désormais, ces garanties ont disparu(…). Et nos journalistes sont livrés à la fièvre des hommes et femmes du pouvoir. »