Propos recueillis par Hachim Mohamed
Le jeûne du mois de ramadan peut-il avoir des conséquences néfastes pour les gens qui ont problèmes cardiaques ? Le Dr Hamidy Hasal Mhoussine, spécialiste en cardiologie et maladies vasculaires exerce au CHN Al-Maaruf (Moroni) et dans son cabinet situé à Malouzini. Il a accepté de répondre à nos questions sur ce sujet épineux.
Au cours du neuvième mois de l’année lunaire, les musulmans doivent s’astreindre à certaines privations entre le lever et le coucher du soleil.
Si les gens bien portants jeûnent pendant le ramadan sans risques de désagréments sanitaires, d’autres ne peuvent pas faire pareillement. C’est le cas des gens qui souffrent de maladies du cœur et du système sanguin.
C’est en plaçant avec nos soins la problématique de la pratique du ramadan au cœur de l’entretien que le cardiologue Hamidy Hasal montre comment il est possible de « gérer le jeûne » en apportant les éléments de réponse.
Une note d’espoir d’autant plus que la médecine n’arrête pas d’offrir de nouvelles perspectives thérapeutiques pour le traitement des maladies cardiaques.
Masiwa – Existe-t-il aux Comores des statistiques sur les gens qui meurent de maladies du cœur et du système sanguin ?
Hamidy Hasal Mhoussine – On n’a pas de données statistiques pour le moment, mais au pays on assisterait à une augmentation importante de nombre de cas dans nos hôpitaux et dans les structures libérales. Plus de 50 % des motifs de consultation concernent une pathologie cardiovasculaire.
Masiwa – La cardiopathie est-elle comme ces pathologies qui frappent à tout âge et se soignent d’autant mieux qu’elles sont détectées tôt ?
Hamidy Hasal Mhoussine – Il y a des cardiopathies congénitales, c’est-à-dire l’enfant est né avec des malformations cardiaques et qu’il faut diagnostiquer tôt et les soigner.
Et il y a des cardiopathies acquises : la personne est née avec un cœur normal, mais devient malade au fil des années. C’est le cas de cardiopathie ischémique, cardiopathie valvulaire, cardiopathie hypertensive. Évidement, diagnostiquer tôt permet d’éviter la survenue des complications ou retarder leur survenue.
Masiwa – Quelle est la pathologie cardiaque la plus fréquente aux Comores ?
Hamidy Hasal Mhoussine – La cardiopathie la plus fréquente au monde est la cardiopathie hypertensive. Selon l’OMS, 1,28 milliard de personnes sont atteintes d’HTA en 2021 (30 ans/ 79 ans). Aux Comores, c’est la pathologie cardiaque la plus fréquente.
Masiwa – Et la sténose valvulaire ou la cardiomyopathie dont on entend souvent parler ?
Hamidy Hasal Mhoussine – La sténose valvulaire pulmonaire est une pathologie congénitale relativement fréquente puisqu’elle est estimée à 1 sur 1 500 naissances. La cardiomyopathie est une maladie qui touche les muscles cardiaques. Il y a quatre types de cardiomyopathies et le traitement varie selon le type et la gravité.
Masiwa – Quels sont les facteurs de risque des maladies du cœur ?
Hamidy Hasal Mhoussine – Les facteurs de risques cardiovasculaires sont : l’Hypertension artérielle, le diabète, le tabagisme, la dyslipidémie, l’obésité, la sédentarité, le stress… Prendre en charge ces facteurs représente la pierre angulaire de la prise en charge de ces patients.
Masiwa – En quoi le jeûne peut-il aggraver les maladies cardiaques ?
Hamidy Hasal Mhoussine – Le jeûne n’affecte pas la santé de nos patients cardiaques ou hypertendus s’ils sont stables. Nos malades bien suivis observent bien le jeûne durant le mois de Ramadan sans complication. Une visite chez le médecin avant le ramadan est préconisée pour ajuster et organiser les prises de médicaments.
Le jeûne n’aggrave pas les maladies cardiaques. Juste qu’un patient instable ne devrait pas observer le jeûne. Il faut stabiliser sa cardiopathie et puis voir si la personne peut jeûner après.
Masiwa – Les personnes âgées qui souffrent de maladies cardiaques, peuvent-elles jeûner ?
Hamidy Hasal Mhoussine – C’est au cas par cas. Si son état de santé lui permet et qu’elle tolère, oui, sinon elle ne jeûne pas. Un patient cardiaque stable peut bien jeûner.
Masiwa – En jeûnant, quel est le risque pour un malade qui souffre de l’ischémie myocardique qui est le déséquilibre entre les besoins du cœur en oxygène et l’apport issu de la circulation sanguine coronarienne ?
Hamidy Hasal Mhoussine – Un malade qui souffre d’ischémie myocardique, c’est un coronarien. Un coronarien qui est stable, c’est-à-dire à distance de son infarctus, et ne ressent plus de douleur thoracique peut bien jeûner. Un patient qui a fait un infarctus récent et non stable doit recevoir des soins.
Masiwa – Quelle est la pathologie cardiaque présentant le risque le plus élevé pour un patient jeûneur ?
Hamidy Hasal – Aucun. Quelle que soit la cardiopathie, si elle est stable, il n’y a aucun risque pour le jeûneur.
Masiwa – La médecine offre-t-elle de nouvelles perspectives thérapeutiques pour le traitement des malades cardiaques ?
Hamidy Hasal – Il y a toujours de nouvelles perspectives thérapeutiques en médecine. Les patients porteurs de cardiopathies n’ont pas de problème concernant leur traitement, que ce soit pendant le mois de Ramadan ou les autres mois.
Masiwa – Quels sont les aliments qui ne sont pas bons pour les patients jeûneurs ?
Hamidy Hasal – Il faut bien s’hydrater durant la période pendant laquelle il est permis de manger (de 18 heures à 4 heures environ). Il faut consommer moins salé et pauvre en gras. Consommer des fruits, des légumes et des aliments sucrés avec modération.
Le chocolat contient du cacao qui est riche en potassium, bien recommandé chez les patients hypertendus.
Le chocolat noir constitue un auxiliaire de prévention cardiométabolique conforté par de nombreuses études. Sa consommation peut être recommandée à condition de ne pas tomber dans le psychodrame des excès, de la dépendance et de la transgression, tout en se souvenant que le chocolat est un vecteur énergétique et de sucre .