Propos recueillis par MiB
Masiwa – Oubeidillah Mchangama, en moins de 24 heures vous avez été viré puis réintégré de votre propre média FCBK-FM, à quoi cela est-il dû ? De quoi vous accuse-t-on ?
Oubeidillah Mchangama – Mon collègue Ali Mkouboi (NDLR : Co-fondateur de FCBK-FM) a reçu des pressions pendant plusieurs jours de la part de la présidente du Syndicat des Journalistes (NDLR : Faïza Soulé Youssouf) ainsi que deux autres journalistes (NDLR : Toufeyili Maecha et Ali Mbaé) pour que je sois “viré” de ma page sous des motifs farfelus.
De plus, ces individus, qui sont des confrères journalistes, n’ont aucune fonction au sein de FCBK-FM. Donc ils n’avaient aucune légitimité pour me confisquer mon outil de travail.
Concernant les accusations je n’ai toujours pas réellement compris ce qu’ils me reprochaient
Masiwa – Vous êtes bien le Directeur de FCBK-FM, donc au-dessus de vous, qui peut vous virer ?
OM – Oui. Je confirme que depuis 2019, je suis le Directeur par intérim de la page de FCBK-FM, mais aussi le fondateur de cette page. Donc mis à part un commun accord avec Abdallah Abdou Hassan (NDLR : dit Agwa, actuellement en prison pour délit d’opinion) et Ali Mkouboi, personne ne peut me virer.
Masiwa – Est-ce que les trois amis journalistes que vous évoquez font partie de la direction de FBCK-FM pour pouvoir vous faire virer ? Comment est-ce possible ?
OM – Comme évoqué précédemment, ils n’ont aucune fonction au sein de FCBK-FM.
Ali Mkouboi a reçu des pressions sur plusieurs jours par les trois concernés pour me faire virer. Mais il n’aurait pas dû exécuter cette demande.
Je me suis fait abusivement déposséder de ma page.
Masiwa – Est-ce que vous avez pu parler ensemble, entre amis sur cette situation ? Qu’est-ce qui en sort ?
OM – Oui ils ont eu l’occasion de s’expliquer et de m’informer des chefs d’accusation après avoir publié cette décision d’éviction.
Je les ai invités à rendre publiques ces accusations ainsi que les preuves en leur possession.
Masiwa – Est-ce qu’Abdallah Agwa est au courant de cette situation ?
OM – Abdallah Agwa est actuellement en prison. Il ne souhaite pas rentrer dans la gestion de FCBK FM, car son seul objectif qui est aussi le mien, est de retrouver sa liberté.
Masiwa – Quels sentiments avez-vous eus quand vous avez appris votre licenciement ?
OM – Je l’ai appris sur les réseaux en même temps que tout le monde. Au départ, je pensais que la page avait été piratée. J’en ai donc parlé à mon ami Toufeyili qui m’a confirmé qu’effectivement, en concertation avec les autres, ils ont décidé de m’enlever l’accès de ma page et de me limoger.
J’ai eu l’impression qu’on venait de me déposséder de mon bien et de mon travail. J’ai eu le sentiment d’avoir été poignardé dans le dos par ceux que je considérais comme ma famille.
Masiwa – Qu’est-ce qui vous a le plus fait mal dans cette affaire ?
OM – Le manque de communication. Je n’ai pas vu venir ce coup de grâce. Et surtout les soupçons infondés à mon égard qui sont établis sur la base de racontars.
Masiwa – Quand on vous voit à Anjouan dans un hôtel payé par le gouvernement ou dans une voiture du Directeur de l’ORTC, à Mwali financé par Fazul dit-on, quand on voit que vos premiers défenseurs ce sont deux ministres du gouvernement Azali, est-ce que vous ne provoquez pas vous-mêmes une certaine méfiance ?
OM – Premièrement je suis un journaliste, mon métier m’amène à côtoyer des personnes de divers horizons. Je suis monté plusieurs fois dans des voitures d’opposants et pourtant cela ne m’a jamais été reproché.
Concernant ces hôtels à Mwali et à Anjouan, payés par le gouvernement, tous les journalistes ont le même traitement. Ce n’est pas exceptionnellement pour moi.
