L’avocat Me Gérard Youssouf qui représente le candidat Mouigni Baraka au sein de la CENI revient du 8e Forum continental annuel des Organismes électoraux qui s’est tenu à Cotonou du 1er au 2 novembre 2023. Masiwa en a profité pour l’interroger sur le processus électoral en cours aux Comores.
Propos recueillis par Hachim Mohamed
Masiwa – Vous revenez du 8e Forum continental annuel des Organismes électoraux qui s’est tenu à Cotonou sur initiative de l’Union Africaine, en quoi de telles rencontres peuvent apporter une plus-value à notre démocratie ?
Gérard Youssouf – À travers les deux derniers forums africains auxquels j’ai pris part, j’ai pu réconforter mes convictions et renforcer davantage ma position sur la ligne de défense de la démocratie dans notre pays. Je reste convaincu que nous avons plus à gagner dans cette logique qu’à perdre. Les recommandations sont d’une importance capitale pour le pays. Avec le concours de mes pairs, nous ferons de notre mieux pour instaurer et renforcer la démocratie dans le pays à travers l’organisation et le déroulement d’un processus électoral transparent, équitable et démocratique.
Masiwa – Justement, l’opposition comorienne, à qui le régime actuel a déjà fait le coup en 2019, craint une parodie électorale en 2024 avec une CENI confortant le pouvoir en place en dépit d’un vote défavorable…
Gérard Youssouf – Je ne partage pas cet avis pour plusieurs raisons. D’abord, je reste convaincu que la situation électorale de 2019 ne peut pas être celle de 2023. Parce que les Comoriens sont plus déterminés qu’ils ne l’ont jamais été en termes de mobilisation, de participation et d’implication dans la sécurisation du processus électoral.
En outre, le contexte actuel est promoteur d’engagement et de détermination. Je refuse de croire et de penser qu’à l’heure où le pays préside l’Union africaine des idées de fraudes puissent surgir dans les esprits de personnes raisonnables. En outre, il est clairement établi que les « 104% » ne sont plus de saison.
La composition et l’emblème de la CENI précédente ne sont pas ceux de la CENI actuelle. A cela s’ajoute, l’engagement solennel du gouvernement américain qui vise à assurer le respect des normes internationales relatives au processus électoral et au renforcement de la démocratie dans notre pays. Il est disposé à veiller au bon déroulement du processus électoral dans la transparence et la démocratie conformément au mandat des Nations Unies.
J’ose espérer que d’autres puissances comme la Russie et la Chine s’impliquent davantage afin de donner des gages crédibles à ce double scrutin. En outre, la CENI est composée d’hommes et des femmes qui croient en leurs serments. Mais, il existe aussi de vaillantes personnalités de gauche prêtes à défendre la voix des sans voix dans leur respect de leurs mandats respectifs. Enfin, la composition de la CENI présente des gages de sécurité minima et d’espoir envers le peuple comorien, et ce malgré la faible représentation de l’opposition dans la composition de la CENI et son absence totale dans la formation du bureau. Mais, l’engagement et la détermination de toutes les commissaires à œuvrer pour un double scrutin libre et transparent constituent le seul gage d’espoir pour la démocratie comorienne, pour la paix et la sécurité de notre pays. Cet acte est quand même salutaire et le peuple comorien doit prendre acte et exiger le respect de cette volonté commune.
Masiwa – Avez-vous abordé ces risques au Forum ?
Gérard Youssouf – En marge du sommet, il était question d’analyse des mécanismes de gestion des élections et le rôle des départements « communication » en période électorale. Il est ressorti des rapports que plusieurs CENI sont confrontés à de sérieux problèmes de communication durant les processus électoraux à cause des cadres juridiques et des moyens financiers qui varient d’un pays à un autre. Les Comores ont eu une mention particulière grâce au mode de fonctionnement de la CENI qui est indépendante, dispose de son propre budget et d’un cadre légal favorable au bon fonctionnement du département de communication. À notre niveau, toutes les dispositions sont prises pour assurer une bonne communication électorale. L’ensemble des mesures seront adoptées en conformité avec notre code électoral. Notre code électoral a fixé les conditions et modalités de participations des observateurs nationaux et internationaux au processus électoral. Cela veut dire qu’il y aura des observateurs.
Masiwa – Quelle est la stratégie envisagée pour éviter qu’un chef d’État sortant ne soit favorisé ?
Gérard Youssouf – Il n’existe à la CENI aucune forme de favoritisme à l’égard d’un candidat quelconque. Tous les candidats, sauf erreur de ma part, sont placés et considérés au même niveau. Il n’y a pas lieu de faire des présomptions. Notre stratégie est d’assurer le strict respect du droit positif comorien pour garantir la transparence du processus électoral. Il faut reconnaitre que la transparence est de taille, car les résultats des votes sont publics et doivent être affichés dans chaque bureau après le décompte de voix. Nous veillerons scrupuleusement au respect de ce principe.
Masiwa – Au pouvoir depuis huit ans, Azali Assoumani brigue un troisième mandat. Pouvez-vous nous assurer qu’il n’y aura pas de tripatouillages pendant ces votes ?
Gérard Youssouf – Je peux vous assurer que nous ferons tout notre possible et mettrons tout en œuvre afin que le pays puisse connaitre des élections historiques en assurant la sincérité et la transparence de ces élections. Nul ne sera déclaré vainqueur s’il n’obtient la majorité des suffrages exprimés. Chacun de nous est conscient des enjeux de ces élections. J’estime que l’unité, la sécurité et la paix de notre pays sont d’ordres prioritaires que les petits avantages personnels. Je reste convaincu que l’histoire jugera tous les membres de la CENI et ses démembrements. Il est temps que la population se mobilise massivement pour accomplir dignement et légalement son devoir civique. Seule une mobilisation de masse saura faire la différence. Soyez donc assurés que vos voix comptent et seront respectées.
Masiwa – Le décret du 14 mai qui dresse la liste des membres de la CENI a provoqué l’indignation de l’opposition qui se plaint que tous les membres sont du camp du président sortant…
Gérard Youssouf – Il y a erreur. Certes la CENI est majoritairement composée des membres issus de la mouvance présidentielle. Mais, l’opposition y est représentée par deux personnes sur 13. La vérité est que les reproches doivent être adressés aux politiciens comoriens qui ont sciemment décliné et boycotté leur participation à la formation de la CENI. Aujourd’hui, certains parmi eux veulent être candidats et d’autres soutiennent des candidats tout en indexant la CENI au passage. Je trouve cela irresponsable et irrationnel de leurs parts. Je peux vous assurer que le fait d’être minoritaire au sein de la CENI et absent du bureau de l’institution ne change rien par rapport aux convictions. Nous avons tous prêté serment. Certes, nous avons reçu un mandat des politiques, mais dans la pratique, nous représentons et défendons les droits et libertés du peuple comorien en entier. Sur ces obligations, je vous garantis que je ferai de mon mieux pour sauvegarder la paix et la cohésion sociale de notre pays. Cette année, les fraudes et tricheries n’ont pas de place.