En plein préparation pour la soutenance de son diplôme d’Ingénieur en Génie civil, Maanfou Nassuf se forme en couture sur mesure de vêtements événementiels
Par Nezif-Hadji Ibrahim
Originaire de Barakani, sur l’île d’Anjouan, Maanfou Nassuf est une autodidacte. Arrivée à Madagascar en 2017 pour suivre des études en Génie civil, après avoir obtenu un baccalauréat technique, elle se lance à partir de 2021 dans la couture sur mesure de vêtements allant des tenues traditionnelles comoriennes de femmes, des robes pour les évènements aux vêtements d’hommes qu’on appelle couramment aux Comores « mode africaine ». Actuellement présidente de l’association des étudiants de Barakani à Madagascar, Maanfou Nassuf traduit son choix comme étant sa façon « de sortir des sentiers battus » en se dotant de compétences nécessaires pour être autonome dans un pays où le chômage des jeunes est de plus en plus croissant.
La couture, « un loisir » et « une passion »
Ayant acquis les bases de la couture aux Comores, la jeune couturière s’est lancée depuis quelques mois sur le marché du vêtement sur mesure dont les clients potentiels sont les étudiantes et étudiants comoriens à Madagascar. « Je ne fais pas la couture pour l’instant pour de l’argent », soutient-elle. En effet, ses prix sont adaptés au contexte estudiantin de la majorité des personnes qui passent chez elle pour demander la confection d’une robe répondant à leur attente. « Je suis consciente que mes premiers clients, généralement des femmes, font partie d’abord de mon entourage. Je les aide à s’habiller pour les évènements culturels comoriens dans un pays où on ne trouve pas nos habits traditionnels ».
Elle assure qu’elle n’est qu’en phase d’apprentissage et de renforcement des capacités. Ce n’est pas l’avis de l’une de ses fidèles clientes qui estime que « Maanfou est une surdouée de la couture. Il suffit de lui présenter un modèle et elle arrive à le reproduire ». Elle fait l’unanimité sur son talent en tant que couturière.
Le génie civil reste au premier plan dans mes ambitions
Alors que suivre une formation pour améliorer les techniques assez pointues de la couture était une évidence, tous ces efforts ne remplacent toujours pas chez Maanfou Nassuf le projet de vivre principalement d’activités relatives à sa formation de Génie civil. Pour elle c’est davantage un métier stable que la couture. La démographie grandissante, l’urbanisation des villes et le fait que les mariages s’accompagnent souvent de la construction de nouvelles maisons… tout tend à montrer que la filière du bâtiment a de l’avenir. D’autant plus qu’il s’agit d’un domaine qui s’est fortement enraciné. Ce ne sont plus les maçons traditionnels de la vieille école qui s’occupent aussi du montage des demeures. De nos jours les ingénieurs sont de plus en plus demandés pour répondre à de nouveaux critères de beauté et de solidité.
La couture comme un second métier
« La couture reste pour moi un métier de réserve », insiste Maanfou Nassuf. L’idée, selon elle, est de toujours se rabattre sur une seconde occupation lui permettant de vivre dignement. Elle rappelle, à juste titre, que « même avec mon diplôme d’Ingénieur en Génie Civil, je travaillerais probablement à mon compte ».
La couturière s’est imprégnée de la réalité du pays où le clientélisme est devenu la norme qui gouverne les rapports entre les citoyens et l’appareil étatique. Elle sait qu’il faut avoir les bonnes relations pour mieux s’en sortir dans ce pays.
Tout montre donc qu’il faut motiver les initiatives dans le secteur privé. Et Maanfou Nassuf a pris en compte ce fait. Elle se prépare à pouvoir s’adapter à l’environnement politico-social et économique du pays.
Le souci de l’importation des tissus
Maanfou Nassuf sait que le problème pour mener une activité pareille c’est de disposer des produits nécessaires. Aux Comores, l’importation du textile est prépondérante pour ne pas dire exclusive. Et au regard du régime fiscal qui sévit à la douane, faire de la couture « le seul moyen de gagner sa vie serait dangereux ».
La jeune présidente de l’association des étudiants de Barakani reconnaît « qu’il est plus facile de faire la couture à Madagascar, ici on trouve ce dont on a besoin pour faire le modèle d’habit qu’on veut ». Et c’est vrai. Les autorités, alors qu’elles soutiennent que les jeunes doivent s’affranchir de leur vision erronée du travail en espérant tous entrer dans la fonction publique qui signifie pour eux « stabilité professionnelle. », ne font pas l’effort de rediriger leurs ambitions. Beaucoup exercent des métiers dans lesquels ils n’arrivent pas à investir, faute de moyens notamment.
Le problème est que la couture se trouve en concurrence directe avec le prêt-à-porter, souvent moins cher. Et la conjoncture économique n’arrange pas les choses.