Aux Comores, lorsqu’on déplace un journaliste, on lui paye ses frais liés à ses déplacements. La dernière fois l’opposition s’est déplacée à Anjouan, à l’occasion d’une réunion exceptionnelle, ses membres ont convié un journaliste de FCBK-FM et ils lui ont payé les frais du séjour.
Concernant la voiture du directeur d’ORTC, c’est comme si vous me reprochiez d’entretenir des relations professionnelles avec d’autres médias.
Concernant les soutiens, ce qui m’étonne c’est plutôt de savoir pourquoi ce sont les seuls que vous avez retenus comme étant ceux qui m’ont défendu publiquement.
Pour ma part je n’ai pas été du tout gêné, car je n’ai jamais demandé du soutien à qui que ce soit, car chacun est libre de me soutenir ou pas.
Ce serait bien que vous alliez poser directement la question aux concernés.
Masiwa – Parmi les rumeurs qui vous accusent, il y a ce témoignage que le fameux Zainou a confié à Masiwa qu’en prison Mohamed Moina vous aurait envoyé une capture d’écran et que suite à cela le fils Azali serait venu lui demander son téléphone en lui montrant cette capture…
OM – Je ne sais même pas de quoi vous parlez. Je vous invite à aller rencontrer Mohamed Moina ainsi que le fils d’Azali afin d’avoir leurs versions.
Masiwa – Selon vous, pourquoi ces attaques contre vous arrivent maintenant ?
OM – Au-delà du timing, j’ai plusieurs hypothèses :
1- Je pense que l’on essaie d’atteindre Abdallah Abdou Hassan à travers moi. Je suis de ceux qui militent pour sa libération. Je pense que mes trois ex-amis ont été manipulés par ceux qui veulent voir cesser le soutien à Abdallah Agwa.
2- Je me demande si ces trois-là ne voulaient pas simplement s’emparer de mon média et que la seule façon d’y arriver était de m’évincer en manipulant celui qui détenait les accès de notre page.
3- La force de ce régime est sa stratégie de la division. Ils savent s’infiltrer dans les groupes s’opposant au gouvernement, dans des collectifs de militants politiques et aujourd’hui dans un groupe d’amis qui jusqu’à aujourd’hui combattait ensemble ces méthodes. Contrairement aux autres fois, cette fois-ci ils n’ont pas su identifier ce piège et malheureusement, ils sont tombés dedans.
Masiwa – Quels sont vos rapports actuels avec les trois amis accusés d’être derrière les attaques contre vous ?
OM – Aucun. On a coupé court à notre relation.
Masiwa – Comment voyez-vous votre rôle et vos objectifs en tant que journaliste ?
OM – En tant que journaliste, je ne dois avoir aucun parti pris. Mes informations doivent être objectives et impartiales.
Comme vous le savez, je n’ai jamais trié mes informations quitte à risquer ma liberté d’informer voire ma liberté tout court.
Certes, j’ai été et je suis encore victime du gouvernement actuel, mais je ne peux pas couper toute relation avec des individus qui travaillent pour le gouvernement. Je vous rappelle que les trois amis en question sont en poste dans des médias publics, supportés par le gouvernement. Donc en matière de risque de complaisance, ils n’ont rien à me reprocher au vu de leur rôle dans leurs structures respectives.
Donc que ce soit des opposants ou des progouvernements, je me dois de maintenir des relations professionnelles qui me permettront de faire mon travail efficacement.
Je le répète : je ne suis ni journaliste d’opposition, ni journaliste progouvernement. Je suis journaliste propeuple comorien. Je tâcherai de garder ma ligne de conduite qui est d’informer la population sans influence de qui que ce soit.
Mes sources viennent de tous les bords et c’est la raison pour laquelle mes informations sont souvent fiables.
Pour finir, je tiens à rappeler que la page de média FCBK-FM est l’une des pages les plus suivies par la communauté comorienne sur Facebook. Il n’est pas étonnant que des tentatives de sabotage apparaissent. J’espère trouver écho auprès de ceux qui travaillent et défendent l’information afin de trouver une solution pour que ce qui m’est arrivé n’arrive pas demain à un autre de nos confrères journalistes.