Il n’est pas facile de vivre de l’art aux Comores, mais le jeune plasticien Mohamed Badaouia entend donner tort à ce principe. Et pour le moment, il s’en sort, tant bien que mal, en jumelant divers genres artistiques. Et c’est avec le flocage de tee-shirt, la réalisation de banderole, la création de logo et la décoration extérieure et intérieure notamment de bureau administratif qu’il arrive à tenir les deux bouts. Évidemment ses ambitions ont pris de l’épaisseur et ses rêves sont devenus réalité depuis que l’artiste est au Kenya pour des études de Beaux-Arts.
Par Hachim Mohamed
Mohamed Badaouia est un jeune artiste-peintre qui gagne à être connu. Ses réussites pourraient tirer vers le haut d’autres jeunes artistes et faire briller le pays dans le monde. Il est désormais un brillant étudiant au Nairobi Art Center, un centre renommé pour l’apprentissage des beaux-arts, où les artistes kenyans réussissent en arts visuels à allier modernité et héritage culturel.
Mohamed Badaouia, surnommé Leck-le-Peintre (son nom d’artiste) est né en 1996 à Dzahani la Tsidje dans l’île de Ngazidja, dans une famille modeste, avec un petit frère. Très jeune, il devient un amoureux passionné des beaux-arts. Sa « mère » Badria Dini, la tante qui l’a élevé à Ntsaweni, fut un soutien inconditionnel pour Leck-le-Peintre. Elle a toujours cru en lui, même si dans l’entourage, il se heurtait parfois à des profanes qui ne voyaient rien de remarquable dans ses peintures.
Leck-le-Peintre peint des portraits, des paysages, des rivages marins, des bateaux en mer, l’intérieur de son studio, mais il peint également de « l’histoire », comme la Place de Trambwe ou encore de ces scènes que tout un chacun garde en tête comme l’hivernage, les arbres en fleurs, les cieux bleus et clairs que parcourent de légers nuages.
Le grand malheur de ce jeune talent comme tant d’autres de son calibre, c’est que le pays n’a jamais mis à la disposition des artistes une maison de culture assez vaste pour leur génie.
Ce qui fascine justement notre compatriote pour les beaux-arts au Kenya, c’est la richesse des cultures et des traditions qui inspirent les artistes, ainsi que la diversité des styles et des techniques que l’on peut observer dans leurs œuvres. Sans compter la manière dont les artistes cultivent le talent et l’innovation artistique en repoussant de jour en jour les limites de l’art et partagent leurs histoires uniques à travers leurs créations ou encore leur reconnaissance croissante sur la scène internationale.
Artiste autodidacte et interdisciplinaire
Mohamed Badaouia pratique un art urbain, à saveur bédéiste. C’est au collège qu’il a réalisé ses premières peintures. « En classe de 6e, durant un cours de Sciences de la Vie et de la Terre, mon prof a demandé qui voulait dessiner un criquet (« pandzi » en shikomori). Tous les regards se sont portés sur moi et une fois le résultat devant leurs yeux, tous et toutes étaient ébahis. Des élèves me rendaient visite à domicile pour apprécier l’étendue de mes talents », raconte Leck-le-Peintre.
Pour regarder comment le jeune peintre manie ses pinceaux avec habileté et apprécier comment il dessine des décors avec précision, une visite dans la maison familiale à Ntsaweni dans le Mbude, au centre de l’île de Ngazidja, s’est imposée. Comme tous les grands artistes, Mohamed Badaouia vit et travaille au milieu d’objets assortis à son univers.
Mohamed Badaouia s’est aussi pris de passion pour la littérature. Il y retrouve le silence et l’intime que lui offre la peinture. Il aime écrire, particulièrement sur les Beaux-Arts.
Quant au peintre qu’il est devenu, il infuse dans sa création ses expériences personnelles, et ses peintures ont pour but de capter le patrimoine culturel et la splendeur de ses sujets.
Dessinateur aux mille nuances et coloriste éblouissant, doué d’un imaginaire digne des grands artistes, Mohamed Badaouia s’est toutous servi de la toile pour manifester sa présence, faire découvrir son univers. L’artiste a le don pour transmettre les émotions de son sujet. Il joue sur les jeux d’ombres et de couleurs afin de nous proposer le portrait le plus vivant. Il s’amuse avec ses pinceaux qu’il manie avec habileté.
Ses sujets, parfois joyeux et enjoués, parfois débordants de tristesse, ne laissent personne indifférent.
La carrière du peintre connaît un tournant lors du Festival de Tsidjé
« J’ai découvert Mohamed Badaouia avec un niveau plutôt moyen. Mais en un laps de temps, il a fait des progrès remarquables. Il apprend vite. Avec un peu plus de soutien, son avenir dans le monde de la peinture est tout tracé », témoigne le peintre Ben Ahmed, celui que Mohamed Badaouia appelle « maître » et qu’il considère comme son mentor.
Étudiant en géographie, pour assouvir son trop ardant besoin de beauté, il a parcouru l’ile de Ngazidja admirant un environnement aux couleurs éclatantes, aux somptueux monuments avec un accent mis sur la construction considérée comme un témoin important de l’histoire des Comores et qui bénéficie d’une protection particulière.
Par ses créations hors du temps, l’artiste nous transporte habilement bien au-delà de l’apparence. Ses tableaux montrent ces roches de Ngazidja sculptées par la mer ou ces rias romantiques de l’archipel, la brutalité des ciels chargés de pluie ou la douceur des crépuscules.
À en croire l’artiste, il a tapé dans l’œil du landerneau de la peinture, lors du Festival de Tsidjé, en novembre 2022, invité en tant que peintre de Ntsaweni, mais originaire de la ville.
Il a également été retenu pour prendre part à la cinquième édition du Festival d’arts contemporains des Comores (FACC). Il en a profité pour étoffer son carnet d’adresses à l’international.
Il a, désormais, trouvé une opportunité de continuer à développer son potentiel au Kenya, à grands coups de pinceaux.