Il est important de discuter d’une préoccupation politique actuelle : récemment, certains individus semblent vouloir diviser notre pays en prônant le séparatisme insulaire. Bien que leurs intentions exactes restent floues, leurs discours visent à fragmenter les îles, notamment en mettant en avant des revendications séparatistes. Cette tendance est d’autant plus préoccupante alors que les Comores font déjà face à des défis majeurs, comme la question de Mayotte, dont l’occupation française contrevient au droit international et aux résolutions des Nations Unies affirmant la souveraineté de l’Union des Comores sur l’île.
HOUDAIDJY SAID Ali, Master en droit public, Spécialité relations internationales
Université du Sahel, Dakar – Sénégal
Malgré ces enjeux, certains individus ne cherchent pas à promouvoir l’unité nationale, mais plutôt à cultiver un climat séparatiste, en se positionnant comme des leaders potentiels de l’île d’Anjouan. Leur stratégie semble être de diviser pour mieux régner, mettant en avant des problèmes spécifiques à chaque île pour justifier leur démarche. Leur discours suggère que l’île d’Anjouan serait mieux seule, ce qui alimente le sentiment séparatiste.
L’indépendance des Comores, déclarée par Ahmed Abdallah Abderemane, avait pour but de rassembler les quatre îles, devenant ainsi un héritage national. Alors que la nation était auparavant envisagée comme une République fédérale islamique, elle est désormais connue sous le nom d’Union des Comores, témoignant ainsi d’un désir d’unité étatique. Malgré les difficultés rencontrées lors de tentatives antérieures de gouvernance fédérale, l’Union des Comores a émergé, avec un gouvernement central et des administrations insulaires, mais le défi persiste de trouver une gouvernance efficace pour toutes les îles depuis l’indépendance.
Les crises politiques du régime présidentiel comorien
Les Comores sont confrontées à une instabilité politique persistante depuis leur accession à l’indépendance, marquée par plusieurs coups d’État et des querelles entre les politiciens de Grande-Comore et d’Anjouan. Cette période tumultueuse a culminé avec la déclaration d’indépendance d’Anjouan en août 1997, suivie de Mohéli. L’arrivée au pouvoir d’AZALI Assoumani en avril 1999 a été marquée par des tentatives de résolution des conflits, notamment par les accords de Fomboni, qui ont instauré une nouvelle constitution introduisant le principe de rotation présidentielle entre les îles. Cependant, cette tentative de gouvernance unifiée a été entravée par une deuxième crise séparatiste, avec Anjouan cherchant à se retirer de l’Union des Comores pendant le mandat d’un président originaire d’Anjouan.
Je souhaite attirer l’attention sur une problématique supplémentaire qui mérite d’être examinée, celle liée à la compréhension et à l’interprétation des textes juridiques. En tant que juriste, je ressens le besoin de mettre en lumière les défis démocratiques auxquels est confrontée la démocratie africaine, en particulier celle des Comores.
Ce qui se déroule actuellement aux Comores trouve des similitudes avec ce qui s’est produit au Sénégal. Nous sommes en présence de ce que l’on appelle le présidentialisme noir africain, une notion étudiée et analysée dans les institutions académiques spécialisées en sciences juridiques et politiques. Il est fondamental de rappeler l’importance des principes juridiques et de souligner qu’ils doivent prévaloir sur les émotions dans la prise de décisions.
Il est établi que les lois constitutionnelles ne peuvent être rétroactives, sous peine de compromettre la sécurité juridique et la protection des droits acquis, éléments essentiels à la confiance et à la stabilité du système juridique. Une illustration concrète de cette règle nous est donnée par l’exemple de Macky Sall au Sénégal, lorsqu’il a procédé à la modification de la constitution. Cette action a confirmé que les textes juridiques ont un effet rétroactif uniquement s’ils sont expressément déclarés comme tels.
Cette situation, répétée aux Comores, met en lumière une lacune récurrente dans les régimes présidentiels africains, où le pouvoir tend à être excessivement centralisé entre les mains du chef de l’État. Cette concentration de pouvoir, qui contraste souvent avec les pratiques de gouvernance occidentales, soulève des questions quant à la répartition équilibrée et démocratique du pouvoir.
Il est également pertinent de souligner que l’initiative de révision de la constitution appartient au président de la République. Cependant, si le président détient la majorité parlementaire, il peut potentiellement prolonger son mandat, ce qui soulève des préoccupations quant à la continuité démocratique et à l’équilibre des pouvoirs.
