Le temps de l’illusion est passé. Les promesses non tenues (« un jeune/un emploi »), les slogans sans lendemain et les discours creux d’un pouvoir à bout de souffle ont fini par miner la confiance du peuple. Aux yeux du citoyen lambda malheureusement la confusion est totale; les partisans du pouvoir comme de l’opposition, tout le monde se retrouve dans le même panier. Vous avez tous échoué. Or, il y a ceux qui gouvernent le pays et ceux qui s’opposent. Aujourd’hui, la majorité des Comoriens se sentent abandonnés, trahis et exclus de leur propre destin national.
Par AHMED Mohamed alias Ben. Le Coordinateur Général du ROC
Des promesses sans lendemain

Ce sentiment de désespoir ne date pas d’aujourd’hui. Depuis des années, le pays s’enlise dans un immobilisme inquiétant, dominé par un régime dont la priorité semble être la conservation du pouvoir au détriment de la gouvernance et du développement. À force de mensonges d’État, de favoritisme et de promesses jamais réalisées, le lien de confiance entre le peuple et ses dirigeants s’est brisé.
Le pays vit depuis trop longtemps dans la répétition du même scénario politique. Le peuple aspire à une rupture du système. À chaque alternance annoncée, les espoirs renaissent, puis s’effondrent sous le poids des pratiques anciennes : corruption, clientélisme, instrumentalisation de la justice et exclusion des voix critiques. Le pouvoir recycle ses erreurs, ses hommes et ses méthodes. L’État se replie sur lui-même tandis que la population, elle, s’enfonce dans la précarité.
Les infrastructures sociales sont à l’abandon, les services publics se délitent, et la jeunesse, faute d’avenir, prend le chemin de non-retour. Le chômage massif des jeunes diplômés, l’inflation galopante alourdissant le quotidien du citoyen et l’absence de perspectives économiques ont transformé la vie quotidienne en lutte pour la survie. Pendant ce temps, le discours officiel continue de promettre des « lendemains meilleurs », sans jamais s’attaquer aux causes structurelles du malaise. Cette spirale d’échecs n’est pas une fatalité. Elle est le produit d’un système verrouillé, d’un pouvoir concentré entre quelques mains et d’une gouvernance sans vision.
Le fossé entre Beit-Salam et le peuple
Ce qui frappe aujourd’hui, c’est le fossé abyssal entre le pouvoir et le peuple. Dans le palais de Beit-Salam et les bureaux ministériels, on célèbre des inaugurations symboliques et des accords sans impact réel sur la vie quotidienne. Mais dans les villages, dans les marchés, dans les foyers, la réalité est tout autre : les prix augmentent, les maigres salaires stagnent, l’électricité se fait rare et l’eau potable se fait attendre.
Les citoyens ne croient plus aux discours officiels. Ils voient bien que le pays tourne en rond, que les décisions sont prises sans consultation, que la parole publique n’engage plus personne. L’État est devenu une forteresse où se concentrent les privilèges, tandis que la population est tenue à distance, réduite au silence ou à la résignation. La peur, l’intimidation et le contrôle social remplacent le dialogue et la concertation. Or, aucune nation ne peut se développer durablement sur la base de la peur.
Le Rassemblement de l’Opposition Comorienne (ROC) observe avec une profonde inquiétude la dérive actuelle. Les institutions sont affaiblies, les contre-pouvoirs neutralisés. La vie politique se résume à un monologue. Le régime ne tolère ni la critique ni l’alternative. Cette fermeture progressive conduit le pays droit au mur. On ne peut pas continuer sur cette voie. Les signaux sont clairs : désenchantement de la jeunesse, montée du désespoir, délitement de la cohésion sociale.
L’histoire récente de l’Afrique regorge d’exemples de régimes persuadés de leur toute-puissance, qui ont fini par s’effondrer face à la colère populaire. Aucun pouvoir, aussi autoritaire soit-il, ne peut éternellement étouffer la volonté d’un peuple.
La nécessaire union de l’opposition
Face à cette situation, le Rassemblement de l’Opposition Comorienne refuse la résignation. Notre rôle n’est pas seulement de dénoncer, mais de proposer, d’alerter, et de préparer l’avenir. L’opposition n’est pas l’ennemie de la nation, elle en est la conscience même. Elle appelle ainsi de tous ses vœux à une renaissance politique et citoyenne, fondée sur la vérité, la responsabilité, la solidarité et le courage.
Le Rassemblement de l’opposition comorienne tend la main à toutes les forces patriotiques, politiques, religieuses, sociales ou économiques, prêtes à œuvrer pour un changement pacifique et ordonné. Notre combat n’est pas celui d’un clan contre un autre, mais celui d’un peuple qui veut retrouver sa dignité et son avenir.
La diaspora comorienne a toujours joué un rôle vital dans la vie du pays. Par ses transferts financiers, par son engagement civique et par sa voix libre, elle demeure un pilier du lien national. Aujourd’hui, plus que jamais, elle doit se mobiliser pour contribuer à la renaissance démocratique des Comores.
Aux partenaires africains et internationaux, nous disons ceci : soutenir la stabilité ne signifie pas soutenir l’immobilisme. Les Comores ont besoin d’une stabilité fondée sur la légitimité démocratique, pas sur la peur ou la manipulation. L’Afrique change, les peuples s’éveillent et les régimes qui refusent la réforme sont tôt ou tard rattrapés par l’histoire. J’ose croire que notre pays sera partie prenante de ce mouvement continental d’alternance politique.
Reconstruire le pays
Le peuple comorien n’a jamais manqué de courage ni d’intelligence. Il a simplement été trahi trop souvent par ceux qui prétendaient le servir. Le moment est venu de tourner la page des illusions et de reconstruire un pays sur des bases saines : la vérité, la responsabilité et la solidarité.
Le Rassemblement de l’opposition comorienne ne prétend pas détenir toutes les solutions, mais elle affirme une conviction : aucune réforme, aucun progrès n’est possible sans un changement de gouvernance. Le temps du déni doit cesser. Le pays a besoin d’un nouveau souffle, d’une vision et d’un leadership qui place le citoyen au centre.
À l’instar de nos voisins, les Malgaches, notre avenir se joue maintenant. Soit le régime s’entête dans sa fuite en avant et précipite le pays dans le chaos, soit une nouvelle génération de dirigeants, soutenue par la société civile et la diaspora, prend la responsabilité de réinventer le destin national.
Notre pays a trop souffert des divisions de ses enfants et des promesses sans lendemain. Le temps n’est-il pas venu de rendre au peuple sa voix, son droit et son avenir ?















