Les journaux sénégalais font état d’une « annulation » de la visite du président Macky Sall à Moroni ce lundi, suite à la victoire de l’équipe nationale à la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), dimanche soir. N’est-ce pas juste un report, comme le suppose une information « off » venant de Beit-Salam lundi matin et annonçant une arrivée du président sénégalais mardi ? L’information a été reprise par de nombreux journalistes comoriens, mais les journaux sénégalais affirment que mardi Macky Sall accueillera les joueurs de football pour les décorer. Par MiB
Les conseillers qui exercent à Beit-Salam doivent être désemparés. Ils ont sans doute peu d’information ce lundi matin sur les intentions du président Macky Sall. Ils communiquent donc en « off ». Face à la liesse populaire qui s’est emparée du Sénégal, ce dernier, qui avait renoncé à aller encourager l’équipe nationale du Sénégal à Yaoundé (Cameroun) pour la finale de la CAN, a décidé de quitter Addis-Abéba pour se rendre dans son pays. Selon les journaux sénégalais, il devrait accueillir les joueurs de football à 13 heures, et certains avancent même l’idée de les recevoir le mardi 8 février à la présidence pour les décorer.
Une visite d’État
Le rendez-vous avec Azali Assoumani et surtout avec le peuple comorien semble donc reporté sine die, même si les journalistes sénégalais parlent d’une « annulation ». Les enjeux d’un tel voyage sont trop importants et il serait étonnant qu’il soit aussi simplement annulé.
Le voyage de Macky Sall est annoncé par la présidence comorienne comme étant une « visite d’État » prévue depuis septembre dernier. Les deux présidents signeront à cette occasion des accords de coopération, après deux tête-à-tête et des discussions avec les deux délégations. Il est prévu également une rencontre entre le président sénégalais et la population comorienne, à l’aéroport et Macky Sall, musulman, devrait visiter le mausolée de Saïd Mohamed bin Shaykh, Al-Maaruf, à la Zawiyat Shadhuli, au centre de Moroni.
Mais, on imagine mal que la situation politique des Comores ne soit pas au menu des discussions. Le président Azali a été contraint d’organiser un Dialogue avec l’opposition pour montrer que la démocratie fonctionne, or ce qui reste de l’opposition nationale refuse de s’y rendre. Et une grande partie des hommes politiques qui n’ont pas prêté allégeance à l’exécutif est soit en prison sans perspective de jugement, depuis plus de trois ans pour Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, l’ancien président des Comores. Tous les pouvoirs sont entre les mains de l’exécutif, la preuve en est que sur les indications de son médecin, un juge a ordonné le départ de Mohamed Sambi pour des soins urgents à l’extérieur et que l’exécutif a purement et simplement annulé cette ordonnance.
Une mission de l’Union africaine
Il se trouve que le week-end dernier a vu la prise de fonction de Macky Sall en tant que président de l’Union africaine à Addis-Abeba. Une des problématiques étudiées est celle des nombreux coups d’État qui sévissent en Afrique actuellement. Les chefs d’États de l’Union africaine veulent empêcher les manipulations de constitutions en vue de prolonger les mandats présidentiels. Et les Comores sont dans ce cas dans la mesure où la constitution a été modifiée ou changée pour permettre à Azali Assoumani de faire un deuxième mandat, voire un troisième à partir de 2024. À cela s’ajoutent d’une part des élections tronquées et d’autre part la situation actuelle. Tous les observateurs et journalistes ont noté que les urnes ont été bourrées pendant le référendum. Et Azali, lui-même a reconnu dans un discours public avoir « volé » les élections présidentielles et les observateurs dont l’Union africaine ont affirmé que le processus électoral a été interrompu par le pouvoir en place. Et l’Union africaine ne peut que constater chaque jour la situation actuelle de blocage de fonctionnement d’une vie politique avec des opposants transformés en prisonniers politiques.
La venue de Macky Sall ne sera donc pas uniquement une simple visite d’un Chef d’État, mais aussi la venue du Président de l’Union africaine en mission pour signifier au président Azali que le chemin emprunté depuis 2018 n’est pas le bon. Après, il peut choisir d’écouter ses pairs ou de s’entêter dans l’autocratie. Et il ne faut pas compter sur l’Union africaine pour le contraindre à revenir à la démocratie.