Fort de plus de trente années de pratique intense du Taekwondo, un art martial qui se caractérise par une grande utilisation des jambes, Mahamoud Bakary dit Moissy, souhaite aujourd’hui voir son « œuvre » se perpétuer dans l’archipel. Originaire de Ongojou dans le Nyumakele, Me Moissy est né en 1962 à Marovoay, district de la région Boina, à l’Est de Madagascar. À la fois prof de français, Maitre de Taekwondo et homme de théâtre, il a un parcours bien rempli. Actuellement, il a choisi de vivre sa presque retraite dans sa région de Nyumakele où il travaille en qualité d’animateur pédagogique à l’école secondaire et assure parallèlement des animations de sketches au bénéfice des enfants de l’école primaire. Par Faïssoili Abdou
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« J’ai accompli ma mission. Il reste maintenant aux jeunes de continuer le combat ». Non, du haut de ses 57 ans et son grade de ceinture noire 6e dan, Maitre Moissy comme il est communément appelé par ses nombreux élèves n’a pas encore décidé de ranger son dobok, uniforme blanc des Taekwondiste, dans le tiroir. Il n’a pas encore pris sa retraite. Il continue à former les jeunes dans son dojo de Ongojou, mais préfère voir ses élèves perpétuer l’œuvre qu’il a entamé voilà plus de 30 ans.
L’homme qui a implanté le Taekwondo dans l’archipel des Comores, au début des années 1990, est aujourd’hui très fier de ce qu’il a pu faire pour la promotion de cet art martial venu tout droit de la Corée pour venir s’échouer sur les côtes comoriennes. « Je peux dire que je suis satisfait de ce que j’ai réalisé concernant cet art martial », déclare fièrement celui qui est considéré comme le « pionnier » du Taekwondo dans nos îles. « Actuellement le taekwondo occupe une grande place dans notre pays. Notre fédération est reconnue par le « KUKKIWON », centre mondial de Taekwondo (en Corée) et chaque année nous recevons des Experts Coréens et même français tel que Maitre Edouard Branco, 6e dan et arbitre international », poursuit-il, visiblement comblé de voir « son » art s’enraciner dans les îles Comores. « Aujourd’hui nous avons 26 clubs de Taekwondo à travers l’archipel et tous considèrent Maitre Moissy comme notre grand Maître », témoigne Antoisse Ezidine, cadre de Comores Telecom qui est de la première génération formée à Moroni par Maitre Moissy.
Un maitre charismatique et expérimenté.
C’est en 1991 que Mahamoud Bakari dit Maitre Moissy a ouvert le premier Dojang ou Dojo (salle d’entrainement de Taekwondo) au foyer Grimaldi à Moroni. Il venait alors de débarquer dans l’archipel des Comores après ses études en Guinée Conakry où il obtint un diplôme d’études supérieures (DES) en langue française, mais aussi son grade de ceinture noire 1e dan. Dès son arrivée au pays, il entreprit très rapidement de faire découvrir à la jeunesse cet art martial coréen qui met en avant des valeurs comme la courtoisie, le sens de l’honneur, la maitrise de soi, le courage, le sacrifice, la combativité, etc. « Le Taekwondo est au service du peuple et il défend les valeurs de la société. Un Taekwondoka ou Taekwondiste doit aider une personne en danger ou en difficulté. Il ne doit pas être le premier provocateur d’une bagarre ni un voyou qui sème la terreur. Il doit être pacifique. Notre objectif est d’imiter la philosophie orientale appelée « le Yin et le Yang ». Je peux appeler cela l’art de l’adaptation ou de la perfection », explique Maitre Moissy.
Les débuts n’étaient faciles, mais le Taekwondo n’aura pas mis beaucoup de temps pour se frayer un chemin dans l’archipel et s’imposer aujourd’hui comme une discipline à part entière des sports de combat exercés aux Comores.
Antoisse Ezidine se rappelle du début du Taekwondo dans le pays et de l’enthousiasme qu’il a suscité alors auprès des jeunes. « Au départ, il (Maitre Moissy, ndlr) a commencé avec juste deux personnes : Ahmed SS (officier de police) et Mohamed Mze Cheikh qui est en Suisse maintenant. Très vite, nous sommes allés nous inscrire et en juste trois mois, nous étions plus d’une vingtaine et puis une soixantaine », se rappelle-t-il. C’est que le pionnier de cette nouvelle discipline sportif au pays n’a pas lésiné sur les moyens pour attirer le public au dojo du foyer Grimaldi. « Le Taekwondo était vu comme un art extrêmement combatif, ce qui plaisait aux jeunes. Les démonstrations publiques où il y avait des combats très full-contact ont contribué à attirer beaucoup de jeunes dès le départ », relève Antoisse Ezidine. Lui qui fait partie de la première génération des disciples de Mahamoud Bakari est admiratif du tempérament de ce grand Maitre du Taekwondo comorien. « Maitre Moissy a une personnalité assez « douce ». Il n’élève jamais la voix. Cependant, les têtes brulées que nous étions au départ, avons trouvé en lui une personne forte qui exerçait une forte influence sur nous. Très pédagogique, il a créé en nous un esprit de discipline qui nous a tout simplement façonnés », confie-t-il saluant au passage « un combattant hors pair ». Il ajoute dans ce même élan : « Les enseignants des autres arts martiaux le reconnaissaient pour cela. Il avait d’ailleurs initié la mise en place du CNCN (collège national des ceintures noires) présidé par feu Maitre Toinette ».
Un maitre incontesté.
Après Moroni, Me Moissy s’installera en 1994 à Mutsamudu puis dans le Nyumakélé, sa région d’origine, en 1998, continuant ainsi de développer à petits pas cet art martial utilisant le coup de poing et le coup de pied accompagnés de l’esprit, au gré des affectations liées à son métier de professeur de français au lycée. Plusieurs de ses élèves ont aujourd’hui atteint le grade de ceinture noire.
De 1986, date de son inscription au Dojo de l’Université de Guinée Conakry à nos jours, Maitre Moissy a effectué un travail sans relâche pour l’apprentissage, l’enseignement et la vulgarisation du Taekwondo, sa vraie passion. Un parcours qui impose le respect. « Je peux confirmer que je suis le patron du Taekwondo », déclare celui dont les compétences sont unanimement reconnues par ses pairs. En témoignent les certificats de mérite qu’il a engrangé au cours de sa carrière. Ainsi en 2013, la fédération mondiale du Taekwondo (WTF, en Anglais) lui attribua un certificat de mérite pour sa « contribution au développement du Taekwondo ». En 2016, la fédération comorienne du Taekwondo décide quant à elle de le nommer au grade de Ceinture noire 6e dan avec l’accord des experts coréens présents en ce moment-là aux Comores. Un « certificat de reconnaissance » lui a été également décerné pour « avoir introduit le Taekwondo et préservé l’esprit de cet art martial aux Comores ». Des titres que ce père de 7 enfants garde jalousement dans sa valise.
Ce prof de français a également cheminé dans le monde du théâtre. Dans les années 1990, il était notamment auteur et metteur en scène des « Enfants de théâtre » de Moroni et aussi des « Jeunes Colombes » qu’il a créé à cette époque. « On a joué pas mal de mes pièces à Moroni », dit-il confiant qu’il a encore des pièces de théâtre ainsi que des recueils de poèmes inédits sous le coude. Il collabora ensuite avec la troupe les « Affamés de théâtre » de Mutsamudu. Moissy est aussi à l’origine de la mise en place dans son village d’une association dénommée ASTO (association sportive et théâtrale de Ongojou). Un maitre incontesté.
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