Dans son discours qui a duré presque 26 minutes à l’occasion de la 76e Assemblée générale des Nations-Unies, le Colonel Azali a tenté de camoufler ses échecs durant cinq ans de mandat présidentiel achevé le 26 mai 2021, mais en vain. Par Hassani Abdou.
Trois concepts majeurs ont été parmi les sujets abordés dans son allocution : paix, sécurité et stabilité.
D’autres questions, et pas des moindres – notamment les différents plans qui n’ont jamais vu le jour, faute de confiance à l’égard de notre pays, de la part de nos partenaires et des investisseurs – telles que la CEPAD qui, on a beau dire, a accouché d’une souris, et aujourd’hui on nous annonce sans discontinuer, d’autres plans qui ne servent qu’à renforcer les promesses mensongères comme si nous étions en campagne électorale « à l’horizon 2000 hoho ».
Un fait dramatique sorti de ce discours et selon le colonel, je le cite, « des mensonges véhiculés à travers les réseaux sociaux alors que la paix règne dans le pays, le respect des droits de l’homme avec en toile de fond, une justice exemplaire ».
Franchement, de qui se moque-t-on ? Du peuple comorien martyrisé par des milices prorégime qui sèment la Terreur au sein de la population ? Ou de la communauté internationale préoccupée par le risque d’une tragédie qui guette les Comores, ce pays gouverné par un seul homme et par décret alors que des députés non élus ont été bien entendu désignés par toujours un seul homme ? Un seul homme qui ne cesse d’entonner « paix, sécurité et stabilité » en feignant de mettre au placard son tripatouillage constitutionnel dans une décision personnelle du 12 avril 2018 transférant les compétences de la Cour constitutionnelle à la Cour Suprême (un empiétement flagrant), son Hold-up électoral du 24 mars 2019, et la liste des coups tordus contre notre pays n’est pas exhaustive.
Tout cela est à l’origine de la crise politique et sociale et de l’instabilité, bref, remet en cause la paix héritée d’un vrai dialogue qui a débouché sur la réconciliation nationale donnant ainsi naissance à un nouvel ensemble comorien et la constitution de 2001 garantissant une stabilité aujourd’hui mise à mal par toujours un seul homme.
Quant à la sécurité, je crois que d’autres Comoriens sont mieux placés pour nous en éclairer. Au-delà des faits divers, comment convaincre l’opinion publique aussi bien nationale qu’internationale qu’il règne la sécurité en Union des Comores, lorsque des meurtres et assassinats crapuleux ont été perpétrés sur des soldats dans des camps militaires, sans la moindre compassion, ni diligence d’une quelconque enquête ? Et les victimes civiles ? Les prisonniers politiques et les forcés à l’exil, même si le pouvoir rejette tout d’un revers de manche ?
L’insécurité liée aux nombreux cas des viols sur mineurs de moins de 13 ans et de moins de 7 ans ne rassure personne lorsque les auteurs de ces crimes abominables sont lâchés dans la nature.
L’autre insécurité, phénomène nouveau dans notre pays, l’insécurité alimentaire. Vous connaissez la réponse des autorités de fait : ça ne nous regarde pas, le gouvernement n’importe pas et ne vend donc pas des produits carnés.
Toujours dans ce cas inquiétant de l’insécurité, les jeunes Comoriens y payent un lourd tribut au niveau de l’insécurité sociale, avec en toile de fond les milliers d’exclus du marché du travail, les milliers de jeunes que ce pouvoir a mis à la porte de la Fonction publique et des établissements publics.
À propos du marché du travail, quelle est la raison d’être d’un ministère de l’emploi s’il n’existe aucune impulsion en matière de politique en faveur de l’emploi et de la lutte contre le chômage ?
Cela équivaut à, non seulement l’absence de vision et de projection, mais aussi à une quasi-démission de l’État. Ce qui conforte notre idée avancée dans une précédente tribune, idée sur la notion de ce que nous avons appelé « bricolage gouvernemental ».
La justice exemplaire prononcée par le colonel Azali dans son discours à l’AG de l’ONU n’est pas la même que celle vécue par les Comoriens. N’avons-nous pas entendu le colonel Azali affirmer devant la presse le jour de la restitution des travaux de la délégation de l’UA venue récemment aux Comores, que dans notre pays il n’y a pas de prisonniers politiques, mais plutôt des voleurs. Suite à de telles allégations, où est la séparation entre l’exécutif et le judiciaire, lorsqu’il rend coupables des personnalités politiques détenues arbitrairement alors que le juge ne s’est pas encore prononcé ?
