Une semaine après la livraison de riz à Moroni, le bateau est arrivé à Anjouan où la pénurie était plus ressentie par la population.
Par Naenmati Ibrahim
Dans la journée du jeudi 30 mai, la société ONICOR a enfin sorti le riz tant attendu par la population. Il s’agit de ce fameux riz arrivé depuis mardi au port d’Anjouan. Cette cargaison n’est restée qu’une semaine et trois jours au port. À cause de la pénurie persistante, l’attente était devenue trop longue et les consommateurs n’y croyaient plus.
Les raisons de ce retard rendent les commerçants et les consommateurs très méfiants. Toute la semaine des rumeurs circulaient selon lesquels la société ONICOR voulait mélanger le riz en mauvaise qualité avec celui qui est nouveau et qui est bon. On racontait que le fournisseur de ce riz ne voulait pas être mêlé à cette affaire et que c’est pour cela qu’il y a eu ce retard pour décharger et vendre à la population. D’autres rumeurs prétendaient que c’est parce que les responsables de la société ONICOR à Anjouan n’arrivaient pas à payer le fournisseur, et que Mohéli a pu payer et c’est pour cela qu’on lui avait envoyé sa part. Quoi qu’il en soit la méfiance était présente, soit à cause de l’insuffisance soit à cause de la qualité.
On parle néanmoins de 97 conteneurs, mais beaucoup doutent déjà que cela suffise. Pour certains, c’est assez pour tenir trois mois et pour d’autres ce n’est pas assez parce que toute la population a été privée de riz pendant trop longtemps. Plus personne n’a de riz dans son foyer, il se pourrait donc que les consommateurs achètent d’une façon excessive et stockent.
La situation était devenue critique
L’ile semblait perdre tout espoir de se remettre sur pied. La population était à bout à cause du manque de cet aliment essentiel. On remarquait déjà un état de faiblesse et d’amaigrissement de la part de certains à cause de la malnutrition de ces deux derniers mois. Certains ont même osé avancer l’idée que des personnes sont mortes à cause de la faim, mais qu’on préfère dire que la cause est le choléra.
La population était sur le point de perdre tout espoir en constatant que le gouvernement ne cherchait pas à rétablir la situation et laissait des responsables incompétents se charger d’une société aussi essentielle qu’ONICOR, une société dont toute la population dépend pour vivre.
Une joie éphémère dans l’ile
À l’arrivée du riz dans les différentes localités, la joie et la bonne humeur sont revenues et la journée du jeudi ressemblait ainsi à une journée de fête, comme une journée de sortie de résultats d’examens du BEPC et du BAC. Partout on pouvait entendre des habitants s’écrier : « yisi tolwa lewo », ce qui signifie littéralement : « C’est aujourd’hui qu’on le sort ». Les enfants sont ravis et disent le « le riz est là !» ce qui faisait penser au dessin animé Kirikou lorsque les personnages chantaient « L’eau, l’eau est là ! ». Aussi drôle que cette histoire puisse paraître, ce qui est sûr c’est que le peuple comorien est à bout de force. Pour fêter le retour du riz, plusieurs familles ont cuisiné du mataba.
Même si les gens étaient dans la bonne humeur durant la journée de jeudi, dans la matinée c’était plutôt le stress qui apparaissait sur les visages. Les habitants ne croyaient pas que l’ONICOR allait pouvoir leur distribuer le riz. Pour les consommateurs, le stress occasionné par la société ONICOR est devenu une honte pour l’État comorien. Pour la plupart d’entre eux, cela a été vraiment humiliant de se retrouver dans cette situation où le citoyen anjouanais ne pensait plus à autre chose qu’au « manger ». Tout l’argent qu’il gagne, il doit le gaspiller pour s’acheter du riz parce qu’il a peur d’en manquer, c’est comme si on le conditionnait à ne plus penser à autre chose qu’au riz, faisant de nous une société « rizivore », ce qui est vraiment scandaleux et presque sarcastique.