L’ex-président des Comores, Ahmed Abdallah Mohamed Sambi a prolongé son mandat d’un an jusqu’en 2011, le portant ainsi à cinq ans au lieu de quatre. Cette manipulation politique illustre les intrications entre politique et droit, une pratique également suivie par l’actuel président, AZALI Assoumani. Ce dernier a modifié la constitution pour anticiper les élections, initialement prévues en 2021, afin de poursuivre un projet de développement jusqu’en 2030, arguant du manque de temps pour atteindre ses objectifs. Cette succession d’événements met en lumière les difficultés politiques persistantes aux Comores, indépendamment des gouvernements en place. Cela souligne un problème systémique enraciné depuis l’indépendance, révélant un défi continu pour toute administration future. Les Comores cherchent toujours le modèle de gouvernance adéquat pour leurs îles.
Chaque gouvernement comorien semble agir de manière unilatérale, favorisant souvent les proches et les résidents de l’île au pouvoir, plutôt que de former un gouvernement compétent et diversifié capable de faire progresser le pays. Bien que ce ne soit pas une obligation, il serait logique de répartir les ministères de manière à assurer une représentation équitable des différentes îles. Par exemple, il est courant qu’Azali inclue quelques ministres originaires d’Anjouan et de Mohéli pour des raisons de représentation, même s’ils peuvent sembler incompétents. C’est devenu une pratique politique visant à éviter d’autres crises séparatistes. Ces crises ont entraîné une diminution des pouvoirs des gouverneurs insulaires, qui ont désormais des titres honorifiques pour éviter de renforcer les tendances insulaires. Malgré le passé fédéral des Comores, la nouvelle constitution les définit comme un État unitaire, bien que la décentralisation demeure significative.
J’ai eu une conversation constructive avec un ancien vice-président de l’Union des Comores au cours de laquelle nous avons abordé la question de l’insularité. Nous sommes arrivés à la conclusion que le système insulaire pose problème, car il alimente les tentatives de gestion de crises politiques récurrentes. L’insularité divise en poussant les Comoriens à s’identifier régionalement plutôt que nationalement, affaiblissant ainsi le sentiment d’unité. Certains individus exploitent cette division à des fins personnelles, cherchant à accéder au pouvoir politique au détriment de l’unité nationale, ce qui constitue une violation grave de la constitution comorienne. Ces actions sont passibles de lourdes peines, car elles visent à nuire à l’unité de l’État, allant même jusqu’à perturber l’ordre public.
Éclairage sur les dangers de la sécession aux Comores
Une crise séparatiste aurait des conséquences dévastatrices pour les populations civiles, en particulier pour Anjouan, car la communauté internationale ne reconnaît la souveraineté qu’aux institutions démocratiques de l’Union des Comores. Seule l’Union des Comores est reconnue comme État membre des Nations Unies, disposant ainsi de la souveraineté. Une crise de sécession pourrait entraîner le gouvernement central dans un affrontement avec la partie sécessionniste, ce qui rappelle les tragédies des guerres de Sécession passées.
Par exemple, aux États-Unis, pendant la guerre de Sécession, le président Abraham Lincoln a suspendu l’habeas corpus et a forcé les États à rester unis. La guerre du Biafra de 1967-1970 a entraîné la mort de plus d’un million de personnes victimes de la violence et de la famine. La République arabe sahraouie démocratique est revendiquée par le Maroc et n’est reconnue que par 20 membres des Nations Unies. Le même schéma se reproduit avec la République du Somaliland, issue des guerres civiles en Somalie, ainsi qu’avec Taïwan et la Chine, ce qui crée une tension constante entre ces États.
Si une telle situation venait à contaminer les Comores, le pays se retrouverait dans une situation délicate, déjà confronté à la domination française et à l’occupation illégale de l’île sœur de Mayotte. La France en profite pour exploiter les ressources et contrôler l’océan Indien, une autoroute commerciale majeure. Cela pourrait entraîner une crise géopolitique où les grandes puissances chercheraient à tirer profit de la situation.
Le contentieux entre Moroni et Paris a causé des milliers de morts entre les eaux séparant Mayotte et Anjouan en raison du visa Balladur. Si une autre île venait à s’opposer au gouvernement central et à menacer l’intégrité territoriale, les conséquences pourraient être désastreuses.
Le patriotisme est une obligation morale et collective
Il est difficile de comprendre comment des îles liées géographiquement, culturellement et religieusement peuvent affirmer leurs différences en raison de divergences politiques. Les États-Unis d’Amérique offrent un bon exemple d’État composé où différentes régions coexistent malgré des divergences politiques. Une divergence d’idéaux politiques ne devrait pas nécessairement conduire à l’indépendance, mais plutôt à l’ouverture au dialogue et à la recherche de principes et de solutions qui correspondent à la gouvernance de notre pays.