Où est la notion de présomption d’innocence dont bénéficie tout accusé ? Nous n’avons pas besoin de vous rappeler qu’en Union des Comores, nous avons affaire à une justice politique, une justice aux ordres du chef de l’exécutif. Il faut appeler un chat, un chat !
Autre aspect du bricolage gouvernemental, les questions environnementales abordées également par le colonel Azali dans le même discours prononcé à la tribune de la 76e AG de l’ONU. Des textes existent d’ores et déjà en la matière, et ce depuis 1994 sous le gouvernement du Feu Président Saïd Mohamed Djohar, mais ils sont rangés quelque part dans les placards d’une administration qui a tout le mal du monde à se réorganiser, se moderniser et à répondre aux pressants besoins des concitoyens.
La question de l’environnement ne peut pas être dissociée de celle de l’énergie. Si notre pays a été, depuis plus de 25 ans qu’il est plongé dans une profonde crise énergétique dotée d’une politique énergétique, nous n’en serions pas là entrain de gaspiller des milliards à l’acquisition de groupes électrogènes obsolètes qui ne répondent pas réellement à la demande de consommation énergétique des concitoyens.
Nous assistons alors et toujours à un bricolage gouvernemental, et c’est malgré tout une stricte réalité.
Ce pouvoir qui cumule tous les échecs ne pourra plus tromper les Comoriens, même si le colonel affiche une certaine sérénité en trompe l’oeil appelant l’opposition à s’asseoir avec lui autour d’une table dans l’unique dessein de valider l’usurpation de la fonction présidentielle d’un côté, lui laisser la possibilité de continuer son entreprise de destruction de tout ce qui reste des institutions et du pays jusqu’à « je ne sais quel horizon », et assurer la continuité d’une monarchie héréditaire.
Les Comoriennes et les Comoriens ont désormais compris le format, saisi le déroulé du film que veut projeter le colonel Azali et les résultats sur une validation pure et simple de la dictature dans la continuité de la gestion chaotique d’un autre âge.
Seuls iront à ce dialogue, la mouvance présidentielle (pas de surprise), des politiciens affamés, des opportunistes situationnistes, mais pas de vrais opposants à la Dictature.
Nous ne saurions pas terminer cette tribune sans rendre un hommage appuyé à mon ami Mouigni Baraka Saïd Soilihi qui ne badine pas avec la nécessité impérieuse de l’unité des forces et mouvements politiques de l’opposition dans toute sa diversité, toutes ses composantes dont les collectifs de la Diaspora. Les amis de l’ancien Gouverneur élu Mouigni Baraka Saïd Soilihi qui s’apprêtent à participer à un dialogue non respectueux de l’intérêt de notre pays ont, non seulement manqué d’élégance politique, mais surtout oublié que la plupart d’entre eux c’est l’ex-Gouverneur qui les a introduits et initiés en politique pour ne pas dire, « qui les a enfin fabriqués ».
Tous les dictateurs du monde avaient selon eux, toujours raison, surtout le grand Pharaon d’Égypte. Et la fin ? La réponse viendra du seul peuple comorien souverain, qui a la latitude d’accepter de s’adapter à la servitude ou de prendre ses responsabilités et de s’affranchir de ce régime d’exception. Même Fezi-Nda, un ancien despote comorien qui a régné dans une période précoloniale se retournera dans sa tombe.
Des failles dans la Communication de Beit Salam se sont fait sentir, avec le choix du Colonel Azali d’aller exposer l’accumulation de tous ses échecs et ses trahisons devant la Communauté internationale. Cela n’a pas du tout été un choix judicieux, car ce discours mettait à nu certaines insuffisances, des contradictions et même de l’imprudence sur notamment des sujets aussi sensibles tels que l’environnement, les questions sociétales et institutionnelles avec particulièrement ce « monologue baptisé dialogue » lancé par le colonel Azali à l’endroit de ses amis et des opportunistes situationnistes, et non envers l’Opposition. Ce qui augure mal une vraie sortie de crise.
* Cette Tribune a été initialement publiée sur la page Facebook de la Radio Moronienne du Monde, HaYba FM.