L’œil du cyclone Chido est passé sur l’île de Mayotte dévastant tout sur son passage et laissant des habitants sonnés, qui ne réalisent pas encore ce qui est arrivé.
Par MiB
Aussi bien les autorités, les spécialistes que les simples habitants de l’île de Mayotte, personne ne s’attendait à un cyclone d’une aussi grande violence. Les images filmées par les habitants de Mayotte ou les drones des autorités entre samedi et dimanche offrent des paysages urbains apocalyptiques, une dévastation sans précédent dans l’île.
Des vents à plus de 200km/h
Dans la nuit de samedi, les vents étaient encore à environ 130 km/h, ce qui était déjà assez puissant. Mais, au matin, ils ont commencé à s’intensifier et vers 8 heures du matin, au plus fort de la tempête, ils ont atteint rapidement plus de 200 km/h. Avec une telle puissance, le cyclone a emporté toutes les maisons en tôles des bidonvilles installées autour du chef-lieu (Mamoudzou), mais aussi des deux villes de la Petite Terre (Labattoir et Pamandzi). Ainsi, les images montrent qu’il ne reste des cabanes sur les collines de Kaweni ou de Bonobo qu’un amas de tôles et de poutres en bois. Tout a été emporté par le vent. Les débris se retrouvent également sur la route nationale entre les Hauts-Vallons jusqu’au village de Tsoundzou au sud de Mamoudzou. Il en est de même dans les quartiers informels de la Petite Terre. L’habitat informel à l’Antenne et ailleurs a été détruit.
Les maisons en briques ont subi la force impressionnante des vents, que ce soit sur le chef-lieu et ses environs ou en Petite Terre. Les toits des maisons (charpente et tôles) ont été arrachés et emportés laissant le vent et la pluie pénétrer dans les maisons. Ainsi des familles ont vu leurs affaires personnelles et les stocks faits pour tenir pendant le cyclone disparaitre en quelques minutes.
Il en est de même pour les nombreuses entreprises, petites et grandes. Là aussi les toits se sont envolés et l’eau a détruit le matériel informatique. L’hôpital de Mamoudzou, principal hôpital de l’île, a également subi les effets du cyclone et a été inondé. Dès le lendemain, il a fallu au personnel nettoyer et reprendre le travail d’autant qu’une dizaine de blessés très graves et près de 300 autres sont arrivés.
Un bilan qui risque d’être lourd
Dès la fin du cyclone, les autorités ont commencé à s’interroger sur le fait qu’on ne voyait pas les habitants des quartiers informels. La préfecture et le Rectorat leur avaient demandé de rejoindre les abris comme les gymnases et les établissements scolaires. Malheureusement, un grand nombre d’entre eux ne s’est pas rendu dans ces abris par peur d’être par la suite embarqué par la police. Ils ont donc préféré affronter la tempête dans ces petites cabanes précaires, ou même, comme ce couple vu dans une vidéo dans les réseaux sociaux, attendre à l’extérieur de peur d’être emportés avec la maison quand le vent est devenu trop fort.
Comme l’indiquait depuis dimanche le préfet de Mayotte, visiblement très marqué par l’épreuve qu’il a lui-même vécue, un bon nombre d’habitants de Mayotte doit se trouver sous les tôles. Il faut espérer qu’ils soient vivants. Mais, le préfet prévoit des centaines, voire un millier de morts. Il avoue son incapacité à tenir un registre du nombre exact, laissant entendre que l’islam ordonnant l’enterrement immédiat des corps, il se pourrait que des gens inhument les corps de leurs proches dans les cimetières municipaux sans obtenir d’autorisations des mairies, ce qui est peu probable. Et même si c’était le cas, cela n’empêcherait pas de tenir un comptage des personnes enterrées ces derniers jours dans les cimetières.
