À l’approche des élections législatives aux Comores, l’île d’Anjouan, qui connaît traditionnellement une certaine effervescence lors des rendez-vous électoraux, semble aujourd’hui enveloppée dans un climat d’indifférence et de méfiance sans précédent.
Par Mouayad Ahmed. Correspondant Masiwa, Anjouan.
Le 12 octobre dernier, le chef de l’État a convoqué le corps électoral pour les élections législatives et municipales qui devraient se tenir entre janvier et février 2025. Cette convocation est passée presque inaperçue à Anjouan où une distance s’installe peu à peu entre les Anjouanais et un processus démocratique qui, jadis, suscitait pourtant ferveur et espoirs.
Un enthousiasme évaporé, un scepticisme croissant
Dans les coins reculés d’Anjouan, Masiwa s’est entretenu avec quelques leaders discrets, le constat est unanime : la confiance envers le système électoral a été sérieusement ébranlée. « Les gens sont fatigués », confie l’un d’eux, tout en requérant l’anonymat. Les souvenirs des dernières élections demeurent douloureux. Pour beaucoup, ces élections sont encore associées à la déception, la désorganisation et une grande opacité, loin des valeurs démocratiques prônées. Aujourd’hui, ce passif lourd influence largement le regard que les Anjouanais portent sur les élections à venir.
Une opposition désillusionnée, une mouvance déconnectée
Le malaise n’épargne aucun camp. Parmi les partisans de l’opposition, le découragement est palpable. « À quoi bon participer si les dés sont pipés d’avance ? », lance un autre leader. Cette désillusion n’est pas sans raison : certains estiment que, faute d’un cadre de compétition juste, leur candidature n’a pas de sens sans le soutien officiel du régime. C’est le point d’achoppement pour de nombreux opposants. Bien que certaines conditions posées par l’opposition soient encore discutées, beaucoup doutent d’une issue favorable qui leur permettrait de s’engager avec confiance.
Quant aux partisans de la mouvance, le flou règne également. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ils n’en savent guère plus sur l’organisation de ces élections. Certains se disent même dépassés par le manque de clarté.
Ce constat général de déconnexion souligne à quel point le processus électoral semble être devenu l’affaire de quelques individus influents, éloignés des réalités du terrain et des aspirations populaires.
Le silence des leaders : un reflet du malaise ambiant
Au fil des échanges, j’ai pu constater un phénomène frappant : la volonté de rester dans l’ombre. Nombre de leaders rencontrés par Masiwa, issus de différents milieux, préfèrent garder l’anonymat, et leur prudence en dit long. Cette retenue, bien loin des périodes où les mêmes acteurs se montraient ardents à porter leurs idées, traduit un malaise et une appréhension profonde. Pour eux, il ne s’agit pas d’un simple rendez-vous électoral, mais d’une épreuve de plus dans un climat d’incertitude.
Cette crainte n’est pas anodine. Pour certains, même s’ils sont tentés par le dépôt d’une candidature, ils sont freinés par l’idée que sans l’aval des instances en place, leurs ambitions risquent de rester lettre morte. La situation pose alors une question cruciale : comment s’engager dans un processus qui semble verrouillé en amont ?
Une participation suspendue aux conditions posées par l’opposition
Parmi les conditions discutées en coulisses, la transparence et l’indépendance des organes chargés de l’organisation sont au centre des préoccupations. Certains observateurs estiment que les prochaines semaines seront décisives pour l’opposition. Si leurs exigences sont acceptées, cela pourrait redonner un élan aux plus sceptiques. Toutefois, rien n’est moins sûr, et l’attente continue d’entretenir un climat de méfiance.
Les Anjouanais et le désenchantement électoral
En sillonnant l’île, ont ressent facilement cette amertume dans les témoignages. Là où autrefois les habitants s’investissaient pleinement dans chaque campagne, beaucoup disent aujourd’hui ne plus ressentir cet engouement. Ils se souviennent des espoirs brisés des élections précédentes, où les promesses de transparence ont vite cédé le pas aux désillusions. Ce passif alourdit encore l’image des prochaines législatives, qui peinent à raviver une flamme démocratique aujourd’hui vacillante à Anjouan.
Les élections, autrefois symboles d’espoir, n’ont aujourd’hui plus l’attrait qu’elles avaient autrefois pour les Anjouanais. Ce désenchantement général, ce repli dans le silence et cette résignation sont les signes d’un malaise bien plus profond. Les acteurs politiques ont donc devant eux une mission urgente : celle de redonner confiance à des citoyens qui, pour l’heure, se sentent trop souvent exclus d’un processus qu’ils ne reconnaissent plus. Pour les Anjouanais, la transparence et la bonne organisation ne sont pas des options, mais bien des exigences pour faire revivre la démocratie dans leurs cœurs.