Ce 17 février, Azali Assoumani effectuait sa passation de pouvoir à Addis-Abeba au siège de l’Union africaine. Les Comoriens avaient prévu de célébrer les Accords de Fomboni à la place de l’indépendance, à Mohéli. L’opposition et les notables avaient opté pour Foumbouni, d’où est originaire Dr Salim Issa. Le gouvernement ne l’entendait pas ainsi et a envoyé les militaires dans les deux lieux pour disperser les rencontres, comme il en a l’habitude.
Par Mib
Qui n’a pas vu les rencontres dans les hôtels et les twarabs sur les places publiques organisées par la CRC pour célébrer la victoire frauduleuse d’Azali Assoumani depuis deux semaines. Dans la dictature ce qui est permis au parti au pouvoir n’est pas forcément accepté pour les autres partis. Le gouvernement d’Azali Assoumani l’a encore montré ce week-end, en empêchant les opposants de pouvoir se réunir tranquillement à Mwali et à la Grande-Comore.
La célébration des Accords du 17 février
A Mwali, les oppositions avaient prévu de se rencontrer comme chaque année (quand la manifestation n’est pas interdite), place de l’Indépendance à Fomboni pour célébrer les Accords de Fomboni qui ont permis en 2001 aux Comoriens des trois îles d’entamer un processus de réconciliation qui devait mettre fin au séparatisme.
Mais, samedi en arrivant sur la place de l’indépendance, les opposants ont été accueillis par des éléments de l’armée qui les ont dispersés. La rencontre avait été interdite la veille par une décision du préfet de Fomboni, Kamardine Mohamed, dans un français approximatif qui pouvait laisser croire qu’il s’agissait d’une plaisanterie : « Article 1er : Tout événement historique mémorable non stipulé dans le calendrier de célébration annuelle n’a aucune valeur de se tenir dans la préfecture du centre. Article 2 : La célébration du M17 prétendue se tenir à Fomboni dans la journée du 17 Février 2024 est recalée pour de motif non justifié à la reconnaissance officielle du mouvement par les institutions réglementaires de l’État. » (sic)
Finalement, l’opposition, c’est-à-dire quasiment tout ce que l’île compte d’hommes politiques de poids, sauf Mohamed Fazul et Hamada Madi Boléro restés des proches d’Azali Assoumani, a dû se replier dans un foyer de Mdjoiezi. Une délégation venue de la Grande-Comore et conduite par Abodo Soefo, un des acteurs des Accords de Fomboni s’est rendu sur place en kwasa-kwasa.
Cette rencontre a vu la sortie et la première prise de parole de l’ancien président Ikililou Dhoinine. Le président Ikililou Dhoinine connu pour sa discrétion a rappelé à l’armée nationale, au cours de son discours, que la Constitution comorienne garantit à tout citoyen la liberté d’expression. Il a ensuite affirmé que le gouvernement seul ne peut pas diriger le pays et qu’il a besoin d’une opposition, même si les partisans de la mouvance présidentielle invitent tous ceux qui ne sont pas contents à partir en Tanzanie. « Ce pays est à nous tous », a-t-il dit avec un ton tranquille. Il a enfin appelé tous les Comoriens à s’unir pour défendre les acquis du 17 février, et notamment la tournante mise en danger par les velléités du pouvoir actuel.
Affrontements à Foumbouni
Toute l’opposition était aussi représentée à Foumbouni (Grande-Comore), ceux qui avaient refusé d’aller aux élections comme ceux qui avaient choisi d’y aller. Les notables étaient nombreux, avec le souhait de se rencontrer après l’humiliation que l’armée lui a fait subir la semaine précédente au foyer Alwadil’Komor en les chassant de la salle de Magoudjou (Moroni).
La rencontre était prévue dans un foyer de Foumbouni et préparée par le candidat Juwa aux présidentielles, Dr Salim Issa. Ce dernier affirme même qu’il avait prévenu les forces de l’ordre pour qu’ils viennent sécuriser la rencontre.
Pourtant, la veille, comme à Mwali, le préfet de Foumbouni, Mze Saïd Mhoumadi avait interdit la rencontre au nom du gouvernement en affirmant que « Suite aux événements douloureux qui s’étaient passés le 14/01/2024, il est porté à la connaissance du public, qu’il est absolument interdit d’organiser telles manifestations ou réunions politiques dans l’étendue du territoire » (sic)
Arrivés sur place, notables et hommes politiques ont trouvé le foyer gardé par des militaires qui les ont repoussés, alors que Dr Salim Issa était enfermé à l’intérieur. Lorsqu’il a été libéré, ils se sont repliés sur la terrasse d’un notable, et l’armée continuait à les harceler. L’un des notables faisait alors un constat simple : « Nous ne voulions pas faire une manifestation, le gouvernement nous a poussés à manifester ».
Quant à Mouigni Baraka, candidat aux présidentielles, il a prévenu : « Dans ce pays, nous étions parvenus à la démocratie, et nous nous étions entendus que celui qui perd les élections doit quitter le pouvoir, mais voilà qu’Azali nous fait revenir en arrière en voulant mettre en place une monarchie héréditaire ».
C’est en voulant tous se déplacer vers le domicile privé de l’ancien Vice-Président Idi Nadhoim que les notables et les hommes politiques ont été bousculés et frappés à coups de gourdins par les militaires dépêchés sur place. Pourtant, ils ont pu atteindre la maison du Vice-Président et la réunion a pu se tenir.
Le jour de la réunion à Foumbouni n’a pas été choisi au hasard. Azali Assoumani était à Addis-Abeba pour la passation de pouvoir après la fin de son mandat. Un des notables qui a pris la parole à Foumbouni a d’ailleurs affirmé que si Azali laisse ses charges au sein de l’UA, il pouvait aussi faire de même aux Comores. Dans la capitale éthiopienne, l’opposition a envoyé un autre candidat aux présidentielles, Mohamed Daoud Kiki qui y a retrouvé Me Saïd Larifou. Les deux hommes ont fait une conférence de presse pour faire connaître la situation postélectorale inquiétante aux Comores, après la découverte des nombreuses fraudes du camp Azali pour le faire gagner dès le premier tour.