Mohamed Soilihi, que les amis appelaient affectueusement « Momo », est parti ce samedi 15 juin 2024 à l’hôpital de Mamoudzou à Mayotte vers 15 heures 50 minutes. Il était plus qu’un ami proche pour moi.
Par Abdourahim Bacari
J’ai connu « Momo » en 2007 quand nous soutenions la candidature de Me Fahmi Saïd Ibrahim aux présidentielles de l’île de Ngazidja. Nous ne nous sommes jamais perdus de vue et n’avons jamais cessé d’échanger sur divers sujets touchant aux Comores. Il était passionné par l’agriculture et par la politique.
Un combat en faveur des agriculteurs
Je témoigne que Mohamed Soilihi aimait énormément les agriculteurs et le monde rural. Il avait succédé au Dr Kassim à la tête de FNAC (Fédération Nationale des Agriculteurs Comorien). Sous sa présidence, il a changé le nom FNAC pour FNACFA (Fédération Nationale des Agriculteurs et Femmes Agricultrices Comoriens). À ce poste de président, avec sa femme, ils ont engagé leurs biens et leur famille pour le développement du secteur agricole.
J’ai beaucoup voyagé avec lui, en France, Espagne, Tunisie, Dubaï, Madagascar, Tanzanie, Kenya pour l’agriculture comorienne.
Il était un véritable Comorien. Né à Mayotte le 16 juillet 1953, Mohamed Soilihi s’est rendu très utile pour les trois autres îles où il a passé beaucoup de temps par rapport à son île natale. Il est arrivé à Moroni dans les années 1980 pour un poste à l’AFD (Agence Française de Développement) avant d’aller travailler à la Société comorienne des Hydrocarbures auprès de Mahmoud Mradabi.
Mohamed Soilihi faisait de la politique aussi. Ces derniers mois, il s’était pleinement engagé dans les rangs de l’opposition contre la dictature d’Azali Assoumani installé au pouvoir depuis 2016. Pour cette raison et vu sa popularité chez les paysans, le pouvoir actuel l’a contraint à quitter Ngazidja où il était installé, à Oussivo dans la région de Hamanvu. Il s’est senti menacé, il me l’a dit plusieurs fois. Lui qui est à l’origine de la création de la Chambre de l’agriculture des Comores a préféré tout abandonner pour sauver sa peau. Il ne cessait de me dire que sa maison (et tout ce qui est dedans) est en train de périr. Et cela le rendait extrêmement triste.
Contre Azali
Lors des assises nationales organisées par le régime actuel, d’une manière biaisée en 2018, il a participé activement en sa qualité de président de la Chambre d’Agriculture dans l’espoir de faire profiter les agriculteurs. Beaucoup lui ont reproché cette participation. Moi-même, je lui ai demandé pourquoi, lui qui connaissait parfaitement bien les dérives d’Azali Assoumani, est parti assister à cette grande manipulation. Sa réponse était « lors de ces assises, j’ai marché à côté d’Azali, mais pas avec lui. Je savais qu’il n’allait respecter l’idée initiale de ces assises proposée par Monsieur Bazi Selem ».
Mohamed Soilihi était un homme intègre, il aimait les Comores et Comoriens. Il ne supportait pas la mauvaise gestion des Comores par le régime actuel. Il s’est usé à mettre en garde ses connaissances et les alerter sur le danger que courraient les Comores et les Comoriens sous Azali Assoumani. On peut encore lire sur sa page Facebook comment il dénonçait sans ambages le régime actuel. Il a rompu ses relations d’amitié avec celles et ceux qu’il connaissait et qui servent ce régime qu’il qualifiait toujours de « régime sanguinaire ». Mais à ma grande surprise, ce régime qu’il ne supportait absolument pas a eu le culot d’envoyer un député pour le représenter dans ses obsèques. C’est vrai, quand on est mort, on n’est plus responsable de ce que les vivants peuvent décider.
Je sais pertinemment que Momo ne serait jamais content de la présence d’un membre de ce régime dans ses funérailles, encore moins celui qui a été envoyé, le député Bakari de Domoni dans la région de Mbadjini. L’opinion de Mohamed Soilihi à l’égard de cet homme était sans ambiguïté. Il disait que le « député Bakari est un bandit, un malhonnête que je ne veux jamais voir ». Aujourd’hui, le régime Azali veut instrumentaliser sa mort, alors que ces gens l’ont chassé de Ngazidja par peur de ses retombées politiques.
Je suis sous le choc. Je reviendrai dans les pages de Masiwa pour vous parler plus précisément de Momo. Sur lui, il y a forcément des choses, beaucoup de choses à dire, aussi bien sur plan agricole que politique.
Le pays perd un homme de grand cœur, un de ses meilleurs enfants. Qu’il repose en paix.