Sans eau, sans électricité et sans réseau
La bonne nouvelle est venue du sud, où il est vrai que les bidonvilles sont moins nombreux. Les dégâts matériels sont bien présents, mais les maisons semblent avoir moins souffert et pour le moment, on ne compte pas de morts dans les grandes villes du sud. Les habitants sont à l’œuvre pour dégager les axes et nettoyer les rues.
Cette résilience, de nombreux témoins ont pu la constater en Petite Terre où dès le départ du cyclone les gens ont commencé à reconstruire leurs cabanes. Que faire d’autre pour des gens qui ne comptent que sur Dieu ?
Dans toutes les villes, les conséquences immédiates sont les mêmes : l’absence d’eau, d’électricité et de réseau de communication. Le téléphone semble ne fonctionner que dans Mamoudzou et en Petite Terre quand les gens trouvent de l’électricité pour les charger. Cette absence de moyens de communication empêche les habitants d’avoir de nouvelles d’une région à une autre, et notamment de la Petite Terre à la Grande-Terre, encore moins entre les trois îles indépendantes et Mayotte, ou entre la France et Mayotte. L’attente est donc longue depuis samedi soir et l’impossibilité d’avoir les proches au téléphone et de ne pas savoir ce qu’ils sont devenus a créé un sentiment d’angoisse à l’intérieur comme à l’extérieur de l’île.
En plus du manque d’eau (l’eau était déjà rationnée avant le cyclone), la faim et la famine risquent de s’installer rapidement, car il n’y a plus rien à manger. Dans beaucoup de cas, les stocks qui avaient été faits ont été emportés par le cyclone ou sont en train de pourrir puisque les réfrigérateurs ne sont pas alimentés en électricité. C’est dire que la population attend avec impatience les ravitaillements de la Réunion et de la France.
Si le seul aéroport de l’île, celui de Pamandzi n’est pas fonctionnel, la tour de contrôle étant en partie détruite, il peut accueillir des avions militaires. Le port de Longoni quant à lui n’a pas subi de destructions importantes et pourrait recevoir des bateaux avec de la nourriture et des matériaux.
Destruction de la faune et de la flore
En temps normal, la population fait venir de l’extérieur une bonne partie de sa nourriture. Aujourd’hui, les arbres et les champs ont aussi été dévastés. La situation de dépendance vis-à-vis de l’extérieur est encore plus grande.
Et il n’y a pas que les cultures qui ont été détruites, de nombreux arbres jonchent les routes. Autour du lac Dziani, en Petite Terre, il est aussi possible de se rendre compte de l’ampleur de la destruction de la faune et de la flore dans une île dont l’équilibre écologique était déjà mis en danger par les pratiques intensives de l’homme.
Dans les trois autres îles de l’archipel, comme on pouvait le voir sur les différentes trajectoires dessinées par les spécialistes des cyclones, la tempête n’a pas été forte et n’a pas fait de gros dégâts en général. La plupart des habitants interrogés ont évoqué une forte pluie seulement. Pourtant, même après que l’œil du cyclone a quitté l’île de Mayotte, le gouvernement et la Direction générale de la Sécurité civile (DGSC) ont continué à faire croire qu’un grand danger était encore imminent. Ce discours exagérément alarmiste a été relayé par certains journalistes de la place. Le chef de l’État Azali Assoumani s’est même rendu dimanche dans les bureaux de la DGSC pour féliciter la direction pour le travail accompli. Pendant ce temps, il n’y a eu aucun mot pour les Comoriens de Mayotte. Il a fallu attendre le lundi, alors que nous bouclions le journal, pour qu’enfin, le chef de l’État prenne conscience de l’ampleur de ce qui s’est passé à Mayotte et stoppe le cinéma qui se jouait à Moroni, en présentant ses condoléances pour les morts et en décrétant un deuil national d’une semaine. Dans le communiqué de Beit-Salam, le chef de l’État appelle les citoyens à agir et être solidaires envers les habitants de Mayotte, mais il n’annonce aucune action concrète de la part de l’État.