20 questions-bilan à Amine Souef
J’ai regroupé ici 20 questions qui auraient pu être posées à Amine Souef, ex-ministre des Affaires étrangères des Comores qui vient de « démissionner » et de recevoir une décoration de la présidence pour services rendus (si la presse locale n’était pas trop, mais vraiment trop complaisante envers certains hommes politiques, comme l’assènent le chef de l’État et son chargé de communication).
1/ Quand on sait que bientôt il y aura un nouveau gouvernement, est-ce que votre démission sous les applaudissements et les fanfares de Beit-Salam ce n’est pas un peu de la comédie avant les choses sérieuses ?
2/ Vous avez prétendu quitter le gouvernement, car votre mission était finie et que le chef de l’État vous avez chargé dès 2017 de veiller à la réalisation des Assises, de la réforme constitutionnelle, de l’élection présidentielle… pourtant le chef de l’État assure au peuple que tout cela est issu des discussions pendant les Assises. Vous voulez donc nous expliquer que les Assises n’ont été qu’une illusion, mais que tout était planifié dès 2017 ?
3/ Vous dites qu’après la « validation » des élections votre mission est terminée. Vous reconnaissez donc avoir participé et aidé aux fraudes que les journalistes comoriens et journalistes étrangers ont constatées lors du référendum et lors des présidentielles ?
4/ Revenons sur votre action, avant votre entrée au gouvernement, sous les ordres de l’Arabie Saoudite (et le président Azali a été clair là-dessus), le pays avait rompu les relations diplomatiques avec l’Iran (2016, sous Ikililou), puis avec le Qatar (2017), d’aucuns avaient pensé que vous alliez rétablir une certaine indépendance de notre diplomatie, notamment en rétablissant les relations avec ces deux pays frères, pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?
5/ On a entendu le Président Azali dire que l’assassinat et le découpage du corps du journaliste Khashoggi dans le consulat d’Arabie Saoudite à Istanbul était une « cuisine interne » dont il ne fallait pas parler, en tant que diplomate vous pensez quoi des paroles de cet homme que vous avez servi ?
6/Après des mois de bras de fer avec la France, vous avez accepté de nouveau les expulsions des Comoriens de l’île de Mayotte et vous avez même accepté que la somme négociée (150 millions d’euros sur 3 ans) soit inscrite dans l’Accord mixte franco-comorien, n’est-ce pas un peu honteux ?
7/ Qu’éprouvez-vous quand vous savez que l’histoire retiendra que vous êtes le ministre des Affaires étrangères qui pendant son exercice a vu les expulsions de Comoriens venant de Mayotte battre un record en un an (plus de 27.000 personnes expulsées en 2019) ?
8/ En plus, des 150 millions d’euros, des mesures d’accompagnement devaient encadrer ces expulsions, y a-t-il un seul Comorien qui a pu en bénéficier depuis la signature des Accords mixtes Franco-Comoriens ?
9/ Monsieur le Ministre, quel intérêt vital avons-nous à Layoun (Sahara occidental) pour que vous décidiez en décembre 2019 d’aller y installer un consulat ? Combien de Comoriens y vivent ?
10/ Est-ce que les intérêts du Maroc (occupation du Sahara occidental) sont supérieurs à ceux des Comores ? Nos intérêts n’auraient-ils pas été mieux défendus si nous avions installés ne serait-ce qu’un consulat à Rabat où vivent de nombreux Comoriens ?
11/ Monsieur le Ministre, est-ce que vous vous rendez compte qu’en foulant aux pieds une résolution de l’ONU sur le Sahara occidental, vous mettez la diplomatie comorienne à mal quand elle demande l’application stricte des résolutions de l’ONU sur Mayotte ?
12/ Monsieur le Ministre, vous êtes réserviste de l’ONU, peut-on imaginer qu’après avoir foulé aux pieds les résolutions de l’ONU sur le Sahara occidental vous puissiez maintenant devenir chef de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) si votre organisation vous le demande ?
13/ Pour justifier l’installation d’un consul à Layoun où ne vit aucun Comorien, vous aviez annoncé qu’il y aurait une Ambassade comorienne (entièrement financée par le Maroc) à Rabat dès janvier 2020. Nous sommes en août 2020, et il n’y a aucune perspective dans ce sens. Est-ce que vous vous êtes fait rouler dans la farine par le Maroc ?
14/ Monsieur le Ministre, vous avez fait l’acquisition depuis plus d’un an d’un local pour mettre en place un consulat à Marseille, ou vivent de nombreux Comoriens. Vous aviez annoncé que ce consul tant attendu par nos compatriotes serait en fonction en janvier 2020. Comment expliquer l’échec ou le manque de volonté alors que vous avez mis en place un consul à Layoun où il n’y a aucun Comorien ?
15/ Monsieur le ministre, devant la presse, vous aviez annoncé que la maladie du Président Sambi était réelle et que vous cherchiez un pays pour l’évacuer, vous a-t-on empêché de le faire ?
16/ Monsieur le Ministre, devant la presse, vous aviez annoncé que vous n’étiez pas au courant que des Comoriens étaient torturés pendant les interrogations et que vous alliez vous renseigner et prendre une décision en conséquence. Est-ce que votre « enquête » a abouti à un non-lieu ?
17/ Est-ce que pour respecter votre parole, vous n’auriez pas dû démissionner quand l’ONU a publié un rapport démontrant que plusieurs prisonniers politiques ont été torturés dans les gendarmeries, dans les camps militaires et même dans une prison secrète du ministère de l’Intérieur pendant des interrogatoires ?
18/ Vous aviez annoncé à une journaliste de France24 que vous aviez les preuves de la culpabilité du président Sambi, cela fait plus d’un an. Je pense qu’elle ne les attend plus. Y a-t-il une chance pour que vous transmettiez aux juges d’instruction vos preuves ?
19/ Vous avez affirmé devant les journalistes que vous n’étiez pas au courant que la diplomatie comorienne avait signé une pétition envoyée à l’ONU pour soutenir la Chine accusée de se livrer à des tortures sur les musulmans Ouïghours, était-ce une réponse responsable quand on est chef de la diplomatie que de ne pas assumer la politique diplomatique de son pays ?
20/ Le pouvoir utilise l’armée pour réprimer toute manifestation de l’opposition et pour torturer les opposants comme l’affirme l’ONU dans un rapport, il s’est emparé du parlement en faisant élire 100% des députés, il contrôle les gouverneurs des îles qu’il a fait élire (en enfermant jusqu’à maintenant l’un d’eux sans aucune raison), il a confisqué la Justice (on a vu que même quand un juge ordonne l’évacuation du président Sambi, l’exécutif s’y oppose), les principaux opposants ont fui le pays de peur de subir la torture et la prison, comment dans ces conditions l’opposition peut espérer une alternance politique ? Votre régime n’a-t-il pas fermé les portes à tout règlement pacifique d’une question politique ?
Propos non-recueillis de Mahmoud Ibrahime, Historien