Le riz ordinaire vendu par la société ONICOR a de nouveau disparu des étals des magasins dans l’ensemble des trois îles de l’Union. Cette pénurie se ressent d’une manière plus pressante à Anjouan où la grande majorité de la population n’a pas accès au basmati et riz de luxe.
Par Naenmati IBRAHIM
Il y a deux semaines le riz vendu par la ONICOR (Office National d’Importation et de Commercialisation du Riz) avait commencé à manquer dans les grands magasins. Et depuis quelques jours, on ne le trouve nulle part et beaucoup de ménages ont déjà fini leurs provisions. Mais avant cette pénurie de petits commerçants qui n’avaient pas réussi à écrouler leurs stocks ont pu profiter de la situation pour vendre en augmentant les prix. Ils ont donc vendu à 12500 francs le sac alors qu’en temps normal il est vendu entre 11500 et 12000 francs. Certains ont même pu, dans les derniers temps, vendre jusqu’à 15000 francs le sac. Un prix vraiment très élevé, mais comme le riz ordinaire est l’aliment de base des Anjounais, ils ont acheté faute de choix.
Si la grande majorité de la population anjouanaise consomme du riz ONICOR, c’est parce qu’il coûte moins cher, et donc, il est adapté à la population qui est en majorité très pauvre. C’est une minorité d’Anjouanais qui consomme le riz de luxe. Même les fonctionnaires ne peuvent pas se le permettre. Aux Comores, le salaire minimal est de 45000 francs. Et depuis que le riz est passé de 7000 francs à 12000 francs, certaines personnes s’interrogent sur la façon de vivre des fonctionnaires qui touchent un salaire de misère pour entretenir leur famille.
L’ONICOR est en faillite
Depuis l’annonce de la probable faillite de l’ONICOR en 2022, il y a une stagnation dans la distribution du riz sur l’ensemble du pays. Même si le président Azali avait retiré, en 2023, le monopole de la commercialisation à l’ONICOR, la situation ne s’arrange pas à Anjouan. Malgré tous les efforts que le gouvernement a faits pour remonter la pente et sauver la société ONICOR, les pénuries de riz sont devenues répétitives à Anjouan et dans les autres îles. Cependant, la population a compris qu’il s’agit de spéculations dans l’île. D’après les témoignages recueillis par Masiwa auprès de consommateurs, ceux-ci accusent les responsables de la société ONICOR de faire exprès de rendre le riz introuvable. C’est pour pouvoir écouler rapidement leurs stocks, car c’est une façon pour eux d’avoir de bonnes recettes. Dernièrement, ONICOR a brûlé des tonnes de riz qui avaient moisi dans leurs magasins, et cela a pu sembler confirmer les dires de ces consommateurs. Ce riz qui a moisi dans les locaux de la société n’a fait que détériorer l’image de celle-ci, accusée de faire de la spéculation. Bien avant que les employés de la société ne brûlent le riz, les Anjouanais ressentaient déjà la pénurie parce que plusieurs épiceries étaient déjà en manque de riz. D’après un commerçant, il y a toujours du riz dans les magasins de l’ONICOR, mais il n’est pas consommable, donc invendable.
La population tient le gouvernement responsable de la crise du riz
Les directeurs de l’ONICOR sont irremplaçables parce que ce sont les mêmes personnes qui sont en charge de l’importation du riz, ils ont été là durant tout le mandat du président Azali. Ils étaient là durant la grosse pénurie de riz de 2022. Il s’agit de directeurs comme Abdou Miroidi qui s’occupe de la gestion du riz tout en sachant qu’il était parmi les responsables de la faillite de la société ONICOR. C’est pour cela que pour le citoyen comorien, le gouvernement est autant responsable du désastre que les cadres de l’ONICOR. Pour les consommateurs, ils sont tous responsables de ce qui se passe à Anjouan et que c’est pour cela qu’au lieu de chercher des solutions alternatives, le gouvernement reste silencieux.
Certains consommateurs anjouanais s’interrogent sur le fait que le gouvernement ne libéralise pas la commercialisation du riz ordinaire, étant donné que l’ONICOR n’arrive plus à s’assurer de la satisfaction de sa clientèle. Selon eux, la concurrence amènera du riz en permanence dans les magasins.
Malgré la pénurie du riz ordinaire, la population anjouanaise ne s’intéresse pas au riz de luxe.
Bien qu’on trouve du riz de luxe dans certains magasins, on parle quand même de pénurie de riz à Anjouan. En effet, les consommateurs anjouanais préfèrent le riz ONICOR, parce qu’en plus d’être moins cher, il est résistant pour l’alimentation, contrairement au riz de luxe qui, en plus d’être cher, est très léger et ne rassasie pas. À cause de la pauvreté, beaucoup de ménages anjouanais ne cuisinent qu’une seule fois par jour. Ils ont donc besoin de consommer une nourriture qui les fera tenir une journée.
Les pénuries de riz sont un fait très courant à Anjouan. Même avec les régimes passés, elles revenaient régulièrement. Mais cette fois ce qui dérange la population, ce sont les manœuvres qui leur donnent des soupçons de spéculation destinée à leur faire acheter du riz d’une façon régulière et exagérée. Pour la population, les grands commerçants de riz anjouanais s’enrichissent sur leurs dos. Les ménages s’appauvrissent de jour en jour parce qu’ils puisent toutes leurs économies pour acheter du riz.
Pour survivre durant cette période de pénurie du riz ordinaire, beaucoup préfèrent acheter de la farine de riz ou farine de blé en sac pour se nourrir en attendant l’arrivée d’une cargaison. En ce moment, les fruits à pain sont abondants, ainsi que d’autres produits agricoles, donc la crise n’est pas sévère. Mais si celle-ci dure, il se pourrait qu’on revive le même scénario qu’en 2021.
Il y en a qui aimerait acheter du riz de luxe, mais le coût est prohibitif.
Le plus regrettable, à Anjouan, c’est que la grande partie de la population est paysanne, mais cela n’empêche pas les gens de se plaindre à chaque fois que le riz manque. À croire que l’agriculture n’est plus pratiquée dans l’ile. Pourtant, c’est le cas. Mais, comme le gouvernement n’aide pas le secteur agricole à se développer, les produits sont insuffisants pour satisfaire les besoins de toute la population.