L’Aïd el-fitre de cette année a été perturbée à Anjouan par une recrudescence des cas de choléra dans l’île. Mais, cette fête reste la plus suivie dans l’île.
Par Naenmati Ibrahim
L’ampleur du choléra est si importante qu’à Anjouan le gouvernement comorien a interdit de se donner la main après la prière de l’Aïd en prononçant les paroles traditionnelles en arabe : « idina faizina sinina baanda sinina ». La raison en est que cette maladie hautement contagieuse qui se transmet par voie de contact corporel. Le mot d’ordre fut suivi. Les imams et les prédicateurs ont fait connaître l’intérêt de se protéger. Cela n’aurait rien d’impactant, car l’islam défend en premier lieu la protection des musulmans. Alors se donner la main durant la fête de l’Aïd est une sunna dans la religion musulmane. Quelque chose dont on peut se passer, s’il y a nécessité.
Fêter l’aïd à tout prix
Il y avait donc à l’entrée des mosquées des seaux remplis d’eau javellisée pour que chacun nettoie ses mains avant d’y pénétrer. Néanmoins, cela n’a pas empêché certains de se donner la main. Comme c’était déjà le cas pour le coronavirus, une partie de la population dit toujours ne pas croire aux affirmations du gouvernement, voyant ce dernier comme un appareil manipulateur. Ils rappellent que la dernière épidémie de choléra qui a secoué le pays faisait des morts tous les jours jusqu’à ce qu’il soit maîtrisé. Pour eux, ce moment de partage pour souligner la fin du mois sacré de ramadan ne devait pas plonger dans la morosité. Les visites traditionnelles n’ont donc pas cessé cette année à cause du choléra, comme pour réaffirmer que rien ne peut empêcher la joie des musulmans à la fin de ce mois sacré est primordial pour renforcer la foi. Ainsi, aucune fatalité ne peut stopper ce moment.
Même la forte pluie (une situation propice à la propagation de l’épidémie) n’a pas empêché la fête. « Vuwa iyo nema », la pluie est une bénédiction, dit-on ici. Les femmes ont donc préparé le repas spécial pour l’Aïd, le riz et le mataba avec de la viande fraîche ou du poulet qu’on achète vivant pour le préparer à la maison.
Toutes les autres activités du jour de l’Aïd à Anjouan comme les promenades des enfants vêtus de beaux habits et les matchs de football ont eu lieu, même si c’était d’une manière moins intense, car l’ambiance n’était pas la même que dans les années précédentes.
L’inflation aussi a joué son rôle …
Le jour de l’Aïd el-fitre est l’occasion pour les enfants de tous les âges de s’amuser, de se divertir et de se promener. Ils sont gâtés par leurs parents et même les caprices sont autorisés. Les enfants et même les tous petits ont droit d’avoir pour cette journée de l’argent de poche pour acheter des friandises dans les épiceries de leurs villages. Toutes les épiceries ont été approvisionnées en diverses friandises et ont pas mal de bénéfices dans ce domaine des sucreries. Néanmoins, pour cette année, il n’y a pas eu une si bonne activité.
Mis à part les friandises et les petits ballons gonflables que les enfants appellent « ballome », le commerce a été plombé par l’inflation.
Les darses dans les écoles coraniques
Les darses ou « darasa » dans les écoles coraniques ont connu une certaine effervescence. Les « darasa » ont fait bouger les villages avec le « tari », cet instrument traditionnel de l’époque du prophète qu’on utilise durant les fêtes religieuses pour mettre l’ambiance. Tous les madras (écoles coraniques) à Anjouan font des darses, des lectures du Coran, durant tout le mois de ramadan. Les jeunes filles sont souvent à l’honneur. Celle qui lit la sourate 107, Al-Ma’un aura l’honneur d’être accompagnée chez elle avec les chants religieux au son des « tari » pour l’honorer, elle et sa famille. Et l’année suivante, pour les prochains darses, elle devra envoyer dans son madras des gâteaux ou des biscuits. Autrefois, il y avait aussi du thé, mais actuellement on envoie des boissons et des biscuits parce que c’est plus facile que de faire des gâteaux.
L’heureuse élue est couverte comme une mariée jusque chez elle et arrivée chez elle, elle sera accueillie comme reine puisqu’elle sera placée dans un lit bien préparé et embelli spécialement pour elle, elle devra alors parfumer ses camarades de l’école coranique, mais aussi ses amis, ses voisins et les proches qui viendront la féliciter.
L’astuce des tous petits dans la ville de Tsembehou
Chaque année, il y a quelque chose que les enfants portent en particulier. Des fois ce sont des petits sacs pour les petites filles, des pantalons avec des lumières pour les petits garçons. Mais cette année, les petites filles et les petits garçons ont eu droit à la même chose : une paire de lunettes pour chaque enfant. Les parents se sont sentis obligés d’acheter des lunettes lorsqu’ils achetaient les habits de la fête de leurs enfants pour ne pas que leurs enfants se sentent mis à l’écart. À chaque coin de rue ou chaque fois qu’on croisait un groupe d’enfants, on les voyait avec leurs petites lunettes de soleil colorées ou pour les petites filles, des lunettes en forme de cœur.
L’Aïd el-fitre est en réalité considéré comme une petite fête dans la religion musulmane, mais à Anjouan, elle est comme la plus grande fête musulmane. En effet, l’Aïd el-Kebir, la fête du sacrifice, est la plus grande fête musulmane, mais c’est tout à fait le contraire à Anjouan, car c’est durant la fête de l’Aïd el-fitre que les Anjounais sont le plus en joie. Beaucoup d’entre eux ignorent d’ailleurs que l’Aïd el-fitre est une petite fête dans la tradition musulmane.